PORT-AU-PRINCE, vendredi 5 janvier 2024– D’après une analyse de ‘‘l’International Crisis Group’’ (ICG) sur la situation sécuritaire en Haïti, ‘‘les gangs en Haïti sont depuis longtemps un fléau qui a profondément enraciné ses tentacules dans la société.’’
L’ICG affirme que l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021 a accentué la crise, plongeant le pays dans une violence exacerbée et une instabilité politique sans précédent. La situation d’urgence humanitaire s’est aggravée, avec plus de 200 000 Haïtiens déplacés, des quartiers entiers sous le contrôle des gangs, entravant l’approvisionnement en denrées essentielles. »
Face à cette détresse, rappelle l’ICG, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé en octobre 2023 le déploiement d’une force multinationale dirigée par le Kenya pour restaurer la sécurité et faciliter des élections tant attendues.
Selon l’ICG, la mission envisagée, malgré son impératif humanitaire, doit faire face à des défis considérables. La préparation est cruciale, tant sur le plan opérationnel que politique. La force ne devrait pas se déployer avant d’avoir les effectifs, la formation et l’équipement nécessaires pour affronter les gangs.
L’ICG souligne que le combat urbain exige une préparation minutieuse, et l’établissement de sources de renseignements communautaires est vital pour minimiser les dommages collatéraux, ajoutant qu’un accord politique et des réformes substantielles sont indispensables pour assurer la pérennité des progrès réalisés.
‘‘La mission, autorisée en réponse à l’appel à l’aide du gouvernement haïtien, est confrontée à des défis opérationnels majeurs’’, d’après l’ICG, soulignant que les gangs, qui ont consolidé leur emprise sur le pays au fil des années, pourraient s’unir face à la menace étrangère. Les combats en milieu urbain présentent des risques pour les civils innocents, tandis que la corruption au sein de la police et des responsables politiques liés aux gangs ajoute une couche de complexité.
« Malgré ces défis, poursuit-il, un contingent kényan est prévu pour débarquer au début de 2024, offrant une meilleure compréhension du terrain. »
« Haïti, déjà assiégée par les gangs, se trouve également dans une impasse politique. L’absence d’élections depuis 2016 et la réticence du Premier ministre Ariel Henry à partager le pouvoir soulèvent des inquiétudes. L’opposition craint que l’arrivée de la force internationale ne soit exploitée par le gouvernement actuel pour consolider son pouvoir. La mission doit travailler en collaboration avec les forces politiques haïtiennes pour garantir un accueil positif, mais la dynamique actuelle indique un risque de retard dans le déploiement », selon l’ICG.
Il rappelle que la mission multinationale a pour objectif de protéger les institutions de l’État, les infrastructures critiques et de lancer une contre-offensive contre les gangs. Cependant, précise l’ICG, les obstacles sont nombreux, et la lassitude des capitales étrangères envers Haïti est réelle après des décennies d’interventions et de milliards d’euros d’aide. Pourtant, dans l’intérêt du peuple haïtien qui souffre depuis longtemps, tous les efforts doivent être déployés pour contribuer au succès de la mission.
Selon l’ICG, « la situation sécuritaire est étroitement liée à la montée en puissance des gangs en Haïti. Depuis l’assassinat du président Moïse, ces groupes ont étendu leur emprise, contrôlant la majorité de Port-au-Prince et des zones clés du pays. La violence, incluant meurtre, viol, enlèvement et extorsion, s’est intensifiée, touchant de nombreux civils. Les Nations unies rapportent près de 4 000 personnes tuées et 3 000 enlevées en 2023, avec plus de 1 100 agressions sexuelles signalées. Les gangs imposent des taxes aux entreprises, provoquant des pénuries et une hausse des prix des denrées alimentaires. »
L’ICG souligne que la police nationale haïtienne, en sous-effectif et confrontée à des problèmes de discipline, ne parvient pas à contenir la violence des gangs malgré le soutien international. Les liens entre certains responsables politiques, entrepreneurs et gangs restent solides, malgré des sanctions imposées par les États-Unis et le Canada en 2022. Les gangs, en alliance ou en rivalité, se préparent à l’arrivée de la mission multinationale, prévient-il.
La crise sécuritaire s’entremêle avec la crise politique. Le Premier ministre Ariel Henry, arrivé au pouvoir hors du processus électoral traditionnel, fait face à une opposition farouche. Les efforts pour parvenir à un accord politique ont stagné, exacerbant les divisions. Les fractures politiques profondes ont même dissuadé certaines capitales étrangères de participer à la mission multinationale.
Selon l’ICG, la mission multinationale en Haïti est une lueur d’espoir pour un pays en proie à des crises multiples. Cependant, les obstacles sont nombreux, et la réussite dépendra de la préparation minutieuse, de la collaboration avec les forces politiques haïtiennes et de la résolution des défis structurels du pays. Dans l’intérêt du peuple haïtien, il est impératif que tous les acteurs internationaux et locaux travaillent ensemble pour surmonter ces difficultés et contribuer à rétablir la paix et la stabilité en Haïti, suggère-t-il.
Selon l’ICG, La crise politique en Haïti a atteint un point critique, marqué par des mois de négociations infructueuses entre les principales forces politiques du pays. Malgré les efforts de la Communauté des Caraïbes (Caricom) pour faciliter les pourparlers à Kingston, en Jamaïque, les divergences entre le gouvernement d’Ariel Henry et les groupes d’opposition, tels que l’accord de Montana, le Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK) et Fanmi Lavalas, n’ont fait que s’accentuer. La proposition d’établir un conseil présidentiel pour superviser une transition jusqu’aux élections a été rejetée par Henry, qui a préféré intégrer de nouveaux membres au Conseil supérieur de transition existant, sans parvenir à apaiser les tensions.
En septembre 2023, confronté à la montée de la violence des gangs et au refus persistant d’Ariel Henry de partager davantage le pouvoir, l’Accord de Montana a exigé sa démission immédiate, l’accusant de complicité dans des crimes contre l’humanité liés aux gangs. En réponse, une nouvelle alliance d’opposition a émergé, présentant un projet de gouvernement de transition pour remplacer Henry conformément à l’accord du 21 décembre 2022. Les pressions internationales, notamment des États-Unis, ont été exercées sur Henry pour qu’il fasse des concessions supplémentaires, mais les appels à sa démission persistent.
Dans ce contexte préoccupant sur le plan politique et sécuritaire, souligne l’ICG, la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) s’apprête à intervenir en Haïti. Autorisée par le Conseil de sécurité des Nations unies en octobre 2023, cette mission, dirigée par le Kenya, vise à soutenir la police haïtienne dans sa lutte contre les gangs. Cependant, le déploiement de la MMAS est confronté à des défis majeurs, tant sur le plan logistique que financier.
Bien que le Conseil de sécurité ait fixé un mandat ambitieux pour la MMAS, impliquant le rétablissement de la sécurité, la facilitation des élections et la lutte contre les gangs, la réalisation de ces objectifs dépendra de la coopération internationale et de la capacité des forces de la MMAS à opérer dans un environnement complexe. Les États-Unis ont promis un soutien financier significatif, mais d’autres pays doivent encore concrétiser leurs contributions.
Le Kenya, chargé de diriger la MMAS, a rencontré des obstacles internes, avec des contestations juridiques concernant la légalité du déploiement des forces de police à l’étranger. La décision de la Cour suprême kényane à ce sujet, attendue fin janvier, aura des répercussions sur le calendrier de déploiement de la mission, selon l’ICG.
En outre, déclare l’ICG, les préoccupations concernant la possibilité de répéter les erreurs du passé, notamment les scandales liés à la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), suscitent une vigilance accrue. Des garanties ont été intégrées dans le mandat de la MMAS pour éviter les abus, mais la mise en œuvre effective de ces mesures sera cruciale pour maintenir la confiance de la population haïtienne.
La coordination avec d’autres organes des Nations unies, tels que le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh), et la collaboration avec les agences humanitaires et de développement seront également essentielles pour assurer le succès de la MMAS. Alors que le déploiement approche, les enjeux sont élevés, et le monde observe de près l’évolution de la situation en Haïti, espérant une résolution pacifique et durable de la crise.
La mission multinationale dirigée par le Kenya, prévue pour intervenir en Haïti afin de lutter contre la violence des gangs, s’annonce confrontée à des obstacles opérationnels significatifs. Avec une mission impliquant entre 2 500 et 5 000 personnes, dont toutes ne seront pas directement impliquées dans des opérations de maintien de l’ordre, les autorités haïtiennes et les pays contributeurs, en particulier le Kenya, doivent soigneusement évaluer leurs priorités stratégiques.
‘‘La mission, bien que limitée dans sa portée, ne peut prétendre résoudre définitivement le problème des gangs en Haïti. Cependant, en cherchant à atteindre des objectifs spécifiques tels que la reprise du contrôle des entrées nord et sud de la capitale, elle pourrait être amenée à affronter frontalement plusieurs groupes armés’’, estime l’ICG.
D’après l’ICG, face à cette initiative internationale, les gangs envisagent deux réponses potentielles. D’une part, certains chefs de gangs discutent de la possibilité de revitaliser la coopération entre bandes rivales pour former un front uni contre la mission étrangère. D’autre part, s’ils perçoivent la mission comme mal équipée, les gangs pourraient choisir de l’attaquer. La réactivation du cadre coopératif « Viv Ansanm » pourrait renforcer les gangs, permettant des attaques coordonnées sur plusieurs fronts.
Cependant, souligne l’ICG, certains chefs de gangs laissent également entendre qu’ils pourraient envisager des pourparlers de désarmement si la mission se révèle capable de les dominer. Certains cherchent même à positionner leurs groupes sur le plan politique, suggérant que la lutte des gangs pourrait être liée à des causes politiques. Les dirigeants de gangs envisagent peut-être la démobilisation comme une option si elle semble être la voie la plus viable.
« Si la mission engage le combat avec les gangs, la protection des civils, en particulier à Port-au-Prince, posera un dilemme opérationnel majeur. Les zones où opèrent les groupes armés sont souvent des bidonvilles surpeuplés, rendant difficile la distinction entre membres de gangs et population civile. De plus, la collusion entre la police locale et les gangs pourrait compromettre les opérations. Les relations complexes entre les autorités policières et les gangs soulèvent des inquiétudes quant aux fuites d’informations potentielles », selon l’ICG.
Il souligne ‘‘qu’Haïti a besoin d’une aide internationale, mais le déploiement de la mission doit être soigneusement planifié pour éviter des conséquences imprévues. Les experts recommandent une démonstration de force significative de la mission pour dissuader les gangs. Cela nécessite un contingent suffisamment important et bien préparé. La mission doit également mettre en œuvre des mesures pour minimiser les dommages collatéraux, protéger les civils et lutter contre la corruption au sein de la police locale.’’
‘‘Pour assurer le succès de la mission, des actions préliminaires sont recommandées, notamment le travail collaboratif avec la police locale pour cartographier les zones gangrénées, une solide capacité de collecte de renseignements, et une stratégie centrée sur la protection des civils. La démobilisation des gangs nécessitera des approches alternatives, compte tenu des limites du système judiciaire et pénitentiaire haïtien’’, suggère l’ICG.
Selon l’ICG, au-delà des opérations offensives, des efforts structurels sont nécessaires, tels que le renforcement de la police locale, la reconstruction d’infrastructures publiques, la prévention du flux illégal d’armes et la rupture des liens entre les élites politiques et les gangs. Une résolution de l’impasse politique en Haïti est également cruciale pour créer un gouvernement de transition légitime.
Selon l’ICG, la mission internationale peut offrir aux Haïtiens un répit face à la violence des gangs, mais sa réussite dépendra d’une planification minutieuse, d’une exécution efficace et d’une approche à long terme intégrant des réformes structurelles et un soutien politique.