PORT-AU-PRINCE, jeudi 2 mars 2023– Le réseau national de défense des droits humains (RNDDH) dresse un sombre tableau de la situation des droits humains en Haïti.
Selon l’organisation, ‘‘les droits à la vie, à la sécurité, à l’éducation, à la santé, au travail, à un logement décent ne sont pas garantis. Les libertés d’expression, de réunion, d’association, les droits aux élections de même que les garanties judiciaires ne sont pas protégées.’’
En matière de sécurité, le RNDDH souligne que ‘‘depuis 2018, les dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays ont imposé une nouvelle forme de gouvernance axée sur la terreur, maintenue elle-même, par la gangstérisation du pays et de l’Etat.’’
Il affirme que plus de 200 gangs armés ont été dénombrés jusqu’à récemment. Ils opèrent, pour leur grande majorité, dans le département de l’Ouest, au grand jour. ‘‘Ils n’observent de trêve que lorsqu’ils en reçoivent l’ordre et beaucoup d’argent de la part des autorités étatiques’’, soutient l’organisation des droits humains.
Le RNDDH note que de 2018 à nos jours, plus de 21 événements sanglants ont été perpétrés dans les quartiers défavorisés du département de l’Ouest.
‘‘Ils ont débouché sur l’assassinat de plusieurs centaines de personnes au moins dont des adultes, des personnes en âge avancé, des femmes, des enfants et des bébés. Leurs cadavres ont été souillés, démembrés, carbonisés ou déchiquetés par des porcs et des chiens.’’
‘‘Plus d’une centaine de femmes et de filles sont victimes de viols collectifs et répétés et plusieurs centaines d’enfants sont devenus orphelins’’, ajoute l’organisation.
Selon le RNDDH, « les 2 grandes coalitions de bandits armés, à savoir le G-9 an Fanmi e Alye dirigé par Jimmy Chérizier alias Barbecue et le G-Pèp dirigé par Gabriel Jean-Pierre alias Ti Gabriel ou Gabo, bénéficient de la protection des autorités étatiques, du secteur privé des affaires ou du secteur politique, en quête de pouvoir ».
De juillet 2021 à janvier 2023, fait remarquer le RNDDH, 78 policiers au moins ont été assassinés, soit, sur une période de 18 mois, une moyenne de 5 policiers par mois.
Depuis le 1er juin 2021, le processus de scission du pays a commencé et s’est accéléré au point où, aujourd’hui, le grand nord et le grand sud sont inaccessibles. Pour sa part, la commune de Port-au-Prince, où la situation est la plus critique, est encerclée par les gangs armés, soutient le RNDDH.
Au plan judiciaire, le RNDDH affirme que depuis 2018, les tribunaux ne fonctionnent que 3 mois par an. Pour l’année judiciaire 2021-2022 qui vient de s’écouler, seuls 9 des 18 tribunaux de première instance ont organisé les audiences criminelles sans assistance de jury et, seules 328 personnes ont été jugées au criminel.
Conséquemment, poursuit le RNDDH, l’année judiciaire en question, s’est ouverte en octobre 2021 avec 82 % de la population carcérale en attente de jugement. Elle s’est clôturée en septembre 2022 avec 84 % de cette même population carcérale, en attente de jugement.
Au 27 février 2023, déclare l’organisation, ‘‘sur les 11252 personnes emprisonnées sur le territoire national, seules 1948 soit 17.32 % sont condamnées. Ainsi, 82.6 % de la population sont encore en détention préventive.’’
« Toutes ces personnes privées de liberté, gardées dans des conditions infrahumaines, peuvent passer jusqu’à 15 années de prison en attente de jugement pour avoir supposément perpétré des infractions pour lesquelles elles auraient purgé leur peine si elles avaient été condamnées », souligne le RNDDH.
En revanche, ajoute-t-il, ‘‘lorsqu’ils sont arrêtés – ce qui est très rare – les bandits armés faisant partie du G-9 An Fanmi et Alye particulièrement sont immédiatement relâchés, sur instigation des proches du régime au pouvoir.’’
Le RNDDH fait remarquer que, l’insécurité, la violence criminelles et l’impunité dont jouissent les bandits entraînent des conséquences énormes sur la vie sociale et économique du peuple haïtien, ajoutant que des marchés d’approvisionnement en produits alimentaires disparaissent complètement.
‘‘Des entreprises commerciales ferment leurs portes. Des familles dont les proches ont été enlevés, sont décapitalisées. Les biens ne circulent plus comme avant dans le pays et les services publics de justice, de santé, d’éducation ne fonctionnent que selon le bon vouloir des bandits armés’’, déclare le RNDDH qui souligne que la situation s’est aggravée avec l’augmentation exponentielle des prix des produits pétroliers ce qui a entrainé une explosion du prix du panier de la ménagère.
Le RNDDH note que depuis l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse, sur le plan politique, c’est le chaos total au pays, parce que le régime PHTK au pouvoir depuis plus de 11 ans n’a jamais respecté les échéanciers électoraux.
‘‘Il en résulte un dysfonctionnement général des institutions régaliennes : Le parlement est dysfonctionnel. La Cour de cassation dont les membres devaient être choisis par le parlement vient d’être complétée par le premier ministre de facto Ariel Henry, en marge de la Constitution. Les municipalités ont à leur tête des représentants de l’Exécutif’’, déclare le RNDDH.
Contestant l’accord du 21 décembre 2022 pour insuffisance de consensus, le RNDDH met en garde contre ‘‘l’adoption de mesures cosmétiques et superficielles qui ne permettront pas de résoudre définitivement les problèmes cruciaux d’insécurité généralisée, de gangstérisation de l’Etat et de justice.’’
Selon le RNDDH, la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve le pays actuellement doit donner lieu à des décisions concertées entre les autorités de l’Etat et les différentes forces vives de la Nation, ajoutant que c’est seulement à ce prix que les décisions adoptées par la coalition politique qui dirige le pays, pourront engager effectivement la République d’Haïti.