PORT-AU-PRINCE, mercredi 15 janvier 2025– Dans une correspondance adressée au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé le 14 décembre 2025, les membres de la Centrale Unitaire des Travailleurs et Travailleuses des Secteurs Public et Privé d’Haïti (CUTRASEPH) ont exposé, avec gravité, la situation alarmante de l’éducation en Haïti et l’insécurité qui gangrène le pays. Cette lettre, signée par de nombreux syndicats issus de divers secteurs, dénonce l’inaction prolongée du gouvernement face à des crises interconnectées menaçant l’avenir du pays.
Les syndicats rappellent que le système éducatif haïtien traverse une phase critique marquée par une absence totale de réforme et une incapacité chronique à répondre aux revendications des enseignants. Selon eux, le cahier de revendications, portant entre autres sur des ajustements salariaux, le paiement des arriérés, et des nominations équitables, est ignoré par les autorités. Ils déclarent avec insistance : « L’école haïtienne va mal et cause ainsi beaucoup de maux à notre pays », citant la journaliste Katia Hacène dans son ouvrage Des mots qui pansent les maux : « Là où l’école va mal, le mal devient école. »
Le constat est accablant : l’absence de moyens adéquats, l’insuffisance des outils pédagogiques et la précarité des enseignants empêchent l’école de remplir sa mission fondamentale. Les syndicats affirment que cette dégradation est le résultat du manque de volonté politique des dirigeants passés et actuels. Ils ajoutent que cette faillite du système éducatif engendre un grave déficit de citoyenneté, contribuant à l’émergence de dirigeants et de citoyens dépourvus de sens moral et patriotique.
En parallèle, la lettre dénonce avec véhémence la montée de l’insécurité qui paralyse le pays. Les gangs armés, qualifiés de « terroristes », contrôlent de vastes portions du territoire et imposent leur loi aux citoyens, privant la capitale et ses environs de liberté de circulation. Les signataires interpellent directement le Premier ministre : « Monsieur le Premier ministre, le premier rôle de l’État est de garantir la sécurité au sens le plus large de la cité. » Citant Hannah Arendt, ils rappellent que « la tâche et la fin de la politique consistent à garantir la vie au sens le plus large ». Or, selon eux, l’État haïtien ne parvient pas à remplir cette mission essentielle.
Les syndicats soulignent que cette insécurité n’est pas un phénomène isolé mais le fruit de complicités locales et internationales. Ils pointent du doigt les trafics d’armes en provenance des États-Unis, notamment de la Floride, comme le confirme un rapport de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) publié en mars 2023. Le colonel américain à la retraite Mark Cancian, cité par le Miami Herald, avait lui-même affirmé que « la politique américaine a armé les gangs mieux que la police et l’armée par inadvertance ». Les syndicats dénoncent également les propos récents de l’ambassadeur américain en Haïti, Dennis Bruce Hankins, qui a reconnu entretenir des contacts avec certains chefs de gangs.
Bien que les syndicats saluent quelques efforts récents dans la lutte contre les gangs, ils jugent ces avancées insuffisantes et demandent des mesures plus radicales. Ils appellent à une réponse claire et ferme pour combattre ces groupes armés et libérer les routes nationales, tout en exigeant que le gouvernement américain mette un terme au trafic d’armes vers Haïti, en accord avec une résolution de l’ONU d’octobre 2023.
La correspondance conclut sur un ton résolument critique, mettant en garde le Premier ministre : « Si vous voulez avoir le soutien du peuple, si vous envisagez de rester au pouvoir, vous avez l’impératif catégorique de combattre systématiquement tous les gangs terroristes et de rétablir la sécurité. » En cas d’échec, les syndicats appellent à un renouvellement complet de l’équipe gouvernementale pour instaurer un leadership capable de répondre aux défis actuels.
Les membres de la CUTRASEPH demandent au Premier ministre de démontrer son engagement par des actions concrètes et immédiates. Ils rappellent que l’avenir du pays dépend de la résolution simultanée de la crise éducative et de celle de l’insécurité, des enjeux qu’ils qualifient de vitaux pour la survie de la nation haïtienne.