PORT-AU-PRINCE, samedi 23 novembre 2024 – Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), a soutenu la récente décision du Conseil National des Télécommunications (CONATEL) de suspendre l’émission Boukante Lapawòl, diffusée sur les ondes de Radio Méga. Cette émission, selon Espérance, a longtemps servi de plateforme de propagande pour des chefs de gangs terroristes comme Jimmy Cherizier, alias Barbecue, et Ti Lapli, leur permettant de justifier publiquement leurs exactions contre la société haïtienne.
Le militant des droits humains a exprimé son indignation face à ce qu’il qualifie de “comportement irresponsable” de certains animateurs. « Ces individus, se faisant passer pour des journalistes, n’hésitent pas à ouvrir leurs micros à des criminels notoires accusés de crimes abominables contre une population sans défense. Il est intolérable de normaliser ou de promouvoir le terrorisme de manière voilée », a-t-il déclaré.
Pierre Espérance estime que cette situation a trop duré. « Les terroristes font peser une souffrance immense sur l’ensemble de la société. Il est inadmissible que certains médias leur offrent un temps d’antenne pour intoxiquer l’opinion publique, alors même que leurs actes impunis plongent le pays dans le chaos. » Il a également réfuté toute atteinte à la liberté de la presse, affirmant que « ceux qui violent la loi sont ceux qui utilisent cette liberté pour promouvoir des chefs terroristes. Cette décision du CONATEL est un avertissement à tous ceux qui participent à ces dérives médiatiques. »
Les propos de Pierre Espérance soulèvent une question cruciale : l’utilisation des médias par des groupes terroristes pour manipuler l’opinion publique. Dans des contextes de crise, les médias sont souvent exploités pour diffuser des messages de peur, de haine ou de justification des crimes. Les chefs de gangs, comme ceux mentionnés par Espérance, utilisent des canaux de communication pour légitimer leurs actions, polariser la société et parfois même intimider leurs opposants.
Les terroristes ne se contentent pas de faire passer des messages violents : ils cherchent également à manipuler les perceptions pour affaiblir les institutions étatiques et déstabiliser la société. En Haïti, où l’État lutte pour maintenir un minimum de contrôle, ces interventions médiatiques amplifient les tensions et compliquent les efforts de rétablissement de l’ordre.
Espérance appelle donc à une vigilance accrue, non seulement de la part des autorités, mais aussi des professionnels des médias. Il recommande que la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) enquête sur les liens financiers et professionnels potentiels entre certains journalistes et les chefs de gangs. Il plaide également pour un contrôle renforcé du contenu médiatique afin de prévenir toute collaboration avec des individus ou groupes terroristes.
Dans une correspondance datée du 20 novembre 2024, le Directeur Général du CONATEL, José Jean-Baptiste, a ordonné à Radio Méga FM de suspendre immédiatement Boukante Lapawòl. La station est accusée d’avoir utilisé sa fréquence pour offrir une tribune à des criminels recherchés par la justice, tels que Jeff Gwo Lwa, chef de gang de Canaan, et Jimmy Cherizier, alias Barbecue, sanctionné par les Nations Unies. Ces interventions, qualifiées de propagande en faveur des groupes armés, constituent une violation flagrante du décret du 12 octobre 1977, régissant les services de télécommunications.
Selon le CONATEL, ces pratiques compromettent la sécurité nationale, particulièrement en période d’état d’urgence. L’institution a averti Radio Méga que toute infraction à cette suspension entraînerait des sanctions sévères, incluant le retrait de la concession de fréquence et des poursuites judiciaires.
Le Président-Directeur Général de Radio Méga, Alex Saint-Surin, a exprimé son désaccord avec la mesure du CONATEL, qu’il juge disproportionnée. « Nous aurions préféré un avertissement avant cette suspension. Depuis sa création, Radio Méga a toujours respecté les normes régissant le secteur des télécommunications en Haïti, » a-t-il affirmé.
D’après Pierre Espérance, cette suspension marque un tournant dans la régulation des médias en Haïti. “Elle envoie un message clair : la liberté de la presse ne peut être utilisée comme couverture pour promouvoir des discours haineux ou violents. Le cas de Boukante Lapawòl pourrait inciter d’autres médias à revoir leurs pratiques éditoriales pour éviter des sanctions similaires.”
Pierre Espérance a conclu en appelant les autorités à rester fermes dans leur lutte contre la manipulation de l’opinion publique par des groupes armés. « La société haïtienne mérite des médias responsables, engagés dans la défense des droits humains et le rétablissement de l’État de droit. »