PORT-AU-PRINCE, le 24 décembre 2023 — Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) demande formellement la destitution du commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Miragoâne, Me Jean Ernest Muscadin.
Cette requête du RNDDH intervient suite à une série d’incidents et d’accusations graves portant sur des exécutions sommaires et des violations des droits humains.
Le RNDDH réagit aux lettres de blâme adressées le 15 décembre 2023 aux commissaires du gouvernement de Miragoâne et des Cayes, respectivement Jean Ernest Muscadin et Ronald Richemond, en soulignant la gravité des faits reprochés à Muscadin. L’organisation de défense des droits humains insiste sur la nécessité de destituer le magistrat plutôt que de le blâmer.
Dans une correspondance à la ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Emmelie Prophète Milcé, l’organisation indique que ‘‘les récents événements, survenus dans la nuit du 12 au 13 décembre 2023, ont mis en lumière la participation de Muscadin à une opération visant à traquer le chef de gang Beliose Louis-Jeune alias “Boutba” à Port-Salut. Des échanges de tirs ont été enregistrés à l’hôtel Titanic, et Muscadin a accusé le propriétaire de complicité dans la fuite des bandits’’, souligne le RNDDH.
Le commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance des Cayes, Ronald Richemond, a reproché à Muscadin de ne pas l’avoir informé de son intervention dans sa juridiction. Cette situation a conduit à un affrontement public entre les deux responsables, avec des accusations mutuelles de protection de bandits armés et d’implication dans des affaires de trafic de stupéfiants.
Le RNDDH rappelle également une série d’exécutions sommaires orchestrées par Muscadin depuis 2022. L’organisation exhorte à une enquête approfondie sur ces actes, considérés comme des violations flagrantes des droits à la vie, à la sécurité, à l’intégrité physique et aux garanties judiciaires des victimes.
Ces incidents, dénoncés par le RNDDH, soulèvent des préoccupations sérieuses quant au respect des droits humains et à l’application de la loi.
L’organisation énumère un ensemble de cas : le 31 mai 2022 – Kokoye, Fonds-des-Nègres : Elvain Saint-Jacques, alias Zo Pwason, aurait été abattu par Muscadin après avoir formulé ses dernières volontés. Le magistrat l’a présenté comme un membre influent du gang armé de Village de Dieu, dirigé par Johnson André, alias Izo 5 secondes.
Le 18 juin 2022 – Saint-Michel, Miragoâne : Rodrigue André et Jules François, alias Piman Chen, ont été exécutés lors d’un contrôle de routine d’un autobus assurant le trajet Port-au-Prince / Jérémie. Muscadin les a identifiés comme membres du gang armé 5 Secondes opérant à Village de Dieu.
Le 8 août 2022 – Port-Salut : Junior Civil a été exécuté sous l’accusation d’être un bandit se rendant à Port-Salut dans le département du Sud.
Le 24 octobre 2022 – Berquin, Miragoâne : Junior Meriel, alias Zo Reken, aurait été tué lors d’échanges de tirs avec le bras armé du Parquet de Miragoâne. Muscadin a affirmé qu’il s’agissait d’un bandit de Martissant ayant braqué une boutique de cigarettes à Miragoâne.
Le 22 décembre 2022 – Duparc, Miragoâne : Robinson Leonard aurait été abattu lors d’échanges de tirs avec le bras armé du Parquet. Des membres de la communauté suggèrent que la victime souffrait de troubles mentaux.
Le 30 avril 2023 – Canaan : Ralph Lacombe, alias Zo Pa Kwit, aurait été exécuté par le commissaire du gouvernement, présenté comme membre du gang opérant à Canaan dirigé par Jeff Larose et allié du gang 5 Secondes à Village de Dieu.
Le 11 mai 2023 – Saint-Michel : Yzope Georges aurait été abattu par Muscadin, présenté comme membre du gang 5 Secondes.
Le 5 juillet 2023 – Saint-Michel : Lorven Delicat, alias Blandi, aurait été exécuté et présenté comme un évadé de prison et membre du gang 5 Secondes.
Le 26 novembre 2023 – Morne-Moussignac : Alain Dormeille, un jeune hougan de 30 ans, aurait été tué lors d’un contrôle routier. Muscadin l’aurait présenté comme un trafiquant d’organes et affilié au gang des 400 Mawozo.
Le RNDDH souligne que dans le dernier cas, Alain Dormeille, le RNDDH souligne que la victime était en compagnie de dix-huit personnes, dont deux enfants. Muscadin aurait ordonné à la victime de descendre du véhicule avant de lui administrer plusieurs balles devant les autres passagers.
Selon l’organisation, ces événements suscitent des inquiétudes quant au respect des principes de l’État de Droit en Haïti. Les accusations de Muscadin contre les victimes, souvent formulées après leur mort, soulèvent des interrogations sur la légitimité de ces exécutions sommaires. Les défenseurs des droits humains continuent de plaider pour une enquête approfondie, la destitution immédiate de Muscadin et la reddition de comptes conformément à la loi.
La lettre de blâme adressée à Muscadin, selon le RNDDH, est la première depuis sa nomination au Parquet près le Tribunal de première instance de Miragoâne. L’organisation estime que les actions du magistrat, ses auto-proclamations de missions de traque et d’exécution, ainsi que ses nombreuses violations des limites légales, justifient sa destitution immédiate.
Le RNDDH souligne que les exécutions sommaires constituent des infractions graves aux droits fondamentaux, appelant à des enquêtes approfondies. L’organisation sollicite du ministère compétent la destitution de Maître Jean Ernest Muscadin et la réalisation d’une enquête diligente sur les nombreuses exactions commises en son nom et par ses collaborateurs.
Le RNDDH souligne qu’ Haïti a mis en œuvre des mesures législatives et internationales visant à prévenir, réprimer et punir diverses formes de criminalité, y compris la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel sur la traite des personnes, ratifiés par Haïti le 19 avril 2011. De plus, la Loi sur la lutte contre la traite des personnes a été adoptée le 30 avril 2014 pour renforcer les efforts contre cette forme de criminalité.
”Malgré ces outils juridiques, soutient l’organisation, le magistrat Jean Ernest Muscadin est accusé de violer ces principes et de compromettre l’intégrité du système judiciaire en prenant des mesures extrêmes sans respecter les protocoles établis. Le RNDDH souligne que les actions de Muscadin vont à l’encontre des normes déontologiques, dépassant les limites fixées par la loi et érigeant ses propres règles.”
Le RNDDH, en désaccord avec la récente lettre de blâme adressée à Muscadin, insiste sur la nécessité de destituer le magistrat de son poste de commissaire du gouvernement, affirmant que les exécutions sommaires qu’il aurait orchestrées constituent des violations flagrantes des droits fondamentaux. Ces actes, insiste-t-on, doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies, avec toutes les personnes impliquées, y compris Muscadin et ses collaborateurs armés, devant être jugées et condamnées conformément à la loi.
Le RNDDH appelle les autorités haïtiennes à agir avec célérité et fermeté pour restaurer la confiance du public dans le système judiciaire et garantir le respect des droits humains fondamentaux, tout en réaffirmant la nécessité de préserver l’intégrité des institutions légales établies pour lutter contre la criminalité.