“Les élites ; des traîtres à l’idéal de Dessalines,”- Hugues Célestin…

Hugues Celestin, coordonnateur de IPAM, departement du Nord...

QUARTIER-MORIN, jeudi 7 novembre 2024 – Dans une analyse de la situation socio-politique d’Haitmïti, Hugues Célestin, ancien député de Quartier-Morin et dirigeant de l’organisation Inisyativ Patryòt Matyen(IPAM), dresse un constat sévère sur l’évolution de l’élite haïtienne et sa trahison des idéaux de Jean-Jacques Dessalines, père fondateur de la nation haïtienne. Selon lui, les élites haïtiennes se sont progressivement éloignées des valeurs que Dessalines incarnait, en devenant des relais des intérêts étrangers et en creusant les inégalités au sein de la société haïtienne.

Dessalines, qui a proclamé l’indépendance d’Haïti en 1804, fut le premier à fonder une véritable identité nationale haïtienne, en rupture avec le passé colonial. Il choisit le nom « Haïti », inspiré des racines indigènes tainos, pour marquer cette identité distincte. En interdisant aux anciens colons de revenir comme propriétaires terriens, Dessalines voulait préserver la souveraineté du peuple et protéger cette nouvelle identité. Pour Célestin, l’idéal dessalinien ne se limitait pas à l’indépendance nationale, mais était un appel universel aux peuples noirs du monde entier à revendiquer la liberté et l’égalité.

Or, cet idéal semble aujourd’hui galvaudé. Hugues Célestin souligne que les élites haïtiennes, loin de poursuivre les ambitions de Dessalines, se sont approprié les ressources économiques du pays, reproduisant un modèle de néocolonialisme et creusant davantage les inégalités. En 2012, l’indice de Gini d’Haïti atteignait 0,61, et la répartition des richesses illustre cette fracture : 1 % de la population contrôle près de 45 % de la richesse nationale, tandis que 80 % doivent se contenter de seulement 20 %. Cette situation de concentration extrême des richesses pousse la majorité des Haïtiens à vivre dans la pauvreté, avec environ 59 % de la population survivant avec moins de 2,41 USD par jour.

Célestin rappelle que cette situation s’est aggravée au fil des décennies, notamment avec l’occupation américaine en 1915, qui a plongé le pays dans une dépendance accrue. Dans les années 1980, les réformes néolibérales et la libéralisation économique, dictées par les puissances internationales, ont fragilisé encore davantage les secteurs productifs et les services publics. Pour Célestin, l’alignement des élites haïtiennes sur les politiques des institutions financières internationales (IFI) est un acte de soumission qui accentue les inégalités et affaiblit l’État haïtien. Jean Casimir, cité par Célestin, qualifie ce processus de « trahison de l’idéal de souveraineté ».

Les accords successifs avec les IFI illustrent cette dépendance croissante. En 1986, un accord avec le FMI et la Banque mondiale a ouvert la voie à des politiques de privatisation et de libéralisation du marché qui ont ruiné les petits producteurs locaux, notamment dans le secteur du riz, submergé par les importations américaines. En 1994, l’accord signé par Jean-Bertrand Aristide dans le cadre de son retour au pouvoir a renforcé ces politiques, mettant en péril des industries locales comme le textile, le sucre et le ciment. Puis, après le séisme de 2010, Haïti a reçu une aide de 114 millions de dollars du FMI, sous la condition de l’adoption de mesures d’austérité qui ont entravé la reconstruction de l’économie nationale.

En dépit de cette situation de dépendance et de pauvreté, les élites haïtiennes continuent d’entretenir la corruption et de détourner les ressources publiques. Fritz Alphonse Jean, économiste cité par Célestin, dénonce une « économie de violence » dans laquelle les oligarques et leurs alliés politiques capturent les ressources de l’État au détriment du développement national. Dans ce contexte, la gangstérisation de la société et de l’État se renforce, avec des présidents et des responsables qui, selon Célestin, n’hésitent pas à recourir à la violence pour asseoir leur pouvoir.

Alors que la population souffre de l’insécurité et de la précarité, des dirigeants issus du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) appellent à renforcer la tutelle étrangère, qu’ils considèrent comme la seule solution. Pour Célestin, cette position trahit l’idéal de Dessalines et abandonne le peuple haïtien aux mains de puissances étrangères et de gangs criminels.

En conclusion, Hugues Célestin appelle à un réveil patriotique pour honorer l’héritage de Dessalines. Il exhorte les progressistes et les patriotes haïtiens à mettre en place des cellules d’éducation politique et sociale, afin de construire un Grand Mouvement Patriotique de Libération Nationale qui affirmerait une politique économique et sociale indépendante, inspirée des valeurs de Dessalines. Seule cette rupture avec les injonctions extérieures pourrait permettre à Haïti de retrouver l’idéal dessalinien de liberté, d’égalité et de souveraineté.