Les Jésuites d’Haïti favorables à un plus grand engagement de l’international envers Haïti, mais dans le respect absolu de la souveraineté nationale…

Symbole de l'Ordre des Jesuites...

PORT-AU-PRINCE, lundi 15 août 2022– Les Jésuites d’Haïti estiment que ‘’le drame que vit Haïti depuis déjà de nombreuses années prend aujourd’hui des dimensions inédites.’’

Selon eux, ‘‘sa descente aux enfers s’accélère surtout depuis l’assassinat du Président Jovenel Moise, le 7 juillet 2021. Sans autorités légitimes, avec ses institutions régaliennes effondrées et sa souveraineté territoriale hypothéquée à cause de la montée en puissance des gangs armés, l’État haïtien se trouve dans l’incapacité absolue de remplir les fonctions essentielles que lui impartit la Constitution.’’

« On assiste impuissant au triste spectacle d’une société paralysée, déchirée par la violence des gangs et aux prises avec des problèmes de tout genre. Une situation proche de l’anarchie », déclarent-ils dans un communiqué.

‘‘Faut-il, pour s’en sortir, se tourner vers la Communauté Internationale’’, s’interrogent les religieux, soulignant que les conditions historiques même de la naissance de la nation et l’expérience négative des Haïtiens avec la communauté internationale, notamment les Nations Unies, nous laissent perplexes et méfiants.

Pourtant, poursuivent-ils, dans les circonstances actuelles, un appui international, solide et déterminé à Haïti, semble incontournable. Mais quelle forme doit-il prendre pour dépasser les erreurs du passé, et aider vraiment le peuple à sortir enfin de ce bourbier ? Quel soutien les Haïtiens attendent-ils de la communauté Internationale, se demandent-ils avec insistance.’’

Préconisant le respect absolu de la souveraineté nationale, les Jésuites estiment que l’efficacité d’une aide internationale à Haïti aujourd’hui exige de dépasser les erreurs de passé, dénoncées d’ailleurs par l’OEA et d’adopter des paradigmes nouveaux. ‘‘Elle devra faire montre d’un respect scrupuleux de la souveraineté de l’État Haïtien et donc valoriser les acteurs haïtiens crédibles et honnêtes dans la recherche et la mise en œuvre des solutions stratégiques citées plus haut’’, insistent-ils.

Selon eux, ‘‘face à l’impuissance de l’État et à la faiblesse d’une société civile désemparée et compte tenu de la responsabilité de la communauté internationale et son implication dans la crise haïtienne, il devient de plus en plus évident pour les différents groupes sociaux qu’une solution définitive passe nécessairement par l’engagement sérieux et sincère de la part de la communauté internationale.’’

Les Jésuites soulignent que les pans entiers du territoire national sont sous l’emprise totale des bandes armées et échappent totalement au contrôle de l’État. Les cas de kidnapping se multiplient de façon exponentielle : plus de quatre (4) par jour dans la seule région métropolitaine de Port-au-Prince. Environ 600 assassinats et victimes d’affrontements entre bandes armées sont enregistrées dans la capitale durant le mois de juin ; plusieurs milliers de personnes sont forcées d’abandonner leur lieu de résidence, fuyant la violence aveugle de ces gangs.

Ils déclarent que, « Tout porte à croire qu’Il existe une réelle connexion entre les chefs des gangs et le gouvernement, des secteurs politiques et du monde des affaires. Ils se convertissent en un véritable instrument politique au service de l’équipe au pouvoir. L’implication du crime organisé international (la drogue, le commerce des armes) dans l’activité des gangs vient compliquer encore davantage la situation ».

‘‘Nous assistons à la paralysie totale d’une société dont les principales activités économiques, sociales, culturelles sont littéralement bloquées. Les petites et moyennes entreprises sont effondrées et la classe moyenne, humiliée et appauvrie, à cause, entre autres, des lourdes rançons exigées lors des kidnappings’’, déclarent-ils.

Ils notent l’Inflation galopante, la grave dévaluation de la monnaie nationale, la hausse du prix du carburant, le chômage de masse etc. expliquent la pauvreté extrême qui affecte plus de la moitié de la population et le début d’une grave crise humanitaire. D’importantes vagues migratoires, issues également des classes moyennes, affluent vers la République Dominicaines et les autres pays de la région.

‘‘Ce qui constitue une menace réelle pour la sécurité intérieure de ces États. La presse dominicaine en fait écho chaque jour ; et plusieurs secteurs de la société lèvent la voix pour dénoncer l’arrivée massive des Haïtiens et demander à l’International d’aider Haïti à sortir de ce bourbier qui menace leur propre vie’’, ajoutent-ils.

En termes de proposition, les Jésuites soulignent que les efforts de résolution de la crise et l’engagement de la communauté internationale s’inscriront sur un temps relativement long et doivent envisager un véritable dialogue national, la réforme judiciaire, la question constitutionnelle, la mise en place du Conseil Électoral Permanent, bref, une vraie réforme de l’État.

Selon eux, ‘‘la classe politique, épuisée, divisée, décriée et décrédibilisée, est incapable de trouver un Accord général, consensuel, susceptible de sortir le pays de l’impasse. Pour sa part, la société civile, par la politisation de la société, peine encore à trouver sa vraie voie et n’arrive pas à s’organiser et faire des propositions de sortie de crise viables. Les populations pauvres des bidonvilles et d’autres secteurs sociaux, désillusionnées terrorisées, n’arrivent plus à se mobiliser pour revendiquer et dénoncer.’’

« L’engagement de la communauté internationale envers le peuple haïtien devrait faciliter un vrai dialogue socio-politique en vue de la mise en place d’un gouvernement de réforme capable de mener à bien les différentes réformes souhaitées par la société haïtienne », déclarent-ils.

Les Jésuites notent que la Police Nationale d’Haïti, principale institution chargée de garantir la sécurité des citoyens, est dysfonctionnelle. ‘‘Sous équipée, en nombre nettement insuffisant, rongée par la corruption, plus de 15 % de ses membres, de simples policiers aux cadres supérieurs, sont en lien avec les gangs armés’’, précisent-ils.

Ils estiment que dans les meilleurs délais, la communauté internationale devra s’engager à nous aider à la difficile tâche de neutralisation et de destruction des gangs armés et la restitution de la souveraineté territoriale de l’État devront en étroite collaboration avec la Police Nationale d’Haïti. Un vaste programme de désarmement, efficace, doit être mis sur pied. Un accompagnement sérieux et une restructuration à la fois célère et profonde de l’institution policière doit être immédiatement envisagée.

‘‘Cependant, soulignent-ils, alors que nous reconnaissons que l’engagement de la communauté internationale est incontournable, il est urgent que les Haïtiens fassent un vrai sursaut national, assument leur propre responsabilité et affirment leur engagement citoyen, arguant que la société civile et les rares institutions encore fonctionnelles du pays doivent jouer leur vrai rôle, sans se laisser manipuler et se mêler directement dans la gestion politique.’’