PORT-AU-PRINCE, lundi 5 décembre 2022– Dans une correspondance a la ministre intérimaire de la justice, Emmelie Prophète Milcé, le réseau national de défense des droits humains (RNDDH) estime que le substitut commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Jeanty Souvenir affiche dans son fonctionnement un comportement anti-déontologique.
L’organisation reproche au substitut commissaire du gouvernement de Port-au-Prince d’avoir tenté de libérer illégalement deux inculpés dans un crime commis le 19 juin 2021 à l’Anse-a-Galets (Ouest).
Selon le RNDDH, dans la soirée du 19 au 20 juin 2021, Gabriel François, âgé de quatre-vingt-six (86) ans, a été assassiné à ‘‘Nan Café,’’ une localité de la commune d’Anse-à-Galets après que Amos Edmond et Signoly Edmond (père et fils) aient promis de l’accompagner chez lui.
Le RNDDH rapporte que les 22 et 24 juin 2021, trois (3) personnes ont été arrêtées par Me Junior Alténor, juge au Tribunal de paix de l’Anse-à-Galets. Il s’agit d’Amos Edmond, de Signoly Edmond d’une part et de Mézidor ST LOT, d’autre part.
‘‘Rapidement, écrit-il, des membres de la famille de Mézidor St Lot-dont plusieurs résident au Canada se sont arrangés pour racheter la liberté de ce dernier. Ils ont contribué en vue de transférer au juge de paix de l’Anse-à-Galets, le montant du pot-de-vin que ce dernier avait réclamé.’’
Auditionnés le 22 juin par le juge de paix de l’Anse- à -Galet Junior Altenor, Amos et Signoly Edmond ont été arrêté et remis au commissariat de la zone avant d’être transféré à Port-au-Prince.
Dans la foulée, Mézidor St-Lot, conducteur d’une motocyclette qui avait ramené Dermilia Soiro chez elle, nièce de la victime – a lui aussi été arrêté et auditionné par le juge de paix. Il a été relâché le 7 juillet 2021, précise le rapport.
Cependant, le RNDDH affirme que son enquête révèle que le magistrat Junior Alténor a ordonné la libération de Mézidor St-Lot contre pot-de-vin. L’argent réclamé par le magistrat a été transféré en Haïti par plusieurs personnes vivant à l’étranger dont Guymet St-Lot, qui vit au Canada. Il est le neveu de Mézidor St-Lot.
Le 13 août 2021, Amos Edmond et Signoly Edmond ainsi que le rapport préliminaire du magistrat de paix, ont été déférés au Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Ils ont été auditionnés par le substitut commissaire du gouvernement Jeanty Souvenir en absence de leurs avocats, rapporte le RNDDH.
Selon la correspondance du RNDDH, ces derniers avaient alors choisi de ne pas assister Amos Edmond et Signoly Edmond parce qu’ils voulaient négocier un désistement monnayé avec les avocats de la partie civile, ce qui aurait facilité la libération ultérieure de leurs clients. Amos Edmond et Signoly Edmond ont ce jour-là été écroués à la Prison civile de Port-au-Prince.
Le dossier a été confié au magistrat instructeur Merlan Belabre qui, en mars 2022, s’est dessaisi de l’affaire, son mandat étant arrivé à terme. Le magistrat Martel Jean-Claude a alors été désigné pour instruire l’affaire, signale le RNDDH.
Toutefois, le 11 novembre 2022, le substitut commissaire du gouvernement Jeanty Souvenir a ordonné l’extraction judiciaire des inculpés. Il les a entendus le même jour et a ordonné leur libération, rapporte le RNDDH.
‘‘Le RNDDH recommande au ministère de la Justice et de la sécurité publique, d’ouvrir une enquête sur le comportement du magistrat Jeanty Souvenir qui, quinze (15) mois après avoir auditionné les inculpés Amos Edmond et Signoly Edmond, s’est souvenu de leur dossier et a tenté de les libérer contre pot-de-vin’’, déclare l’organisation.
Le RNDDH rappelle qu’il est de principe que la poursuite ne peut en aucune façon se confondre avec l’instruction d’un dossier, dans l’intérêt-même des personnes poursuivies ce, pour éviter la violation de leurs garanties judiciaires.
L’organisation déclare se servir du dossier Gabriel François comme prétexte pour solliciter le déclenchement d’un processus de certification de tout le personnel affecté au Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince.
L’organisation affirme que ‘‘cette demande de certification se justifie par le fait que, depuis plusieurs années, ce parquet, transformé en un véritable marché où la Justice est vendue aux plus offrants, est décrié par les justiciables.’’
Selon le RNDDH, ‘‘la stratégie prisée par les parquetiers est d’interférer dans des dossiers pendants par-devant les cabinets d’instruction et de monnayer leurs actions. La tentative de libération des Edmond ainsi que le traitement du dossier relatif au trafic d’armes, de munitions et de franchise indexant l’Eglise Episcopale d’Haïti, peuvent être pris en exemple.’’
Le RNDDH estime que ‘‘les rares parquetiers qui n’interfèrent pas dans des dossiers en cours aux cabinets d’instruction et qui ne sont pas impliqués dans des actes de corruption tels que réception de pots-de-vin et trafic d’influence, gagneraient à sortir de ce lot de corrompus.’’
Le RNDDH rappelle que le magistrat Jeanty Souvenir a été mis en disponibilité le 23 janvier 2020, en raison de son comportement dans plusieurs dossiers.
Selon le RNDDH, il était impliqué dans un cas de coups et blessures volontaires et menaces d’assassinat sur la personne de Guibert St-Clair à la suite d’un accident de la circulation.
Le RNDDH appelle la ministre de la justice à sommer le magistrat Jeanty Souvenir de remettre les dix mille (10.000) dollars qu’il a exigés des proches des inculpés.
‘‘Ils sont des citoyens Haïtiens résidant à l’étranger qui, croyant bien faire, se sont déboursés tout en sachant qu’ils devront peiner pour combler le vide laissé par les dix-mille (10.000) dollars dont ils ont été détroussés’’, déclare le RNDDH.