Les évêques catholiques exigent que ‘‘les pouvoirs publics et d’autres secteurs de la nation arrêtent leur complicité et leur soutien aux gangs armés’’…

Des eveques Catholiques Haitiens, representant la Conference episcopale d'Haiti (CEH)...

PORT-AU-PRINCE, samedi 16 septembre 2023– Dans un message aux haitiens, la conférence épiscopale d’Haïti (CEH) dénonce, ‘‘avec douleur et amertume, les souffrances du peuple causées par la violence aveugle des bandits lourdement armés, le cynisme et l’indifférence des dirigeants politiques, et les hésitations de la communauté internationale.’’

Dans ce message, la CEH qui regroupe l’ensemble des évêques catholiques haitiens, souligne que ‘‘depuis environ quatre ans, notre pays vit l’une des crises sociopolitiques et sécuritaires les plus longues et les plus meurtrières de toute son histoire.’’

«  Tout le Peuple, tout le pays, est affecté jusqu’aux entrailles. Vraiment « l’histoire est en train de donner des signes de recul » en Haïti. L’État a perdu le contrôle du territoire national. Le crime organisé a gagné tous nos départements, tous nos diocèses et presque toutes les grandes villes du pays. La région métropolitaine de Port-au-Prince est presque entièrement contrôlée par des bandits armés, organisés en gangs. Dans le département de l’Artibonite, des points stratégiques sont abandonnés à leurs actions terroristes », dénoncent les évêques.

Selon les évêques, la population est prise en otage par la violence impitoyable des gangs et leurs alliés ; elle est vissée dans l’inaction et le silence complice du gouvernement, ajoutant qu’une guerre de basse intensité contre la population paisible et désarmée sévit çà et là dans le pays. Or « toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité… », écrivent les évêques catholiques haitiens.

« Nous voyons avancer en Haïti les ombres épaisses « de la violence au service d’intérêts mesquins de pouvoir, de cupidité et de clivage3 ». Les terreurs quotidiennes à Carrefour-Feuilles, à Lilavois (pour ne citer que ces endroits), le massacre dans la zone de Canaan, semblent confirmer qu’est donnée carte blanche aux gangs pour agir contre la population », s’inquiètent-ils.

«  Ces crimes commandités contre une population sans défense s’accompagnent, entre autres, d’attaques contre les églises et les lieux de culte des différentes religions qui ne peuvent plus fonctionner. « Chaque violence commise contre un être humain est une blessure dans la chair de l’humanité ; chaque mort violente nous diminue en tant que personnes. […] La violence engendre la violence, la haine engendre plus de haine et la mort plus de mort », font-ils remarquer.

« Que devons-nous faire ? se demandent les évêques. Il semble que nous ayons déjà épuisé toutes les voies ordinaires et normales. Que devons-nous faire comme Églises et peuple aux abois pour changer les donnes et empêcher les gangs armés de nous tuer, de nous massacrer tous ? Depuis plus de trois ans aucun cri, aucune force morale n’a pu les arrêter. Et pourtant il nous faut briser cette chaîne et empêcher qu’on enfonce encore plus « le peuple dans le découragement ». Que devons-nous faire pour que notre pays retrouve la paix et le peuple, la sérénité ? » s’interrogent-ils.

Selon eux, ‘‘face à la barbarie qui s’installe dans le pays, la solution n’est pas dans la passivité. Nous pensons qu’il est possible de transformer ces conflits déshumanisants en « maillon d’un nouveau processus » . Certes cela nous demande du courage. Et nous en avons déjà fait preuve quand il fallut réaliser l’indépendance’’, soutient-ils.

Nous demandons à tout le peuple de Dieu qui est en Haïti, à tous les baptisés d’ici et d’ailleurs et à toutes nos institutions ecclésiales de demeurer activement, en ces heures sombres de notre histoire de peuple, « une Église qui sert, qui sort de chez elle, qui sort de ses temples, qui sort de ses sacristies, pour accompagner la vie, soutenir l’espérance, être signe d’unité […] pour établir des ponts, abattre les murs, semer la réconciliation », lit-on dans le message des évêques.

‘‘Partout où nous sommes, poursuivent-ils, même dans les coins les plus reculés, notre solidarité, notre proximité, notre prière, nos exhortations comme citoyens et comme peuple peuvent y contribuer. Nous invitons les prêtres dans toutes les paroisses des dix diocèses du pays, les religieux (ses) et les fidèles laïcs à organiser une véritable chaîne de prières, spécialement une neuvaine de prière à l’occasion de la fête de Saint Michel Archange, pour la délivrance, la libération de notre cher pays de l’emprise et de la violence des gangs.’’

Ils réaffirment leur volonté à soutenir avec espérance les efforts vers la résolution pacifique de cette crise multidimensionnelle, ajoutant qu’ils encouragent ‘‘toutes initiatives prises pour arrêter les robinets de sang qui coulent à flot et pour protéger la population vulnérable livrée à elle-même.’’

‘‘Nous réaffirmons haut et fort à la face du monde qu’il faut arrêter ce génocide. Nous demandons aux actuels tenants du pouvoir de poser des gestes concrets et forts pour une vraie réconciliation historique ici et aujourd’hui en Haïti’’, soutiennent les évêques.

« Nous exigeons en outre que les pouvoirs publics et d’autres secteurs de la nation arrêtent en même temps leur complicité et leur soutien aux gangs armés, que la police devienne l’alliée de la population, que le dialogue politico-social se construise sur la base des vrais besoins du peuple. Que les formules de solution trop longtemps utilisées et qui n’aboutissent à rien cèdent de manière urgente la place à d’autres pour mettre fin à cette situation inhumaine à laquelle nous essayons de survivre et qui fait la honte d’une si grande nation, déclarent les évêques.

La semaine dernière, une importante organisation du secteur protestant, la conférence des pasteurs haitiens (COPAH) a dressé un tableau tout aussi sombre de la situation globale du pays, marquée notamment par l’insécurité généralisée et la violence criminelle entretenue par les gangs armés qui jouiraient de l’impunité totale et du soutien des plus hautes autorités.

La COPAH a appelé à la démission du premier ministre Ariel Henry et de son gouvernement pour faciliter une solution à la crise multidimensionnelle à laquelle le pays fait face.