PORT-AU-PRINCE, vendredi 25 novembre 2022– Le réseau national de défense des droits humains (RNDDH) reproche au substitut commissaire du gouvernement de Port-au-Prince d’avoir tenté de libérer illégalement deux inculpés dans un crime commis le 19 juin 2021 à l’Anse-a-Galets (Ouest).
Selon un rapport du RNDDH, dans la soirée du 19 au 20 juin 2021, Gabriel François, âgé de quatre-vingt-six (86) ans, a été assassiné à ‘‘Nan Café,’’ une localité de la commune d’Anse-à-Galets après que Amos Edmond et Signoly Edmond (père et fils) aient promis de l’accompagner chez lui.
Le 20 juin 2021, le corps sans vie et ensanglanté de Gabriel François a été découvert sous une chute d’eau.
Auditionnés le 22 juin par le juge de paix de l’Anse- à -Galet Junior Altenor, Amos et Signoly Edmond ont été arrêté et remis au commissariat de la zone avant d’être transféré à Port-au-Prince.
Dans la foulée, Mézidor St-Lot, conducteur d’une motocyclette qui avait ramené Dermilia Soiro chez elle, nièce de la victime – a lui aussi été arrêté et auditionné par le juge de paix. Il a été relâché le 7 juillet 2021, précise le rapport.
Cependant, le RNDDH affirme que son enquête révèle que le magistrat Junior Altenor a ordonné la libération de Mezidor St-Lot contre pot-de-vin. L’argent réclamé par le magistrat a été transféré en Haïti par plusieurs personnes vivant à l’étranger dont Guymet St-Lot, qui vit au Canada. Il est le neveu de Mezidor St-Lot.
Le 13 août 2021, Amos Edmond et Signoly Edmond ainsi que le rapport préliminaire du magistrat de paix, ont été déférés au Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Ils ont été auditionnés par le substitut commissaire du gouvernement Jeanty Souvenir en absence de leurs avocats, rapporte le RNDDH.
Selon le document du RNDDH, ces derniers avaient alors choisi de ne pas assister Amos Edmond et Signoly Edmond parce qu’ils voulaient négocier un désistement monnayé avec les avocats de la partie civile, ce qui aurait facilité la libération ultérieure de leurs clients. Amos Edmond et Signoly Edmond ont ce jour-là été écroués à la Prison civile de Port-au-Prince.
Le traitement du dossier a été confié au magistrat instructeur Merlan Belabre qui, en mars 2022, s’est dessaisi de l’affaire, son mandat étant arrivé à terme. Le magistrat Martel Jean-Claude a alors été désigné.
Cependant, le 11 novembre 2022, le substitut commissaire du gouvernement Jeanty Souvenir a ordonné l’extraction judiciaire des inculpés. Il les a entendus le même jour et a ordonné leur libération, rapporte le RNDDH.
‘‘ Il s’en est suivi un tollé au Parquet, selon le rapport, précisant que plusieurs personnes présentes fustigeaient le comportement du magistrat Jeanty Souvenir qui a été obligé de revenir sur sa décision de libérer Amos EDMOND et Signoly Edmond. Ils ont donc été refoulés en prison’’, souligne le document du RNDDH.
Les informations obtenues par l’organisation des droits humains précisent que, ‘‘cette extraction judiciaire qui aurait dû déboucher sur la libération de Amos Edmond et de Signoly Edmond, leur a coûté la coquette somme de dix mille (10.000) dollars américains. Ce montant a été apporté au magistrat par Yvon Edmond lui-même frère d’Amos Edmond et par conséquent, oncle de Signoly Edmond’’, selon le RNDDH.
Dans un entretien avec le RNDDH, Amos et Signoly Edmond ont démenti avoir été extraits et en ont profité pour affirmer que leur avocat, Me Fritz Altenor a été assassiné à l’Avenue Christophe le 20 janvier 2022.
Toutefois, le RNDDH confirme qu’en date du 11 novembre 2022, huit (8) détenus de la Prison civile de Port-au-Prince ont été extraits, dont cinq (5) sur ordre du substitut commissaire du gouvernement Jeanty Souvenir. Parmi eux figurent Amos Edmond et Signoly Edmond. Ils ont été reconduits à la prison dans l’après-midi, précise l’organisation.
Le RNDDH affirme avoir appris que ‘‘dans la communauté de l’Anse-à-Galets, les Edmond sont très remontés contre le magistrat Jeanty Souvenir qui avait promis de libérer Amos Edmond et Signoly Edmond dès qu’il aurait reçu le pot-de-vin exigé.’’
En entretien avec le RNDDH, Jeanty Souvenir a affirmé avoir effectivement extrait Amos Edmond et Signoly Edmond, en vue de confirmer leur présence à la Prison civile de Port-au-Prince.
Cependant, le magistrat en a profité pour démentir l’information selon laquelle il a reçu dix-mille (10.000) dollars pour procéder à la libération des inculpés susmentionnés, arguant qu’il ne pourrait jamais s’impliquer dans un scandale de corruption pareil, après plus de trente (30) années de carrière dans la magistrature’’, selon le rapport.
Le RNDDH rappelle que le magistrat Jeanty Souvenir a été mis en disponibilité le 23 janvier 2020, en raison de son comportement dans plusieurs dossiers.
Selon le RNDDH, il était impliqué dans un cas de coups et blessures volontaires et menaces d’assassinat sur la personne de Guibert St-Clair à la suite d’un accident de la circulation.
Le RNDDH estime que le magistrat Jeanty Souvenir n’a nullement le droit d’interférer dans un dossier alors que celui-ci est pendant par devant le Cabinet d’instruction et que les ayants-droits de la victime attendent que Justice leur soit rendue.
Selon l’organisation, le comportement du magistrat constitue une violation flagrante du principe de légalité des poursuites qui exige que toute infraction soit poursuivie ; et du principe de séparation de poursuite, d’instruction et de jugement.
Le RNDDH exige donc l’ouverture immédiate d’une enquête sur le comportement du substitut commissaire du gouvernement Jeanty SOUVENIR, dans cette tentative de libération des inculpés Amos Edmond et Signoly Edmond.
Il recommande également la certification de tout le personnel judiciaire affecté au Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince.