PORT-AU-PRINCE, mardi 12 novembre 2024 – Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), a lancé une mise en garde formelle au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé contre toute nomination de Me Bernard Sainvil, actuel doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince, au poste de ministre de la Justice dans le nouveau gouvernement.
Espérance a souligné que le nom de Sainvil a été largement cité ces dernières vingt-quatre heures pour être choisi comme futur garde des sceaux de la République. Cependant, il a exprimé de vives préoccupations quant à cette potentielle nomination, affirmant que Me Sainvil serait soutenu par des secteurs impliqués dans la corruption endémique en Haïti, en particulier ceux ayant détourné les fonds du programme PetroCaribe. Espérance estime que cette nomination viserait à protéger ces individus et à garantir leur impunité en dépit de la gravité de leurs actes, empêchant toute poursuite judiciaire sérieuse à leur encontre.
Le directeur du RNDDH a également accusé le magistrat de mal gérer les dossiers de corruption, les distribuant souvent à des juges dont la réputation est entachée, au point que les poursuites judiciaires n’aboutissent jamais à de véritables procès.
“Cette impunité chronique nourrit, selon Espérance, un climat d’insécurité qui favorise la montée en puissance des organisations criminelles et terroristes. Des groupes comme “Viv Ansanm” exploitent l’absence de justice pour étendre leur emprise et renforcer leur capacité de nuisance. Viv Ansanm, un réseau criminel notoire, a instauré un climat de terreur dans plusieurs quartiers et régions du pays.”
“Le groupe, associé à une violence extrême, ne se contente plus de cibler la population civile, mais va jusqu’à défier directement les autorités et infrastructures nationales. Récemment, des membres de cette organisation ont ouvert le feu sur des avions de ligne en plein vol, une attaque sans précédent qui
a conduit les compagnies aériennes américaines à suspendre temporairement leurs vols vers Haïti sur ordre de la FAA.”
Cette situation alarmante, souligne Espérance, résulte en grande partie de l’absence de réelles sanctions contre les acteurs criminels et corrompus. En s’assurant de ne pas être tenus responsables de leurs actes, les leaders de Viv Ansanm et autres groupes similaires trouvent un terrain fertile pour agir sans crainte de représailles. Les attaques contre des avions de ligne illustrent à quel point ces groupes ont évolué au-delà du contrôle des autorités, s’attaquant maintenant à des cibles stratégiques avec des moyens militaires sophistiqués, au mépris de toute règle de droit.
Face à cette situation, Pierre Espérance exhorte le Premier ministre à éviter toute nomination douteuse au sein du ministère de la Justice, qui pourrait fragiliser davantage un système judiciaire déjà défaillant et complaisant face aux criminels et prédateurs économiques. Il recommande plutôt de privilégier des individus intègres et compétents, capables de renforcer l’État de droit et de s’attaquer fermement aux réseaux criminels et à leurs soutiens.
« Nommer un ministre de la Justice en collusion avec des criminels ou des corrompus revient à renforcer l’impunité déjà érigée en système dans notre pays. Ce serait offrir une prime à ces prédateurs qui, grâce à des complicités dans les sphères du pouvoir, s’approprient les ressources du pays et maintiennent la population dans la peur et le désespoir », a-t-il affirmé. Espérance a également fait référence aux conclusions de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), qui pointe du doigt trois conseillers-présidents et hauts responsables impliqués dans le scandale de la Banque Nationale de Crédit (BNC). Ces individus continuent de jouir de positions d’influence, perpétuant un climat où la corruption prospère et où les criminels restent intouchables.
Il a souligné que dans le contexte actuel, où des groupes armés terrorisent la population et où la violence atteint des niveaux sans précédent, le gouvernement doit impérativement pouvoir compter sur un appareil judiciaire solide et impartial, ainsi que sur des forces de sécurité déterminées à protéger les vies et les biens. La lutte contre les groupes terroristes et leurs parrains doit être une priorité absolue pour toute nouvelle équipe gouvernementale.
Pierre Espérance a exhorté Alix Didier Fils-Aimé à constituer un gouvernement qui ne se contentera pas de jouir des privilèges liés à leurs fonctions, mais qui démontrera un engagement sincère à lutter contre l’impunité et l’anarchie qui dévastent le pays. Selon lui, Haïti ne peut plus se permettre de tergiverser : « Le pays a déjà perdu beaucoup de temps et n’a plus droit à l’erreur. Tous les efforts doivent être faits pour stabiliser la situation, restaurer l’État de droit, et garantir une transition réussie vers des élections crédibles qui permettront aux Haïtiens de choisir leurs dirigeants. »
L’impunité en Haïti non seulement alimente la corruption, mais sert de bouclier aux criminels, transformant des groupes comme Viv Ansanm en véritables puissances autonomes qui défient l’autorité de l’État et sèment le chaos sans être inquiétés, soutient Pierre Espérance.