PORT-AU-PRINCE, mercredi 4 decembre 2024– Guichard Doré, analyste politique et constitutionnel, critique la gestion actuelle du dossier des conseillers-présidents Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, accusés dans le scandale de corruption lié à l’affaire des 100 millions de gourdes de la Banque Nationale de Crédit (BNC). Selon lui, le traitement de cette affaire viole les dispositions claires de la Constitution haïtienne de 1987 qui prévoient une procédure spécifique pour juger certains hauts fonctionnaires de l’État.
D’après Doré, en tant que conseillers-présidents, ces personnalités sont passibles de la Haute Cour de Justice, une juridiction spéciale prévue par la Constitution pour juger les membres de l’Exécutif et d’autres hauts dignitaires accusés de fautes graves dans l’exercice de leurs fonctions. En conséquence, le Commissaire du gouvernement aurait dû transmettre ce dossier non pas à un juge d’instruction, mais à la Chambre des Députés, conformément aux articles pertinents de la loi fondamentale du pays.
La Constitution de 1987 établit clairement le rôle et les compétences de la Haute Cour de Justice dans ses articles 185 à 188. L’article 185 dispose que cette juridiction est composée des membres du Sénat et est constituée pour juger les membres de l’Exécutif ou d’autres hauts fonctionnaires en cas de mise en accusation par la Chambre des Députés. L’article 186 précise que la mise en accusation doit être votée à la majorité des deux tiers des députés, et qu’elle peut concerner des actes de haute trahison, des crimes graves ou des délits graves commis dans l’exercice des fonctions.
Une fois la mise en accusation votée, comme le prévoit l’article 187, le Sénat se constitue en Haute Cour de Justice. La présidence de cette juridiction revient au président de la Cour de Cassation, sauf si celui-ci est lui-même impliqué. Les décisions de la Haute Cour de Justice nécessitent une majorité des deux tiers des membres du Sénat pour être valides. Enfin, l’article 188 fixe les sanctions possibles, allant de la destitution à la privation des droits civiques pour une durée déterminée, tout en permettant d’autres poursuites devant les tribunaux ordinaires.
Pour Guichard Doré, cette procédure reflète le respect des principes fondamentaux de l’État de droit en Haïti. Il souligne que même si le Parlement n’est actuellement pas fonctionnel, il reste une institution permanente. En ce sens, l’administration de la Chambre des Députés aurait pu recevoir le dossier et attendre l’installation d’une nouvelle législature pour initier les procédures. Doré déclare qu’écarter cette procédure spéciale constitue une violation de la Constitution et une attaque contre les fondements de l’État.
En guise de rappel, la Haute Cour de Justice, en tant qu’organe constitutionnel, incarne une garantie d’impartialité et de justice dans les affaires impliquant les plus hauts fonctionnaires. L’État, étant un corps de procédures, exige le respect scrupuleux des mécanismes prévus par la loi fondamentale. Déroger à ces procédures spécifiques, comme c’est le cas dans cette affaire selon Doré, affaiblit la crédibilité des institutions publiques et remet en question l’état de droit en Haïti.
En outre, Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin sont actuellement sous le coup de mandats de comparution émis par le juge instructeur Benjamin Félismé.