PORT-AU-PRINCE, vendredi 4 octobre 2024– Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a exprimé sa vive consternation face au massacre perpétré dans la nuit du 2 au 3 octobre 2024 à Pont-Sondé, une localité située dans la 5ème section communale de Saint-Marc, département de l’Artibonite. Cet acte de violence inouïe a été orchestré par des membres de la base armée gran grif, sous la direction de Luckson Elan. Selon les informations recueillies par le RNDDH auprès de sa structure régionale et des habitants de la zone, les assaillants ont attaqué la population par surprise, semant la terreur et la mort sur leur passage.
Le massacre a été planifié avec une précision macabre. Les assaillants, lourdement armés, ont quitté leur base à Savien en véhicules avant de traverser une partie du trajet en canots, ce qui leur a permis d’arriver discrètement à Pont-Sondé. Cette manœuvre a été si bien exécutée que les groupes d’autodéfense locaux, dont « La Coalition », ont été pris au dépourvu et forcés de fuir, laissant la population à la merci des bandits. Après avoir semé la destruction à Pont-Sondé, les membres de la base gran grif ont quitté la scène du crime en repassant par la zone de la Poterie, où ils ont également assassiné des personnes rencontrées sur leur chemin.
Des rumeurs sur un éventuel massacre circulaient à Pont-Sondé depuis au moins deux mois, selon les informations obtenues par le RNDDH. Les bandits armés reprochaient à la population locale d’avoir collaboré avec les groupes d’autodéfense qui s’efforçaient de contrer leurs activités criminelles, notamment en limitant les revenus générés par un poste de péage illégal récemment installé par la base gran grif sur la route nationale. Il est également à noter que l’un des complices clés de ce massacre serait un certain Ti Pay, un résident de Pont-Sondé qui, bien que membre de la base gran grif, jouissait d’une grande notoriété dans la communauté.
Le bilan de cette attaque est extrêmement lourd. Selon les témoignages recueillis, plus de soixante-dix personnes ont été assassinées, et plusieurs autres sont portées disparues. Ce chiffre pourrait encore augmenter, les survivants estimant que des familles entières ont été décimées lors de l’assaut. Parmi les victimes se trouvent des bébés, des enfants en bas âge, des femmes et des personnes âgées. Des corps continuent de joncher le sol de la localité, impossibles à récupérer par les proches en raison de la persistance de tirs sporadiques dans la zone, la rendant dangereusement inaccessible. Un exemple poignant est celui de Chelot Joseph, un homme de 40 ans vivant à La Poterie, abattu alors qu’il se trouvait chez lui. Selon son frère, Donald Joseph, la famille est toujours sans nouvelles de la conjointe et de l’enfant de Chelot, eux aussi portés disparus depuis l’attaque.
En plus des victimes décédées, le massacre a laissé de nombreuses personnes grièvement blessées. Le Docteur Frantz Alexis, directeur médical de l’Hôpital Saint-Nicolas, a affirmé que l’établissement a pris en charge vingt-trois patients blessés par balles, parmi lesquels huit ont nécessité une intervention chirurgicale en urgence. À ce jour, treize patients restent sous observation, tandis que cinq autres personnes, déjà décédées avant leur arrivée à l’hôpital, y ont été conduites. Malgré la gravité de la situation, l’hôpital, soutenu par l’organisation Zanmi Lasante, a pu fournir les soins nécessaires malgré une certaine pénurie de médicaments.
Les conséquences de cette attaque ne se limitent pas aux pertes humaines. Plusieurs maisons, véhicules et guérites ont été incendiés, laissant les survivants dans un désarroi total. Roseline Sanon, dont le conjoint paralysé a dû être transporté par des voisins pour échapper aux flammes, se trouve actuellement avec sa famille sur la Place publique Philippe Guerrier à Saint-Marc. Maranatha Casimir, dont la maison a également été détruite, a dû fuir avec ses trois enfants pour chercher refuge sur la même place.
Face à cette violence, la population de Pont-Sondé n’a eu d’autre choix que de fuir en masse. Depuis le 3 octobre, des centaines de familles se sont réfugiées sur la Place publique Philippe Guerrier. Les rescapés décrivent une fuite épouvantable, pendant laquelle ils ont dû marcher des heures, traversant des cadavres et cherchant à se cacher pour échapper aux tueurs. Jameson Fermilus, l’un des survivants, raconte avoir d’abord cherché refuge dans un corridor près de sa maison avant de fuir à pied vers Saint-Marc. Donald Joseph, accompagné de sa conjointe enceinte de neuf mois et de leurs trois jeunes enfants, a également traversé cette épreuve, trouvant un abri temporaire grâce à la générosité d’une inconnue.
Ce massacre s’inscrit dans une longue série de violences qui accablent la population haïtienne, déjà victime des agissements des groupes armés qui opèrent en toute impunité depuis plusieurs années. Selon le RNDDH, les nouvelles autorités étatiques mises en place par la communauté internationale, y compris le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) dirigé par Edgard Leblanc Fils et le gouvernement de Garry Conille, n’ont jusqu’à présent pris aucune mesure concrète pour rétablir la sécurité. Le RNDDH dénonce l’inaction des autorités, qui semblent plus préoccupées par la gestion des ressources de l’État que par la protection des citoyens.
Dans ce contexte de violence et d’insécurité, la réponse des forces de l’ordre a été largement insuffisante. La Police Nationale d’Haïti (PNH) n’est intervenue que plus de vingt-quatre heures après le massacre, dépêchant un blindé dans la zone le 4 octobre, bien trop tard pour empêcher le carnage. Le RNDDH a également souligné l’inadéquation des ressources allouées aux services d’intelligence, qui, malgré des rumeurs circulant depuis deux mois sur la planification de cette attaque, n’ont pas permis de prévenir ce drame. En effet, alors que les conseillers présidentiels reçoivent des salaires largement supérieurs, les services d’intelligence de la PNH sont sous-financés, avec des fonds mensuels de moins de trois millions de gourdes.
Le RNDDH rappelle que les rumeurs de ce massacre circulaient à Pont-Sondé depuis un certain temps, et que l’attaque aurait pu être évitée si les fonds destinés aux services d’intelligence avaient été utilisés efficacement. Cette organisation appelle les autorités à prendre des mesures immédiates pour rechercher et arrêter les membres de la base gran grif, y compris Ti Pay, et à mettre en place des stratégies réelles pour restaurer l’ordre et la sécurité en Haïti. Le simple fait de publier des communiqués de presse ou des notes sans conséquence tangible ne suffit pas à protéger la population, qui reste exposée aux exactions des bandes armées.