PORT-AU-PRINCE, mardi 27 août 2024 – Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a adressé deux correspondances au Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Me Lionel Constant Bourgoin, ainsi qu’au Doyen du Tribunal, le Magistrat Bernard Saint-Vil, pour attirer leur attention sur le dossier de la gestion de Magalie Habitant à la tête du Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS) entre avril 2017 et septembre 2017.
La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) a rendu, le 29 juillet 2021, un arrêt de débet contre Magalie Habitant, la condamnant à restituer la somme totale de trente-huit millions huit cent soixante-dix-neuf mille sept cent soixante-seize gourdes et soixante-onze centimes (38 879 776,71 HTG) au Trésor public et au SMCRS. Cette décision fait suite à une gestion jugée désastreuse durant la période mentionnée.
Le RNDDH indique que le 16 novembre 2021, le dossier a été acheminé au Parquet près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince. Cependant, malgré plusieurs visites effectuées au cours du mois de juillet 2024 pour s’enquérir de l’état d’avancement du dossier, aucune trace de celui-ci n’a été retrouvée, ni au greffe du parquet ni au Décanat du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince. L’organisation déplore l’absence de réponse satisfaisante malgré ses démarches répétées.
Face à cette situation, le RNDDH exprime son indignation et son incompréhension. « Dans le cadre du dossier de la gestion désastreuse de la dame Magalie Habitant, le RNDDH juge inacceptable qu’aucune poursuite n’ait été engagée depuis 2021 », écrit l’organisation dans ses correspondances. L’organisation demande aux autorités judiciaires des éclaircissements sur la gestion du dossier et insiste pour connaître le nom du magistrat en charge de l’instruction judiciaire. « Aujourd’hui, la société veut savoir quel magistrat a la charge de l’instruction judiciaire du dossier », insiste le RNDDH.
Le rapport d’audit de la CSCCA révèle des anomalies graves dans la gestion du SMCRS sous l’administration de Magalie Habitant. Le budget de fonctionnement et d’investissement du SMCRS pour l’exercice 2016/2017 s’élevait à 202 369 790,00 gourdes, dont 149 496 888,19 gourdes ont été dépensées. Parmi ces dépenses, 73 698 087,57 gourdes étaient allouées aux frais de fonctionnement et 75 728 800,57 gourdes aux dépenses d’investissement. Le budget a été financé principalement par des subventions du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) et du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE).
Les vérificateurs ont constaté plusieurs irrégularités. Des versements mensuels de 2 000 000,00 gourdes pour le fonctionnement du SMCRS/Nord ainsi qu’un montant de 12 000 000,00 gourdes n’étaient accompagnés d’aucun rapport de dépenses ou justificatifs adéquats. De plus, des anomalies totalisant 16 620 776,71 gourdes ont été relevées pour des achats de pièces détachées et de pneus pour des véhicules non identifiés, dépourvus de plaque d’immatriculation et de police d’assurance. Ces irrégularités violent les articles 52, 54 et 55 du Décret du 16 février 2005 ainsi que les articles 25-b et 26 de l’Arrêté du 16 février 2005.
Le sous-compte Projet du SMCRS, destiné à financer des projets et programmes sociaux, affichait des dépenses totalisant 75 728 800,62 gourdes pour la période sous étude, avec un solde final de 28 628 320,24 gourdes en septembre 2017. Des irrégularités ont été constatées dans les assainissements dans la zone métropolitaine, avec des anomalies s’élevant à 11 259 000,00 gourdes, principalement liées à l’emploi de superviseurs avec des contrats non approuvés par la Cour.
Le rapport d’audit met également en évidence un manque de planification et des irrégularités dans la passation des marchés. Les vérificateurs ont noté une absence de planification et des irrégularités dans la gestion des contrats, totalisant 11 259 000,00 gourdes, exécutés en violation des normes comptables. De plus, le SMCRS a financé des activités hors de son périmètre territorial, comme des projets au Cap Haïtien, ce qui est en contravention avec les articles 4 et 5 du décret du 3 mars 1981. Les projets sociaux financés à hauteur de 11 259 000,00 gourdes n’ont pas eu d’impact mesurable sur les objectifs budgétaires du SMCRS.
Le rapport a aussi révélé des défaillances dans la gestion des transactions liées au carburant et aux lubrifiants, ainsi que des lacunes dans l’inventaire des biens, en violation des exigences de la loi du 7 septembre 1950 sur le contrôle des biens du Gouvernement. L’audit a également constaté des manquements graves dans la gestion des ressources humaines, notamment dans la méthode de recrutement et d’engagement du personnel.
En conséquence, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif a condamné solidairement Magalie Habitant, Monsieur Ralph René (Directeur Administratif), Monsieur Rosemond Jolicoeur (Comptable en Chef), Monsieur Jocelyn Borgella (Coordonnateur de Projet) et Monsieur Guy Lafleur Pierrette (Comptable Public Principal) à restituer la somme totale de 38 879 776,71 gourdes, répartie comme suit : 12 000 000,00 gourdes transférées illégalement à l’entité SMCRS/Nord, 11 259 000,00 gourdes pour des contrats douteux et 16 620 776,71 gourdes pour l’achat de pièces détachées sans justification adéquate.
La Cour a ordonné la vérification des transactions liées au carburant et aux lubrifiants et la poursuite de l’audit pour la période restante de la gestion de Magalie Habitant, du 1er octobre 2017 au 25 septembre 2018. Les biens de Magalie Habitant sont également soumis à une hypothèque légale pour garantir le remboursement des sommes dues.
L’arrêt a été rendu le 29 juillet 2021 par les membres du Collège de Jugement : Fritz Robert St Paul, Saint Juste Momprévil et Jean Ariel Joseph, en présence de Me Jean Miguel Fortuné (Auditeur), Me Marc-Edwens Thélusma (Greffier du siège) et de l’huissier Jephté Succès. Le RNDDH appelle à une action judiciaire rapide et rigoureuse pour clarifier les responsabilités et restaurer la confiance dans la gestion des fonds publics.