Le représentant d’Haïti à l’OEA dénonce une épuration ethnique en République dominicaine…

Amb. Ganduy Thomas, representant par interim d'Haiti aupres de l'OEA...

WASHINGTON, mardi 8 octobre 2024– Dans une session spéciale convoquée à la demande d’Haïti, Gandy Thomas, représentant par intérim d’Haïti auprès de l’Organisation des États Américains (OEA), a dénoncé une campagne d’épuration ethnique menée par la République dominicaine contre les migrants haïtiens et les Dominicains d’origine haïtienne. Ce discours intervient alors que les autorités dominicaines ont intensifié les déportations massives de ressortissants haïtiens, provoquant une inquiétude croissante au sein de la communauté internationale.

Dans son intervention, M. Thomas a souligné la gravité de la situation, qualifiant les déportations d’« intrinsèquement discriminatoires » et rappelant que « cibler des individus uniquement en raison de leur héritage haïtien perçu, même lorsque ces personnes bénéficient de droits de résidence légale ou de la citoyenneté dominicaine, constitue une stratégie d’épuration ethnique ». Selon lui, ces pratiques violent les principes fondamentaux du droit international et des conventions que la République dominicaine s’est engagée à respecter, notamment la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

La situation s’est aggravée début octobre 2024, lorsque les autorités dominicaines ont annoncé un plan visant à expulser 10 000 Haïtiens par semaine. « Ce chiffre est troublant », a déclaré M. Thomas, ajoutant que « plus de 7 000 personnes ont déjà été expulsées en seulement quatre jours ». Ces chiffres ont été confirmés par des organisations internationales telles qu’Amnesty International, qui a qualifié ces déportations de « triplement des taux actuels ».

Le représentant haïtien a également rappelé un sombre moment de l’histoire commune des deux nations, le massacre d’octobre 1937, où environ 37 000 Haïtiens vivant en République dominicaine furent massacrés sous les ordres du dictateur Rafael Trujillo. « Ces événements tragiques font partie d’un passé douloureux que personne ne souhaite revivre », a-t-il souligné, avant de déplorer que « les droits fondamentaux des migrants haïtiens continuent d’être violés près de 87 ans après ce massacre ».

En plus de dénoncer ces violations des droits humains, Gandy Thomas a réitéré l’attachement d’Haïti aux principes de dialogue et de paix, affirmant que son pays n’a aucun intérêt à exacerber les tensions avec la République dominicaine. « Haïti est un pays pacifique qui ne cherche querelle à aucun État, encore moins à la République dominicaine », a-t-il déclaré, ajoutant que « cette intervention, loin de viser à mettre la République dominicaine sur la sellette, s’inscrit dans une démarche profondément ancrée dans les valeurs démocratiques de dialogue et de respect mutuel ».

Toutefois, le représentant haïtien n’a pas mâché ses mots concernant l’inaction de la communauté internationale. Il a exhorté l’OEA à prendre ses responsabilités face à cette crise humanitaire, affirmant que « la communauté internationale doit reconnaître cette politique de déportation pour ce qu’elle est : une campagne discriminatoire ciblant les Haïtiens en raison de leur nationalité et de leur couleur de peau ». Il a rappelé que « de telles actions ne sont pas seulement moralement répréhensibles, mais elles violent également des principes fondamentaux du droit international ».

M. Thomas a conclu son discours en appelant les autorités dominicaines à respecter leurs engagements bilatéraux, notamment le protocole de 1999 sur les mécanismes de retour des migrants, tout en soulignant la contribution essentielle des travailleurs haïtiens à l’économie dominicaine. Il a également appelé la communauté internationale à s’engager activement pour garantir que les droits des migrants haïtiens soient protégés, tout en insistant sur la nécessité d’une solution pacifique et durable à la crise actuelle.

« Nous partageons cette île et sommes convaincus que la coexistence pacifique est possible », a-t-il déclaré, avant de conclure : « Le respect des droits humains doit transcender les frontières, et c’est en ce sens que nous engageons aujourd’hui ce dialogue avec l’espoir de trouver une solution respectueuse des droits fondamentaux de tous les individus concernés ».