NEW-YORK, vendredi 15 novembre 2024– Les États-Unis ont renforcé leurs efforts pour transformer la force multinationale dirigée par le Kenya en Haïti en une mission de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies, alors que la violence des gangs continue de s’aggraver, provoquant cette semaine l’arrêt complet du trafic aérien dans la capitale, Port-au-Prince.
Dès septembre, les États-Unis avaient proposé une telle mission onusienne afin de garantir un financement régulier pour cette force multinationale soutenue par l’ONU, qui aide la police nationale haïtienne à lutter contre les gangs. Ces derniers contrôlent désormais environ 85 % de la capitale, selon les estimations des Nations unies, et posent des défis logistiques et financiers majeurs.
La situation a empiré la semaine dernière, avec des violences accrues dans la capitale après que le Conseil de transition, mis en place pour rétablir l’ordre démocratique, a démis le Premier ministre intérimaire de ses fonctions dans un contexte de luttes politiques internes. Lundi, des gangs ont tiré sur plusieurs avions à l’aéroport principal de Port-au-Prince, blessant une hôtesse de l’air, ce qui a entraîné sa fermeture.
Résistance au Conseil de sécurité
Les États-Unis ont présenté cette semaine un projet de résolution au Conseil de sécurité de l’ONU, demandant au secrétaire général Antonio Guterres de lancer des préparatifs pour une éventuelle transformation de la force kenyane en une mission de maintien de la paix. Cependant, ce processus pourrait prendre plusieurs mois.
Les États-Unis avaient fixé un délai pour les objections au projet de résolution, mais la Russie et la Chine ont bloqué l’initiative, exprimant des préoccupations publiques quant à une transition rapide vers une mission onusienne. Selon des diplomates, Moscou a exigé une séance d’information ouverte suivie de consultations à huis clos sur la situation en Haïti. Cette réunion a été programmée pour mercredi.
Effectifs insuffisants et manque de financement
Actuellement, la force multinationale, censée compter 2 500 policiers internationaux, ne déploie qu’environ 430 agents, dont 400 du Kenya et le reste venant des Bahamas, de la Jamaïque et du Belize. Le président kényan William Ruto a promis l’envoi de 600 agents supplémentaires en novembre.
Cependant, le financement reste un obstacle majeur. Maria Isabel Salvador, chef de la mission politique de l’ONU en Haïti, a averti que le fonds fiduciaire de l’ONU, qui dépend des contributions volontaires, est gravement sous-financé. À ce jour, seulement 85,3 millions de dollars sur les 96,8 millions promis ont été reçus, alors que le déploiement d’une force de 2 500 membres coûterait environ 600 millions de dollars par an. Les États-Unis ont promis une contribution de 300 millions de dollars, mais des incertitudes demeurent quant à l’engagement de la future administration Trump à maintenir ce financement.
Un climat d’instabilité croissante
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, le pouvoir des gangs s’est considérablement renforcé, entraînant une montée des assassinats, viols et enlèvements. Cette violence a également conduit à la formation de groupes de vigilantes civils, souvent armés, qui tentent de combattre les gangs par leurs propres moyens.
Face à cette crise, les autorités haïtiennes ont officiellement demandé l’établissement d’une force de maintien de la paix de l’ONU. En soutien à cette demande, le Conseil permanent de l’Organisation des États américains a adopté une résolution le 13 novembre, intitulée « En appui à la demande d’Haïti pour une opération de maintien de la paix des Nations unies ».
Méfiance face aux interventions étrangères
Bien que certains Haïtiens aient salué l’arrivée des forces kenyanes, d’autres restent méfiants face à une nouvelle intervention internationale. Depuis le début du XXᵉ siècle, Haïti a connu au moins trois grandes interventions militaires étrangères, menées par les États-Unis et les Nations unies. La dernière mission de maintien de la paix de l’ONU, déployée de 2004 à 2017, a été entachée par des allégations d’agressions sexuelles et par l’introduction de l’épidémie de choléra, qui a coûté la vie à près de 10 000 personnes.
L’arrivée des Kenyans en juin 2024 marque la quatrième intervention militaire étrangère majeure dans le pays, mais la question de savoir si une nouvelle mission onusienne pourrait réellement stabiliser la situation reste au cœur des débats.
Par ailleurs, Leslie Voltaire, président du Conseil présidentiel de transition (CPT), a récemment réitéré l’appel du pouvoir de transition en faveur de cette transformation de la force multinationale dirigée par le Kenya en une mission officielle de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies, soulignant l’urgence d’une action internationale pour rétablir la sécurité en Haïti.