MIAMI, dimanche 18 août 2024 – De nombreux Haïtiens expatriés avaient prévu de passer leur retraite en Haïti, au milieu de leurs proches. Certains avaient déjà tout planifié, de la construction et l’ameublement de leurs maisons à l’envoi de véhicules pour vivre une retraite paisible sous le soleil. Cependant, ils sont vite rattrapés par la réalité d’Haïti, confrontée à une insécurité multiple, au point de se raviser, le cœur serré.
Haïti fait face à plusieurs types d’insécurité qui affectent non seulement la vie quotidienne de ses habitants, mais aussi celle des expatriés qui envisagent de prendre leur retraite dans leur pays d’origine. Les principaux types d’insécurité qui inquiètent le plus ceux qui souhaitent retourner sont l’insécurité criminelle, entretenue par des gangs armés alimentés en armes et en munitions par des groupes d’intérêts opérant en toute impunité.
Emmanuel Pierre-Charles, 79 ans, vit aux États-Unis depuis 49 ans et garde l’espoir de retourner finir ses jours en Haïti, dans son patelin natal de gressier, dans le département de l’ouest. « J’ai construit ma maison de retraite il y a près de 15 ans, et j’y passais mes vacances en attendant le retour définitif », confie-t-il. La dernière fois qu’il est allé en Haïti, c’était en 2019, mais il y est resté coincé pendant au moins deux mois lors du mouvement « pays lock » déclenché par l’opposition à jovenel moïse. « Je me déplaçais difficilement et j’ai beaucoup souffert car j’avais des ennuis de santé et ne pouvais pas voyager pour voir mon médecin en Floride », se rappelle-t-il. Depuis, la situation sécuritaire a empiré. « Les gangs prolifèrent, occupent de plus en plus de territoire et commettent des atrocités sur la population impunément », déplore-t-il, les larmes aux yeux en évoquant le pillage de sa maison.
« J’ai perdu ma maison aux États-Unis lors de la crise des subprimes en 2008. Vu mon âge avancé et ma situation économique, il m’était difficile d’obtenir un prêt bancaire pour financer l’acquisition d’une nouvelle maison. Alors, j’ai décidé de dépenser ce qui me restait d’économie dans la construction d’une maison en Haïti. Et du train que ça va aujourd’hui, je ne suis pas certain que je pourrai passer ma retraite en Haïti. Pourtant, compte tenu de la cherté de la vie aux États-Unis, c’est le meilleur moment où je devrais retourner chez moi », ajoute-t-il tristement.
La crise politique qui perdure en Haïti empêche également le retour de certains expatriés retraités. La crise prolongée, caractérisée par des conflits entre les différents acteurs politiques, l’instabilité gouvernementale et l’absence de gouvernance efficace, contribue à l’insécurité. Cette instabilité engendre un climat d’incertitude qui affecte la confiance des expatriés dans la possibilité de vivre sereinement dans leur pays d’origine, notamment en ce qui concerne la protection de leurs droits et biens.
Jeanine Exantus, 63 ans, originaire de la croix-des-bouquets, vit aux États-Unis depuis 33 ans. Elle part à la retraite dans deux ans. « J’ai planifié de retourner vivre dans la maison léguée en héritage par mes parents, que j’ai fait réparer et innover. Cependant, depuis plus de trois ans, les membres du gang des ‘‘400 mawozo’’, dirigé par le redoutable chef de gang ‘‘lanmo san jou’’, ont chassé les gens qui vivaient dans la maison et en ont pris possession », raconte-t-elle.
En plus de l’insécurité généralisée, Exantus se plaint du non-respect de la propriété privée. « Je suis très attachée à mon pays d’origine et j’y allais chaque année jusqu’à 2021. Après l’assassinat du président jovenel moïse, je me suis rendu compte que personne n’était en sécurité dans le pays. Après tout ce qui s’est passé, je commence à me raviser sur mon projet de retraite en Haïti, où malheureusement, l’État s’est effondré », déclare-t-elle.
Elle évoque également la situation économique du pays, marquée par une croissance négative depuis plusieurs années, qui n’incite ni n’attire des investissements. L’économie haïtienne est en grande difficulté, avec un taux de chômage élevé, une inflation galopante, et une pauvreté généralisée. L’insécurité économique affecte la capacité des retraités expatriés à vivre confortablement en Haïti, car ils craignent de ne pas pouvoir accéder aux biens et services essentiels à un coût raisonnable. De plus, l’instabilité économique peut également affecter la valeur de leurs investissements, notamment dans l’immobilier.
Les retraités expatriés mettent également l’accent sur l’insécurité sanitaire en Haïti, une situation qui tend à empirer. Les infrastructures sanitaires sont limitées et sous-équipées, alors que le pays connaît une explosion démographique. Le système de santé haïtien est extrêmement fragile, avec un accès limité à des soins de qualité, des infrastructures sanitaires inadéquates et des épidémies récurrentes de maladies infectieuses. Pour les expatriés retraités, l’insécurité sanitaire représente un risque majeur, car ils pourraient avoir des besoins de santé accrus en vieillissant. L’incapacité de recevoir des soins adéquats en Haïti pousse de nombreux retraités potentiels à reconsidérer leur décision de retour.
Au niveau environnemental, la situation n’est pas rassurante. Le pays fait face à une insécurité environnementale particulièrement inquiétante, suscitant des soucis chez les expatriés qui souhaitent retourner en Haïti. Le pays est régulièrement confronté à des catastrophes naturelles telles que des ouragans, des séismes et des inondations. L’insécurité environnementale, exacerbée par le changement climatique, rend certaines régions du pays inhabitables ou dangereuses pour y vivre, décourageant les expatriés de s’installer dans leurs « kay’s » d’origine. Les infrastructures insuffisantes pour répondre aux catastrophes aggravent encore ces risques.
Pour les Haïtiens expatriés qui envisagent de retourner dans leur pays pour leur retraite, ces diverses formes d’insécurité constituent des obstacles majeurs. Les risques associés à la criminalité et à la violence politique, en particulier, soulèvent des préoccupations concernant leur sécurité personnelle et celle de leurs familles. De plus, les défis économiques et sanitaires renforcent les incertitudes quant à la qualité de vie qu’ils pourraient espérer.
L’insécurité dans tous ces domaines pousse souvent les expatriés à repenser leur plan de retour, certains préférant rester à l’étranger où ils bénéficient de conditions de vie plus stables et sécurisées. Pour ceux qui décident malgré tout de revenir, ces réalités imposent une préparation minutieuse et, souvent, la nécessité de maintenir des liens solides avec leur pays d’accueil pour des raisons de sécurité et d’accès aux soins.
L’accès aux services publics est aussi un souci majeur. L’instabilité de l’électricité et l’accès limité à l’eau potable sont d’autres freins. Le manque de fiabilité dans ces services essentiels rend la vie quotidienne difficile, en particulier pour les personnes âgées qui pourraient avoir besoin de ces services pour des raisons de santé ou de confort. Dans une époque marquée par la troisième révolution industrielle, où les nouvelles technologies et l’IA rendent les systèmes énergétiques plus efficaces et durables, Haïti reste en retard, ce qui décourage le retour des expatriés.
Les routes en mauvais état et le manque de transports publics fiables rendent les déplacements dangereux et fastidieux. De plus, les services de télécommunications, bien qu’en amélioration, sont encore loin d’être aussi développés que dans les pays où vivent de nombreux expatriés. Avec l’émergence de l’IA et des nouvelles technologies, le monde est de plus en plus connecté, et la capacité à rester en contact avec des proches à l’étranger est cruciale pour les retraités. L’absence d’infrastructure numérique robuste en Haïti représente donc un défi supplémentaire.
Dans un monde où l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies façonnent de plus en plus les modes de vie, les retraités haïtiens vivant à l’étranger sont habitués à un certain confort technologique. Cela inclut des soins de santé prédictifs grâce à l’IA, des systèmes de sécurité automatisés et des services publics régulés par des réseaux intelligents. Le contraste entre ces avancées et l’état des infrastructures en Haïti est trop grand pour que beaucoup envisagent de revenir.
Les infrastructures de base en Haïti doivent être considérablement améliorées pour attirer les retraités haïtiens expatriés, particulièrement dans un monde où l’IA et les technologies de pointe redéfinissent les normes de confort et de sécurité. Sans ces améliorations, la perspective de passer sa retraite en Haïti reste peu attrayante pour beaucoup.