MIREBALAIS, dimanche 5 mai 2024 – Dans une décision émise le 8 mars 2024, le Tribunal de Première Instance de Mirebalais(Centre) a tranché sur l’affaire du meurtre du journaliste Néhémie Joseph. L’ordonnance, prononcée par le juge instructeur Edwige Dorsainvil en chambre d’instruction criminelle au Palais de Justice de la ville, clarifie les personnes inculpées dans cette affaire.
Suite à l’examen du réquisitoire du commissaire du Gouvernement, le tribunal a conclu que Yolette Jeanty et Garry Pierre Paul Charles ne disposaient pas de charges suffisantes les reliant au meurtre de Néhémie Joseph. Par conséquent, le tribunal a ordonné leur libération de toute inculpation et détention, avec l’interdiction de les poursuivre à nouveau pour les mêmes faits, sauf en cas de nouvelles charges conformément à la loi.
Cependant, pour Juste Chandou Clerjeune, Rony Célestin, Elionel Casséus, Angelina Fabiola Cameau, Lochard Laguerre, Douyon Rosevald, Lenel A.C et Huguens Charles, la décision a pris une tournure différente. Le tribunal a jugé qu’il existait suffisamment de preuves pour justifier leur implication respective en tant qu’auteur, complice ou instigateur du meurtre de Néhémie Joseph. Ils ont donc été renvoyés devant le Tribunal criminel, avec assistance de jury, pour être jugés conformément à la loi.
En outre, l’ordonnance spécifie que ces individus seront arrêtés si nécessaire et incarcérés dans la maison d’arrêt de la ville. Toutes les pièces de la procédure seront transmises au commissaire du Gouvernement pour les procédures judiciaires appropriées.
Cette décision revêt une importance capitale dans la quête de justice pour Néhémie Joseph, sa famille et la société dans son ensemble.
La soirée du jeudi 10 octobre 2019 restera gravée dans la mémoire collective des habitants de Mirebalais comme l’une des plus sombres de leur histoire récente. Cette soirée ordinaire a été tragiquement marquée par la découverte macabre du corps sans vie du journaliste Néhémie Joseph, une figure éminente de la ville.
Néhémie, animateur vedette d’une émission socio-politique très appréciée sur les ondes de la radio “Panic FM” à Bayas, a été retrouvé atrocement assassiné dans le coffre de son véhicule.
L’annonce de cet acte odieux a plongé la population dans la consternation. Mirebalais, réputée pour son calme, a été secouée par cet événement inattendu et choquant. Des jeunes aux moins jeunes, de toutes les classes sociales, ont exprimé leur réprobation et leur appel à la justice, exigeant l’arrestation des coupables et leur traduction en justice.
Les autorités judiciaires de la ville ont réagi rapidement, mobilisant leurs ressources pour faire toute la lumière sur cette affaire. Le juge de paix de Mirebalais a dressé un constat légal, suivi par l’intervention du Commissaire du Gouvernement, chargé de diriger l’action publique. La première étape a été de recueillir le témoignage crucial de l’épouse de la victime, Shella Saint-Jean.
Selon le récit bouleversant de Shella, Néhémie avait quitté le domicile familial le matin pour assister à une réunion, mais était rentré plus tôt que prévu, apparemment fatigué. Après un bref repos, il était reparti pour une autre réunion, tard dans la soirée. L’inquiétude de Shella a augmenté lorsqu’il n’est pas rentré à l’heure prévue, ses appels téléphoniques restant sans réponse jusqu’à ce qu’elle apprenne la terrible nouvelle par la radio.
Les déclarations de Shella ont révélé que Néhémie avait été victime de menaces de mort répétées, certaines publiées sur les réseaux sociaux, et avait même alerté sa femme à propos de réunions où son assassinat aurait été planifié, avec le nom d’Elionnel Casseus mentionné.
Les développements ultérieurs de l’enquête ont abouti à l’émission de mandats d’amener contre des suspects, dont Angelina Fabiola Cameau, pour complicité présumée dans le meurtre. Des réquisitions d’informer ont été présentées à la chambre d’instruction criminelle, et de nouvelles informations ont été régulièrement transmises au magistrat instructeur.
Les témoignages recueillis ont mis en cause plusieurs individus, dont Juste Chandou Clerjeune, accusé d’être l’auteur du meurtre, et des réunions où la planification de ce crime aurait eu lieu chez des personnalités locales.
Les témoins ont souligné une relation tumultueuse entre Néhémie Joseph et Juste Chandou Clerjeune, partageant une liaison avec la même femme, Fabiola. Cette situation aurait créé des tensions explosives entre les deux hommes. De plus, les menaces de mort proférées contre Néhémie Joseph par des personnalités politiques de haut rang, notamment Rony Célestin, Elionel Casseus et le Magistrat Lochard Laguerre, soulèvent des questions sur un éventuel mobile politique derrière le meurtre.
Les témoignages ont également mis en lumière des motifs économiques, avec des contrebandiers mécontents tenant Néhémie Joseph responsable des perturbations lors de manifestations antérieures. Cette dimension révèle un climat de mécontentement généralisé et des rancœurs qui auraient pu conduire à des actes extrêmes.
Pierre Jonas, un autre témoin, a identifié trois motivations dans le meurtre : sentimentale, économique et politique. Chandou, décrit comme un mercenaire politique, aurait eu des raisons personnelles de vouloir éliminer Néhémie en raison de rivalités amoureuses et professionnelles.
Les témoins ont également pointé du doigt des personnalités politiques influentes, notamment Lochard Laguerre et Rony Célestin, soulignant des rivalités politiques et des critiques publiques qui auraient pu entraîner des représailles violentes.
L’enquête a révélé un réseau complexe de motivations, mêlant des éléments sentimentaux, économiques et politiques. Néhémie Joseph, en tant que critique virulent du pouvoir local, aurait suscité des ressentiments chez certains responsables politiques locaux, notamment Rony Célestin et Elionel Casseus.
Les éléments de l’enquête suggèrent que Juste Chandou Clerjeune aurait été le cerveau de l’opération, utilisant sa position au sein de la mairie de Mirebalais pour planifier le meurtre de Néhémie Joseph. Angelina Fabiola Cameau aurait été complice, organisant la rencontre fatale entre Néhémie et ses agresseurs.
La disparition suspecte du véhicule impliqué dans le meurtre, propriété de Huguens Charles, a également éveillé les soupçons des enquêteurs. Ce dernier aurait préféré vendre le véhicule plutôt que de le remettre aux autorités judiciaires, cherchant ainsi à brouiller les pistes.
Ces développements soulèvent des questions importantes sur la sécurité des journalistes en Haïti et sur la nécessité de garantir la protection des voix dissidentes. Le meurtre de Néhémie Joseph a suscité une indignation généralisée et a mis en lumière les dangers auxquels sont confrontés les professionnels des médias dans le pays.
Le renvoi des suspects devant la juridiction répressive marque une étape cruciale dans la quête de justice pour Néhémie Joseph et dans la lutte contre l’impunité. Il appartient désormais à la justice de faire la lumière sur cette affaire et de veiller à ce que les responsables rendent compte de leurs actes devant la loi.
La société haïtienne attend avec impatience le déroulement du procès, espérant que la vérité éclatera et que justice sera rendue pour Néhémie Joseph, un journaliste courageux dont la voix a été tragiquement réduite au silence.