‘‘Les ouvriers haitiens sont livrés à eux même et travaillent dans de très mauvaises conditions’’, selon une enquête de la POHDH…

Ouvriers du secteur textile/image d'illustration...

PORT-AU-PRINCE, samedi 28 octobre 2023– D’après la plateforme des organisations haïtiennes de défense des droits humains (POHDH), ‘‘les conditions dans lesquelles travaillent les ouvriers dans les usines de la sous-traitance constituent une atteinte à leur dignité et une violation grave de leurs droits fondamentaux.’’

Dans un rapport sur les conditions de travail des ouvriers dans les usines de la sous-traitance, la POHDH souligne que le Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) reconnait, dans son article 7, « le droit qu’à toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent une rémunération qui procure une existence décente pour eux et leur famille, la sécurité et l’hygiène du travail, le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés ».

Selon l’organisation, le salaire versé aux ouvriers est loin de leur permettre d’avoir un niveau de vie suffisant ou une existence décente pour eux/elles et leur famille.

‘‘De simples calculs démontrent clairement que les 685 gourdes ne peuvent même pas assurer la reproduction de la force de travail de l’ouvrier ou l’ouvrière. Avec une inflation qui passe de 24% à 48% environ dans un intervalle d’un an et une augmentation des prix des produits pétroliers de plus de 120%. Certains ouvriers rapportent que ce salaire n’arrive même pas à couvrir leurs dépenses de consommation nutritionnelle sur le lieu même de leur travail’’, lit-on dans le rapport.

La POHDH estime que ‘‘les revendications des ouvriers pour un ajustement du salaire minimum à 2 500 gourdes, l’exécution des dispositions d’accompagnement social pour les ouvriers et la régularisation des prélèvements gardés par les employeurs sont justes et fondées compte tenu de la dégradation des conditions sociales et économiques, accentuée par la crise politique, l’insécurité généralisée, l’inflation galopante et les décisions impopulaires du gouvernement de facto.’’

Selon la POHDH, « ouvriers sont livrés à eux même et travaillent dans de très mauvaises conditions. Ils sont dans l’inconfort par rapport à la température, même les ventilateurs n’arrivent pas à améliorer la chaleur ardente dans les salles de travail. Il y a des nuisances sonores, des mauvaises odeurs des canaux qui sont proches de certains espaces de travail qui mettent en péril leur vie. »

Elle souligne que les ouvriers, dans la plupart des cas, n’ont aucune protection sociale.

« Des cotisations obligatoires doivent être versées pour couvrir les assurances vieillesses ainsi que les assurances pour pallier certains risques. L’ONA et l’OFATMA sont les deux institutions auxquelles les cotisations doivent être régulièrement versées. En ce qui concerne l’ONA, la cotisation est fixée à 12% du salaire déclaré de l’employé dont 6% de l’employeur. Quant à l’OFATMA, la cotisation est fixée à 3% et est à la charge de l’employeur », indique la POHDH.

Cependant, la POHDH critique et condamne ce qu’elle appelle ‘‘les pratiques frauduleuses des patrons d’usines qui s’enrichissent grâce aux cotisations prélevées du salaire des ouvriers alors que leur vie et celle de leur famille en dépendent. C’est cruel et révoltant’’, ajoute-t-elle.

L’organisation déclare se révolter contre la stratégie de certains patrons qui consiste à sanctionner et révoquer des ouvriers parce qu’ils protestent et revendiquent leurs droits. La POHDH souligne également que cette pratique constitue une violation grave du Code du travail haïtien qui dispose au chapitre V des conditions de résiliation du contrat de travail.

La POHDH juge honteux le comportement des autorités haïtiennes, notamment des inspecteurs de la Direction du travail qui, indique-t-elle, ne font preuve d’aucune sensibilité pour les ouvriers mais qui préfèrent protéger les intérêts des patrons d’entreprises dans le but de recevoir des gratifications.

D’après l’organisation, l’article 411 du code du travail met à la charge de ces inspecteurs la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession en s’assurant que les employeurs respectent les dispositions légales. Cet article énonce clairement que les inspecteurs doivent faire des recommandations aux employeurs pour améliorer les conditions de travail des ouvriers, soutient-elle.

Concernant l’ajustement de salaire, la POHDH souligne que la loi du 6 octobre 2009 prévoit une réunion annuelle du Conseil Supérieur du Salaire (CSS) trois mois avant la fermeture de chaque exercice fiscal pour réviser, s’il y a lieu, le salaire minimum en fonction des indices macroéconomiques. ‘‘Laisser les ouvriers s’en occuper est foncièrement irresponsable’’, déclare l’organisation

En ce qui a trait aux règlements internes des entreprises, la POHDH estime que ce document est élaboré en marge de la loi et constitue un instrument favorisant la violation des droits des travailleurs.

Quant aux femmes, la POHDH indique qu’elles sont souvent victimes d’harcèlement. « Les processus de recrutement, de promotion et les règlements de conflit constituent des prétextes pour que les superviseurs ou autres cadres formulent des propositions indécentes ou commentaires déplacées sur les femmes. Les refus conduisent parfois au licenciement, aux réductions des heures de travail où à des sanctions disciplinaires », soutient l’organisation.

D’après la POHDH, l’environnement de travail expose beaucoup plus la santé des femmes, arguant que, ‘‘contraintes d’utiliser des toilettes dans de très mauvaises conditions ou encore d’utiliser des morceaux de toiles en guise de serviettes hygiéniques parce qu’il n’y en a pas en quantité suffisante, les femmes sont sujettes à des risques élevés d’infections.’’

Elle recommande aux autorités compétentes de prendre toutes les dispositions nécessaires et adéquates pour permettre aux ouvriers/ères de jouir des conditions de travail justes et favorables à la lumière de la Constitution de 1987, du Code du travail et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié par l’Etat haïtien en janvier 2012.

Elle souhaite que le Conseil Supérieur des Salaire (CSS) assume ses responsabilités de façon à être régulier dans l’accomplissement des tâches que lui confère la loi afin d’éviter  des conflits entre les ouvriers et les patrons d’usines en ce qui concerne l’ajustement salarial.

La POHDH recommande que les patrons d’entreprises, ayant dérogé à la loi en omettant de verser les cotisations, soient punis conformément aux dispositions du code du travail, de la loi du 28 août 1967 créant l’Office National de l’Assurance vieillesse (ONA) et du code pénal.

L’organisation souhaite que des réformes soient envisagées dans le corps des inspecteurs et dans les conditions dans lesquelles cette instance exerce ses fonctions et que les règlements internes des usines fassent l’objet d’analyses approfondies en vue de vérifier leurs conformités au code du travail et éviter en conséquence des abus et violations de droits des ouvriers.

Elle recommande également que les révocations dont sont victimes les ouvriers protestataires fassent l’objet d’enquête pour évaluer leur légalité.