PARIS, jeudi 1er août 2024– Lors du récent Sommet de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), le Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Edgard Leblanc Fils, a reconnu la compétence de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) en matière d’enquête sur les Conseillers présidentiels. Selon Dr. Guerby Blaise, cette reconnaissance renforce le rôle de l’ULCC, bien que des questions subsistent quant aux limites de sa compétence.
Dr. Blaise cite l’organisation Ensemble contre la Corruption (ECC), qu’il considère « crédible », pour avoir nuancé cette compétence, la restreignant au domaine administratif. Il note que la position de l’ECC « justifie de la préoccupation de cette association à la bonne gouvernance », mais que les recommandations générales de l’ECC à l’encontre des trois Conseillers sont jugées sévères. Ces recommandations « n’ont pas laissé la possibilité à un Conseiller ou les trois Conseillers d’attester de sa ou leur non-participation » aux accusations. Dr. Blaise rappelle que « le principe de la présomption de culpabilité, établi par la loi de 2014 en matière de corruption, s’applique devant les instances judiciaires. »
Les partisans des Conseillers présidentiels ont soulevé des objections, soulignant le « défaut d’autorisation préalable » de l’ULCC par son ministère de tutelle, en raison du statut présidentiel du CPT. Toutefois, Dr. Blaise explique que l’article 124 du Décret sur l’Administration Centrale de l’État de 2005 et le dernier alinéa de l’article 7 du Décret de 2004 « confinent l’exercice de la tutelle dans la vie de l’administration. » De plus, il précise que les articles 9 à 12 du Décret de 2004 confèrent à l’ULCC un « véritable statut d’Officier de Police Judiciaire (OPJ) » en matière d’enquête pour faits de corruption.
Dr. Blaise souligne que le rapport d’enquête de l’ULCC « n’est pas susceptible de recours hiérarchique devant le Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) » et que les actes d’enquête de l’ULCC relèvent de l’autorité judiciaire. Les instructions du Premier ministre Garry Conille dans le dossier du BMPAD ont, selon lui, « méconnu l’indépendance de la justice. » Dr. Blaise affirme qu’il revient au ministre de la Justice de « donner des instructions générales au parquet pour saisir l’ULCC. »
Dr. Blaise recommande que le ministre de la Justice, Carlos Hercule, fournisse une « assistance juridique pointue » au Premier ministre pour préserver l’indépendance de la justice, conformément aux articles 60 et 60-1 relatifs à la séparation des pouvoirs.
Bien que Dr. Blaise reconnaisse l’importance de l’ULCC, il reste prudent quant à sa compétence dans ce dossier spécifique. « En tout état de cause, on ne pourrait pas opposer l’article 400 CIC à une éventuelle incompétence de l’ULCC, puisque ces Conseillers présidentiels n’auraient pas le statut de témoin dans le cadre de cette affaire. » Il estime qu’il est prématuré de conclure sur le traitement juridique de ce dossier, notant que « peut-être l’avenir judiciaire de ce dossier nous démentirait. »
Pour éviter de paralyser l’administration du CPT, Dr. Blaise recommande la mise en place d’une commission tripartite indépendante composée d’experts choisis par le CPT, le gouvernement, et la société civile. Il souligne que le CPT et le gouvernement ont récemment institué une « Commission d’Experts Pénalistes sur la réforme pénale », qui pourrait proposer une solution judiciaire rapide.
Bien que l’ULCC joue un rôle crucial dans la lutte contre la corruption en Haïti, Dr. Blaise insiste sur le fait que « la régularité des actions de l’ULCC doit être maintenue, sans être subordonnée à l’approbation du MEF, pour assurer sa crédibilité. » Cette affaire met en lumière les défis auxquels est confronté le système judiciaire haïtien dans sa quête d’intégrité et d’autonomie.