Port-au-Prince, dimanche 20 juin 2021- La tâche devient de plus en plus compliquée pour le magistrat Renord Régis qui instruit le dossier de l’assassinat de Me Monferrier Dorval, ex-bâtonnier de Port-au-Prince, tué d’au moins trois (3) balles chez lui, le 28 août 2020, à Pèlerin 5, non loin de la résidence du président Jovenel Moïse.
La semaine écoulée, le juge a dû retourner l’arme à feu mise à la disposition de son agent de sécurité rapproché à la direction logistique de la police nationale d’Haïti.
Dans une courte correspondance à Ghislène Désiré, directrice logistique de la PNH en date du 17 juin 2021, Me Renord Régis écrit ceci, ‘’ Mon agent de de sécurité rapproché, Lastson Dominique, vient de recevoir un appel à 11 :17 am de votre bureau tendant au retour de l’arme à feu que vous avez mise à ma disposition et je vous la retourne immédiatement.’’
Selon une source judiciaire qui a requis l’anonymat, cette décision de la direction logistique de la PNH émanerait des autorités politiques et participerait de manœuvres visant à intimider davantage le magistrat afin de le rendre plus vulnérable pour qu’il renonce à la poursuite de l’instruction du dossier de l’assassinat de Me Dorval.
La source affirme que le juge est soumis à des pressions intenses et des offres tendant à le corrompre pour qu’il abandonne le traitement du dossier devenu trop encombrant pour le pouvoir en place.
Elle précise que les actes d’intimidation se sont amplifiés depuis que le juge d’instruction à décider de citer des proches de Jovenel Moïse dont Martine Moïse, Guichard Doré, l’ex-premier ministre de facto Joseph Jouthe entre autres, à comparaitre à titre de témoins dans le cadre cette affaire.
Selon la source, les déclarations de Jovenel Moïse en novembre 2020 sur les ondes de plusieurs radios de la capitale, concernant une vidéo sur l’assassinat de l’ex-bâtonnier survenu à 10 :13 dont Martine Moïse a reçu copie à 10 :15, soit deux minutes plus tard, exclusivité, placeraient les projecteurs très haut sur le palais national.
La source dit craindre pour la suite de l’enquête sur l’assassinat de me Dorval qui risque de ne pas aboutir et pour la sécurité du juge qui pourrait y laisser sa peau s’il persiste à traiter le dossier, sans obtenir des garanties de sécurité.
‘’C’est comme des chacals, dit-elle, si des assassins essaient de vous dissuader sur le traitement d’un dossier et que vous refusez, ils vont chercher, en deuxième lieu à vous corrompre, si ça ne marche pas, la dernière étape, c’est qu’ils finiront par vous assassiner,’’ selon la source.
Elle précise que le juge Ikenson Edumé qui instruit le dossier du l’ex-caïd de Village de Dieu, Arnel Joseph, fait l’objet, lui aussi de graves menaces de mort et d’intimidation.
L’ancien puissant chef de gang de Village de Dieu, a été exécuté à l’Estère, dans l’Artibonite, par une patrouille policière, vingt-quatre (24) après son évasion spectaculaire, en plein jour de la prison civile de la Croix-des-Bouquets, (Ouest).
‘’Malgré tout, souligne la source, le magistrat entendait poursuivre l’instruction de l’affaire et l’enquête avançait très bien ; d’autant que Arnel Joseph avait fourni de précieuses informations sur ses liens et rapports privilégiés de hautes autorités publiques.’’
‘’Cependant, poursuit la source, les agents de sécurité et les armes à feu mises à la disposition du juge Ikenson Edumé, ont été retirés par ceux qui estiment que le magistrat allait trop loin et que si le dossier poursuivait son cours normal, il risquait d’entraver des hommes de pouvoir.’’
Elle affirme que le magistrat a dû battre en retraite et se met à couvert pour éviter d’être victime de ce qu’elle considère comme une espèce de ‘’syndicat du crime’’ qui opère en Haïti et qui dispose de tous les leviers pour empêcher l’aboutissement de toute enquête judiciaire.
La source judiciaire fait remarquer que tous les juges du système ne sont pas logés à la même enseigne et reçoivent un traitement différent dépendamment de sa proximité avec le pouvoir, autrement dit ‘’juge de l’équipe’’ ou s’il se classe parmi les rares magistrats qui s’efforcent pour maintenir leur indépendance.
Selon la source, à l’opposé des magistrats Régis et Edumé qui sont privés des moyens de base pour accomplir leur tâche, le juge en charge du dossier Petro Caribe, Ramoncithe Accimé, récusé par des plaignants dans cette affaire, disposerait plus que ce qu’il en aurait besoin en termes de moyens matériels.
Elle précise que, pendant que les autres juges sont en difficultés et ne disposent pas du strict minimum, ce magistrat dont le mandat de juge d’instruction a déjà pris fin, roule en véhicule tout-terrain immatriculé officiel, avec plusieurs agents de sécurité à sa disposition.
Interrogé par RHINEWS sur cette différence, la source confie que, ‘’Me Ramoncithe Accimé est là pour blanchir tous les membres et proches du régime en place impliqués dans cette vaste escroquerie d’Etat qui a permis de gaspiller 2.4 milliards de dollars américains d’aide au développement fourni par le Venezuela, après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010 qui avait coûté la vie à plus de trois-cents mille (300,000) personnes.’’
‘’C’est dur, c’est triste et douloureux, mais c’est ça la réalité de notre pays et de la justice de notre pays. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles, notre pays ne décollera pas, si rien n’est fait pour corriger cette situation, soutient-elle.
La source suggère que le conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) sollicite le soutien d’instance internationale en vue sécuriser certains juges indépendants qui traitent des dossiers sensibles.