PARIS, jeudi 6 juin 2024– De l’avis de Me Guerby Blaise, docteur en droit pénal, l’arrivée imminente d’un nouveau ministre de la Justice en Haïti s’annonce complexe et déterminante, à la lumière des récents développements législatifs et des sanctions internationales. Les défis auxquels il devra faire face sont nombreux, notamment l’application des nouveaux codes pénal et de procédure pénale, ainsi que l’impact des sanctions imposées par les Nations Unies.
Depuis plusieurs années, Haïti est engagée dans une réforme profonde de son système judiciaire. “Les nouveaux codes pénal et de procédure pénale entreront en vigueur automatiquement à partir du 24 juin prochain, sans qu’aucun rapport des commissions de révision n’ait été rendu public jusqu’à présent,” explique Dr. Guerby Blaise. Ces réformes législatives comprennent des modifications significatives, telles que la suppression du pouvoir de placement en détention provisoire par le juge d’instruction et la redéfinition du rôle du magistrat du parquet.
Ces changements soulèvent des questions cruciales sur l’avenir de la justice pénale en Haïti. “Comment la répression pénale sera-t-elle maintenue dans un contexte où la criminalité organisée est en hausse ? Comment le système judiciaire pourra-t-il s’adapter à ces nouvelles règles sans compromettre la sécurité publique ?” s’interroge Dr. Blaise.
La communauté internationale, notamment la France, a joué un rôle clé dans l’accompagnement de ces réformes. “Des experts français ont contribué à la relecture des textes législatifs haïtiens, mettant en évidence de nombreuses lacunes dans les versions initiales,” rappelle Dr. Blaise. En 2014, un rapport de 107 pages avait souligné ces insuffisances, indiquant que, bien que le droit pénal français ait été imité, il l’a été de manière maladroite.
Cependant, malgré cet appui international, des critiques subsistent quant à l’implémentation de ces réformes. “En juin 2022, une opposition s’était manifestée contre l’entrée en vigueur des nouveaux codes, pour des raisons techniques, afin d’éviter des conflits politiques potentiels qui pourraient desservir l’intérêt de la justice haïtienne,” mentionne Dr. Blaise.
Le prochain ministre de la Justice devra également naviguer à travers les effets directs des sanctions internationales, notamment celles imposées par les Nations Unies. “Le décret de mai 2023, sanctionnant le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent et la prolifération des armes, place le système judiciaire haïtien sous une pression supplémentaire,” explique Dr. Blaise.
Ces sanctions, combinées aux nouvelles dispositions législatives, pourraient devenir des outils potentiels de répression non seulement contre les criminels mais aussi contre des acteurs politiques et économiques. “Cela suscite des préoccupations sur une possible instrumentalisation de la justice à des fins politiques,” avertit Dr. Blaise.
Le baptême du feu du prochain ministre de la Justice haïtien sera donc déterminé par sa capacité à gérer ces multiples défis. “Il devra assurer une mise en œuvre efficace des nouveaux codes tout en naviguant les complexités des sanctions internationales et en maintenant l’ordre public économique et judiciaire,” conclut Dr. Guerby Blaise. Ce contexte délicat nécessite une approche équilibrée et déterminée pour renforcer la justice pénale en Haïti et promouvoir une véritable sécurité juridique.