PARIS, lundi 3 juin 2024– Dr. Guerby Blaise, spécialiste en droit pénal, présente une analyse sévère de l’actuelle judicature du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) dans son document. Avec plus d’une décennie d’engagement dans la réforme de la justice haïtienne, Blaise, qui a également été consultant pour le CSPJ, critique les multiples échecs de cette judicature et propose des solutions pour une amélioration significative du système judiciaire en Haïti.
L’une des critiques majeures de Dr. Blaise concerne le manque d’impartialité et d’équité dans les missions disciplinaires du CSPJ. Il reconnaît que des efforts considérables ont été fournis dans le domaine de la discipline des magistrats, mais regrette que ces efforts n’aient pas été menés de manière équitable. Blaise souligne que la véritable connaissance du droit réside dans la connaissance critique, et non dans le populisme visant à attirer des partisans. « La justice ne peut pas réguler l’organisation sociétale dans le populisme pour s’attirer des partisans. La véritable connaissance du droit se traduit par la connaissance critique »
Un autre point de critique est l’imitation inadéquate du droit français par l’État haïtien en 2007. Bien que cette imitation ne soit pas en soi une mauvaise chose, le tri du législateur haïtien a omis des éléments cruciaux de l’État de droit, notamment le droit au recours effectif. « Le tri du législateur haïtien en 2007 dans cette imitation ne devait pas rejeter le point cardinal de l’État de droit qui repose sur les droits de la défense dont le droit d’être entendu dans tous les domaines par l’exercice du droit au recours effectif »
Cette omission, selon Blaise, constitue un échec fondamental dans l’établissement d’un système judiciaire équitable. Il critique également l’absence de réflexion scientifique pertinente pour résoudre les problèmes institutionnels majeurs. Il est anormal, selon lui, que la judicature actuelle n’ait pas proposé de solutions pour pallier les lacunes de la loi de 2007 créant le CSPJ, notamment en ce qui concerne la non-consécration explicite du droit au recours pour les magistrats sanctionnés. « Il est anormal que la combinaison des juristes affirmés à ce niveau ne propose aucune réflexion pertinente pour résoudre le gros problème institutionnel que comporte la loi de 2007. »
La négligence des droits de la défense, même pour les magistrats corrompus, est une autre critique importante. Dr. Blaise insiste sur le fait que les droits de la défense sont inaliénables, même pour les magistrats les plus corrompus. Il critique l’inaction de la ministre de la Justice, estimant que cette dernière aurait dû sensibiliser le Premier ministre sur le respect de ces droits pour éviter une sanction de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH). « L’inaction de la ministre est incompréhensible, puisque la fonction politique de la justice lui incombe »
En outre, Dr. Blaise regrette que le CSPJ ne sollicite pas suffisamment l’expertise des juristes universitaires. Contrairement aux grandes démocraties, où les magistrats judiciaires consultent régulièrement des universitaires pour des dossiers techniques, le CSPJ semble négliger cette pratique. Blaise propose que les représentants de la Cour de cassation et de la cour d’appel devraient inciter au débat sur la réforme de la justice. « Dans toutes les grandes démocraties du monde, les magistrats judiciaires sollicitent l’expertise des juristes universitaires dans le traitement des dossiers techniques »
Pour remédier à ces lacunes, Dr. Blaise propose la formation d’une commission scientifique au sein du CSPJ. Il suggère une forte présence de techniciens, capables d’influencer positivement la réforme de la justice et de guider le pouvoir exécutif. « Une forte tendance des techniciens au sein du CSPJ peut influencer la constitution d’une commission scientifique au sein de cet important pouvoir de l’État »
Cette commission pourrait servir de guide pour instaurer un système judiciaire crédible et efficace. Blaise appelle également à un leadership responsable de la part de la ministre de la Justice, afin de traiter les droits de la défense des magistrats sanctionnés. Il estime que les magistrats promus et ceux ayant déjà occupé des fonctions de conseillers au CSPJ doivent convaincre les votants avec une nouvelle approche axée sur la modernisation de la justice. « Les magistrats ayant été promus en grade supérieur dans la magistrature et qui ont occupé auparavant des fonctions de Conseillers au sein du CSPJ doivent convaincre les votants par une nouvelle approche de la justice moderne »
Dr. Guerby Blaise conclut son analyse en réaffirmant son engagement pour une justice équitable et moderne, essentielle pour le développement démocratique d’Haïti. Il reconnaît que sa contribution n’est pas exempte d’imperfections, mais il se dit fier d’avoir contribué à susciter le débat sur des questions cruciales pour la réforme judiciaire. « Notre contribution n’est certainement pas dénuée d’imperfections, puisque tout universitaire connaît des limites dans son champ de compétence »
Son appel à une plus grande consultation universitaire et à un leadership responsable résonne comme une nécessité pour la réforme de la justice en Haïti. Ainsi, l’analyse de Dr. Guerby Blaise est une critique approfondie et une analyse des échecs de l’actuelle judicature du CSPJ. Il met en avant les lacunes institutionnelles et propose des solutions pragmatiques pour une judicature future plus efficace et équitable. Son engagement pour une justice équitable et moderne est une lueur d’espoir pour le système judiciaire haïtien en quête de réformes et d’améliorations.