Le réquisitoire du commissaire Claude Jean contre la compétence du juge Félismé Benjamin dans l’affaire de corruption de la BNC : une réponse juridique et méthodique défendue par Me Guerby Blaise?“…

Me Guerby Blaise, docteur en droit penal....

PARIS, samedi 18 janvier 2025- Dans l’affaire de corruption impliquant la Banque Nationale de Crédit (BNC), où trois membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), dont le Président Emmanuel Vertilaire, sont accusés, le réquisitoire du commissaire du gouvernement près la Cour d’appel de Port-au-Prince, Claude Jean, contestant la compétence du juge instructeur Félismé Benjamin, a donné lieu à une réaction détaillée et structurée de Me Guerby Blaise. Avocat d’Emmanuel Vertilaire et docteur en droit pénal, Me Blaise a saisi cette opportunité pour défendre la stratégie juridique adoptée dans cette affaire tout en exposant les fondements légaux qui appuient ses arguments.

Dès le début de l’affaire, Me Blaise a tenu à souligner que son client et lui-même ont adopté une démarche institutionnelle fondée sur le respect du droit. « Comme je l’ai dit depuis mai 2024, la solution de l’affaire BNC doit être juridique. C’est pourquoi mon client, Président Emmanuel Vertilaire, et moi n’avons pas obstrué la justice, n’avons jamais cherché à influencer celle-ci et avons préféré une décision de justice à une décision politique », a déclaré Me Blaise. Selon lui, ce choix reflète la confiance qu’il porte à la justice haïtienne et aux magistrats chargés de trancher ce dossier complexe.

Cette posture, selon Me Blaise, s’inscrit dans une logique institutionnelle, en portant l’affaire devant la Cour d’appel, qu’il considère comme une autorité régulatrice essentielle dans le cadre de la gouvernance publique. Le recours à cette instance vise à garantir que les questions de compétence soient tranchées de manière indépendante, en évitant les interférences extérieures.

Me Blaise a insisté sur la pertinence et la légitimité de la procédure d’appel qu’il a engagée contre le mandat de comparution initial. Il a rappelé que ce droit est consacré par la loi, notamment l’article 77 de la Constitution, et par des doctrines et jurisprudences bien établies. Cette approche juridique a pourtant été critiquée à ses débuts. « Au début, l’opinion publique, accessoirement des juristes de qualité, ridiculisaient le droit d’appel contre le mandat de comparution. Pourtant, je croyais dans ma stratégie juridique et faisais confiance à la formation de qualité des magistrats de mon pays », a-t-il expliqué. Ce choix, a-t-il ajouté, a permis de placer la justice haïtienne devant ses responsabilités tout en démontrant que le droit peut être utilisé pour clarifier des situations juridiques complexes.

Pour soutenir cette démarche, Me Blaise s’est appuyé sur sa propre expertise en procédure pénale haïtienne. Docteur en droit pénal, il a consacré six années de recherches doctorales à la loi de 1979 relative à l’appel pénal. Cette expertise, reconnue internationalement, l’a convaincu que le recours à la Cour d’appel était non seulement possible, mais également nécessaire. Il a évoqué la portée scientifique de son travail, largement diffusé en France dans des institutions comme la Bibliothèque nationale de France, Sciences Po et les universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Paris 2 Panthéon-Assas.

Malgré ces arguments juridiques solides, Me Blaise a exprimé son regret face aux pressions politiques et morales exercées sur les magistrats. Il a dénoncé les tentatives d’interférences qui visent à orienter la décision de la Cour d’appel dans un sens précis. « Il est regrettable que des politiques et des juristes de qualité cherchent encore à compromettre l’État de droit en influençant la décision de la Cour d’appel. » Il a insisté sur la nécessité de laisser les juges exercer leur fonction en toute indépendance, conformément aux principes fondamentaux de l’État de droit.

Me Blaise a également critiqué l’utilisation de notions juridiques mal adaptées pour influencer l’issue du dossier. Il a notamment évoqué la notion d’évocation, qu’il a largement développée dans sa thèse, mais qui, selon lui, ne trouve pas à s’appliquer ici puisque la Cour d’appel n’a pas été saisie du fond de l’affaire. Il a exhorté les parties prenantes à se conformer aux limites légales de leurs compétences respectives et à éviter toute interprétation excessive ou détournée du droit.

Dans son plaidoyer, Me Blaise a mis en lumière les bases juridiques qui soutiennent la défense de son client. Bien que la Constitution haïtienne ne consacre pas explicitement l’immunité présidentielle, elle reconnaît les principes de dérogation procédurale et de privilège de juridiction dans ses articles 24-1 et 186, ainsi que dans l’article 90 du Code pénal. Ces dispositions offrent un cadre légal aux dirigeants politiques pour bénéficier de garanties procédurales spécifiques. Me Blaise a comparé ces dispositions haïtiennes à celles en vigueur dans d’autres démocraties, citant notamment l’affaire Éric Dupond-Moretti en France et la renonciation aux poursuites fédérales contre Donald Trump aux États-Unis. Selon lui, ces mécanismes visent à assurer un équilibre entre la protection des droits des dirigeants et les impératifs de justice.

Concernant le traitement de l’affaire BNC, Me Blaise a salué la décision du juge Félismé Benjamin de renvoyer le dossier au Parquet pour réquisitoire définitif. Selon lui, cette décision confirme la reconnaissance du caractère suspensif de l’appel interjeté par Emmanuel Vertilaire. « Désormais, il sera impossible pour le juge d’instruction de rendre une ordonnance de renvoi contre le Président Vertilaire dans cette affaire. » Il a expliqué que, pour qu’une telle ordonnance soit juridiquement valable, le juge aurait dû émettre un mandat de comparution forcée ou un mandat d’amener, conformément à l’article 80 du Code d’instruction criminelle. En l’absence de ces démarches, toute tentative de renvoi devant le tribunal serait juridiquement infondée.

Me Blaise a également rappelé que cette affaire n’est pas la première où il intervient pour défendre des principes fondamentaux du droit pénal. En 2020, il avait déjà engagé une procédure similaire dans l’affaire opposant l’État haïtien à la Sogener, bien que cette dernière n’ait pas été tranchée par la Cour d’appel. Cette expérience, selon lui, témoigne de son engagement en faveur de l’évolution du droit en Haïti et de la nécessité de défendre des cadres procéduraux clairs et respectueux des droits des justiciables.

Me Blaise a réaffirmé son respect pour l’indépendance des juges de la Cour d’appel tout en soulignant l’importance de leur décision pour l’avenir de la gouvernance publique en Haïti. « Par respect pour les juges, je ne prétends pas influencer leur décision. Mais je suis honoré d’avoir contribué à ce débat juridique, peu importe l’issue. » Pour lui, cette affaire illustre non seulement les défis liés à la gouvernance et à la justice en Haïti, mais aussi l’urgence de renforcer les cadres juridiques pour garantir un véritable État de droit.