NEW-YORK, mardi 11 juillet 2023– Les cliniques des facultés de droit des Universités de New-York et de Harvard, respectivement Global Justice Clinic et International Human Rights Clinic estiment que ‘‘des progrès en matière de droits de l’homme et de sécurité et un retour à l’ordre constitutionnel ne seront possibles que si le peuple haïtien a la possibilité de changer de gouvernement, et cela ne viendra que si les États-Unis cessent de soutenir l’administration illégitime.’’
Dans une correspondance au secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, ces deux instances expriment leur’’ profonde et continue préoccupation face au soutien des États-Unis au régime répressif qui a supervisé la détérioration de la crise en Haïti depuis la mort de Moïse.’’
Elles soulignent que le 7 juillet 2023 marque deux ans depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse et l’arrivée de N. Henry à la tête du pays.
Selon elles, Moïse a laissé derrière lui un vide de pouvoir, après des années de démantèlement des institutions démocratiques destinées à contrôler le pouvoir exécutif.
“À la suite de la mort de Moïse, font-elles remarquer, le leadership d’Haïti a été contesté”, rappelant que les États-Unis et leurs alliés ont porté Ariel Henry, que Moïse avait choisi comme prochain Premier ministre mais qui n’avait pas été installé, à assumer le pouvoir en tant que Premier ministre de facto.
“Au cours des deux dernières années, le Dr Henry a conduit le pays à une catastrophe humanitaire et des droits de l’homme”, ont-elles fait savoir.
“Les gangs ont envahi de vastes pans du pays et brutalisent la population en toute impunité, bloquant l’accès aux services de base et créant un climat de peur généralisé. De plus en plus, la violence a pris une nature particulièrement horrible et les massacres, les enlèvements et les violences sexuelles sont devenus une partie de la vie quotidienne”, déclarent les signataires de cette correspondance.
Elles expliquent que les Haïtiens vivent dans une pauvreté extrême et qui s’aggrave, alimentée par l’inflation et la violence des gangs.
Elles notent que les produits alimentaires de base sont inabordables et inaccessibles, plongeant la moitié de la population haïtienne dans une famine aiguë. La violence généralisée des gangs et les attaques ciblées contre les ports commerciaux et les routes alimentent la pauvreté.”
Les signataires soulignent que la démocratie et l’état de droit ont été délibérément érodés par la capture de l’État et la corruption alors que le Dr Henry ne consolide pas ce qui reste des institutions étatiques d’Haïti.
Selon elles, “depuis janvier 2023, il n’y a plus un seul élu à aucun niveau de gouvernement en Haïti. En mars, le Dr Henry a illégalement nommé huit juges à la plus haute cour d’Haïti, la Cour de cassation, sapant la légitimité de la cour à contrôler le pouvoir exécutif. Des postes de juge supplémentaires sont vacants dans l’ensemble du système judiciaire et les juges en exercice ont fait l’objet d’attaques violentes.”
Elles soulignent que « deux ans après l’assassinat du président Moïse, personne n’a été formellement inculpé en Haïti. On ne sait pas qui est responsable du meurtre et pourquoi. L’absence de progrès significatifs est particulièrement troublante compte tenu des preuves significatives liant le Dr Henry à l’assassinat et au limogeage par le Dr Henry du procureur général qui a porté plainte contre lui. Le gouvernement américain n’a pas répondu à l’implication présumée du Dr Henry », déplorent-elles.
Selon elles, “malgré l’échec monumental du gouvernement du Dr Henry, les États-Unis continuent de soutenir son régime illégitime et impopulaire. Les diplomates américains considèrent le Dr Henry comme indispensable à la voie politique à suivre et désignent à plusieurs reprises le gouvernement de facto du Dr Henry comme un signataire nécessaire de tout accord politique.”
Les États-Unis n’ont pas répondu publiquement au refus du Dr Henry de négocier de bonne foi, alors même qu’ils identifient le dialogue national et la recherche d’un consensus comme une étape cruciale vers la résolution des crises en Haïti.
“Ce traitement contraste avec l’incapacité du gouvernement américain à s’engager de manière adéquate avec l’accord de Montana, un mouvement pro-démocratie composé d’une coalition diversifiée d’organisations de la société civile, de professionnels, de partis politiques et de politiciens, de personnalités religieuses et d’activistes”, déclarent les signataires.
Elles dénoncent la façon dont le gouvernement américain avait accueilli le « Document de consensus national pour une transition inclusive et des élections équitables » (Accord de décembre) du Dr Henry de décembre 2022.
“L’Accord consoliderait le pouvoir du Dr Henry de manière troublante, notamment en modifiant la constitution de manière explicitement inconstitutionnelle. Ses changements proposés incluent la possibilité pour le Dr Henry de remplir la Cour de cassation, la Cour suprême d’Haïti, et la mise en place d’un Conseil électoral provisoire (CEP) inconstitutionnel. Alors que la société civile haïtienne s’est opposée à l’accord comme n’étant pas le produit d’un dialogue national, les États-Unis l’ont salué comme “une étape cruciale”.
Elles estiment que le gouvernement américain et d’autres acteurs étrangers doivent créer un espace permettant au peuple haïtien de revenir à l’ordre constitutionnel et de construire sa propre démocratie.
“Les efforts de transition doivent être évalués par rapport à la Constitution d’Haïti et aux principes établis des droits de l’homme, par exemple l’inclusivité, la non-discrimination et la décentralisation”, suggèrent-elles.
« Les propositions qui violent fondamentalement l’esprit de la Constitution en favorisant la capture de l’État ne peuvent pas être une voie vers la démocratie », déclarent-elles.