PORT-AU-PRINCE, vendredi 17 janvier 2025 – L’instruction sur le dossier du scandale de corruption des 100 millions de gourdes de la Banque Nationale de Crédit (BNC) impliquant Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, conseillers-présidents, membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), est bouclée. Le magistrat instructeur en charge de cette affaire, Félismé Benjamin, a transmis vendredi le dossier au commissaire du gouvernement de Port-au-Prince pour son réquisitoire définitif.
Après le réquisitoire définitif du commissaire du gouvernement – auquel le magistrat instructeur n’est pas nécessairement lié – le dossier lui sera transmis à nouveau pour son ordonnance de clôture.
En octobre 2024, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a, à l’issue de son enquête, exigé des poursuites pénales contre Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Raoul Pascal Pierre Louis, ex-président du Conseil d’Administration de la Banque Nationale de Crédit (BNC), pour leur implication présumée dans des actes de corruption.
Cette affaire a éclaté à la suite de négociations relatives à la reconduction de Raoul Pascal Pierre Louis à la tête de la BNC. Une réunion déterminante s’est tenue à l’hôtel Royal Oasis, dans la chambre 408, entre Raoul Pascal Pierre Louis et les membres du CPT, en présence du consul Lonick Léandre. Cette rencontre aurait été organisée par Louis Gérald Gilles, un proche de Raoul Pascal Pierre Louis.
Il a été rapporté que, lors de cette réunion, Gilles, Vertilaire et Augustin auraient exigé une somme de 100 millions de gourdes pour assurer la reconduction de Pierre Louis à la tête de la BNC. Ces accusations sont étayées par une lettre adressée au Premier ministre Gary Conille le 24 juillet 2024, ainsi qu’un procès-verbal établi par le juge de paix Fritz Veus. Des échanges sur WhatsApp entre Pierre Louis et Louis Gérald Gilles confirment également ces allégations.
Raoul Pascal Pierre Louis aurait proposé un prêt, une ligne de crédit ou l’utilisation de biens de la BNC pour satisfaire cette demande. Dans ce cadre, la direction des opérations de carte de crédit de la BNC a émis quatre cartes de crédit préapprouvées, d’un montant total de 20 000 USD pour trois membres du CPT et de 13 500 USD pour Lonick Léandre. Ces cartes ont été utilisées, et des paiements ont commencé dès l’ouverture de l’enquête.
L’ULCC, dans son rapport, a conclu que les membres du CPT avaient abusé de leurs fonctions et se rendaient coupables de corruption passive et de versement de pots-de-vin, des actes réprimés par la loi du 12 mars 2014 sur la prévention et la répression de la corruption. Raoul Pascal Pierre Louis, de son côté, est accusé de corruption active et de complicité.
Les analyses des communications téléphoniques ont révélé des échanges fréquents entre Pierre Louis, Léandre et Gilles, renforçant les soupçons d’un arrangement illicite. Par ailleurs, l’utilisation des fonds d’intelligence de la Présidence pour financer ces transactions soulève de graves inquiétudes.
Face à ces révélations, l’ULCC a recommandé des poursuites pénales contre les trois conseillers-présidents pour abus de fonction, corruption passive et détournement de fonds publics. Elle a également demandé des poursuites contre Raoul Pascal Pierre Louis pour corruption active, et contre Lonick Léandre, considéré comme un instigateur clé. Ces recommandations marquent une étape cruciale dans la lutte contre la corruption en Haïti.
Au cœur de cette affaire se trouve une lettre dans laquelle Raoul Pascal Pierre Louis accuse les membres du CPT d’avoir exigé des fonds en échange de sa reconduction. Cette correspondance, datée du 24 juillet 2024, a provoqué un tollé dans les sphères politiques et économiques du pays.
L’ULCC, après avoir activé une commission d’enquête, a convoqué Pierre Louis pour vérifier ses accusations. Lors de son audition, il a confirmé l’authenticité de ses propos et révélé que la réunion en question avait été orchestrée dans une ambiance de secret, où l’utilisation de téléphones portables était interdite. Cette mesure inhabituelle, selon Pierre Louis, visait à protéger la confidentialité de discussions potentiellement illicites.
Les membres du CPT ont rejeté ces accusations, qualifiant la réunion de simple rencontre de courtoisie. Cependant, la commission d’enquête a pu établir que la réunion avait bel et bien eu lieu et que des avantages financiers avaient été accordés aux membres impliqués.
Les inculpés ont toujours rejeté ces accusations, qualifiant la réunion de simple rencontre de courtoisie. Toutefois, ils ne se sont jamais présentés devant le juge dans le cadre de l’instruction de l’affaire, en dépit de multiples convocations. En raison de leur refus de se présenter au cabinet d’instruction, le magistrat a émis des mandats de comparution à leur encontre, qui n’ont jusqu’ici pas été exécutés.
Cependant, l’un d’entre eux, Emmanuel Vertilaire, qui, comme les autres, avait souhaité que le dossier soit classé sans suite, avait interjeté appel et a obtenu du commissaire du gouvernement à la Cour d’Appel de Port-au-Prince, Claude Jean, un réquisitoire daté du 8 janvier 2025, contestant la compétence du juge instructeur en charge de son dossier.
Poursuivi pour abus de fonction, versement de pots-de-vin et corruption passive, M. Vertilaire s’oppose à l’émission d’un mandat de comparution à son encontre, qu’il considère comme une violation de son statut et des privilèges de juridiction attachés à sa fonction de conseiller-présidentiel.