NAIROBI, dimanche 10 décembre 2023– Le Kenya a été appelé au secours d’Haïti en proie à l’insécurité généralisée et la violence des gangs criminels.
Le 2 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé le déploiement d’une force multinationale en Haïti, avec le Kenya à la tête de cette intervention. Cette initiative vise à lutter contre la violence des gangs armés responsable de près de 2 800 meurtres entre octobre 2022 et juin 2023, selon un rapport des Nations unies.
Cependant, le Kenya lui-même est aux prises avec des problèmes de criminalité, notamment la traite des êtres humains, le trafic d’armes, le commerce illicite, les crimes liés à la flore et la cybercriminalité.
Le 6 décembre dernier, dans une déclaration conjointe aux bâtiments du Parlement, plus de 40 femmes députées issues de l’Alliance Kenya Kwanza et des Coalitions Azimio La Umoja ont exprimé une profonde préoccupation concernant la résurgence et la réactivation de gangs criminels dans diverses régions du pays.
Les législatrices ont identifié des groupes notoires tels que Mungiki, Chinkororo, Al Shabab, les 42 frères et Wakali Kwanza, affirmant que ces éléments criminels ont été historiquement utilisés pour réprimer les droits des femmes et des enfants.
Le rapport 2023 de l’« Africa Organized Crime Index » classe le Kenya au 9e rang sur 54 pays africains en termes de criminalité, le plaçant en tête des 9 pays d’Afrique de l’Est. Le pays est impliqué dans des flux de trafic humain en raison de sa position sur une route commune entre la Corne de l’Afrique, l’Afrique australe et de l’Est vers la péninsule arabique et l’Asie du Sud. Les trafiquants collaborent avec les forces de l’ordre pour déplacer des personnes à l’intérieur et à l’extérieur du pays, et des fonctionnaires sont présumés complices de la traite des femmes.
En ce qui concerne le commerce, le rapport souligne que le Kenya est un important centre de trafic de personnes en Afrique de l’Est, avec une évolution du rôle du pays d’une destination à un pays de transit. Les gangs criminels sont impliqués dans des extorsions et racket, contrôlant même des secteurs tels que les transports locaux, l’élimination des déchets, l’électricité et la fourniture d’eau. Les résidents urbains doivent payer une “taxe de gang” pour utiliser ces services.
Le trafic d’armes, la contrebande de marchandises, la dégradation de l’environnement liée au commerce illicite de bois et à l’exploitation d’espèces protégées sont également des problèmes significatifs. La contrebande de minéraux, la traite de drogue, en particulier d’héroïne en provenance d’Afghanistan, de cocaïne et de cannabis, sont des préoccupations majeures.
‘‘En ce qui concerne la cybercriminalité, la pandémie de COVID-19 a entraîné une augmentation des crimes cyberdépendants au Kenya’’, souligne le document.
Crimes Financiers Étendus et Corruption Rampante Menacent la Stabilité du Kenya
Les crimes financiers et la corruption sévissent au Kenya, mettant en péril la stabilité du pays. Dans le rapport de Africa Organized Crime Index, les secteurs public et privé, ainsi que la société civile, sont identifiés comme des zones propices à des actes répréhensibles tels que la fraude financière, les détournements de fonds et les abus financiers.
Corruption Endémique parmi les Élites Politiques et Économiques
Le rapport met en lumière un niveau élevé de corruption parmi les fonctionnaires gouvernementaux et les titulaires de charges exécutives, alimentant des scandales de détournements de fonds et de paiements irréguliers à des entreprises non autorisées. ‘‘Des professions respectées telles que des avocats, des pilotes et même des équipes de football sont impliquées dans des cas de détournement’’, selon le rapport.
Crimes Financiers
D’après le rapport, ‘‘les crimes financiers au Kenya prennent diverses formes, des scandales de corruption impliquant des transferts de fonds par des élites politiques et économiques à des pratiques de sous-facturation et de fixation des prix de transfert pour échapper à l’impôt sur le revenu. Les multinationales participent également à ces manœuvres d’évasion fiscale.’’
Corruption à tous les niveaux de la société
‘‘La corruption s’étend à tous les niveaux de la société, avec des liens notoires entre trafiquants de drogue et politiciens, offrant une protection à des syndicats criminels. Les forces de l’ordre, les politiciens, les banques et même les entreprises de téléphonie mobile collaborent avec des gangs pour faciliter des activités criminelles diverses’’, ajoute le rapport.
Réseaux criminels diversifiés avec des liens transnationaux
Selon le rapport, des groupes criminels, impliqués dans des activités telles que le trafic de drogue, la traite des êtres humains, le vol de bétail, l’extorsion et le blanchiment d’argent, opèrent avec des liens transnationaux. Des groupes mafieux italiens, asiatiques et ouest-africains sont identifiés comme ayant des ramifications au Kenya, tandis que des hawaladars non réglementés facilitent le blanchiment d’argent.
Gouvernance Fragile et Impunité Persistante
Les efforts du gouvernement pour lutter contre la criminalité organisée sont minés par la corruption et l’influence criminelle en politique. Les indicateurs de bonne gouvernance, tels que l’état de droit et le contrôle de la corruption, montrent des résultats médiocres. Bien que le Kenya dispose d’un cadre législatif solide, sa mise en œuvre reste limitée en raison de lacunes et d’une volonté politique insuffisante.
Défis judiciaires et sécuritaires importants
Le système judiciaire, bien que perçu comme impartial, est entravé par des retards importants, une capacité institutionnelle faible et des cas de corruption parmi les juges et magistrats. Les autorités ont du mal à appliquer la responsabilité, contribuant à l’impunité persistante, affirme le rapport. Les unités de police spécifiques pour lutter contre le crime organisé font face à des défis en matière d’investigation.
Frontière avec la somalie et menace d’Al-Shabaab
La frontière nord avec la Somalie demeure une préoccupation majeure en raison de la menace posée par Al-Shabaab. Les flux criminels illicites, combinés à la corruption parmi les fonctionnaires des douanes, rendent difficile la sécurisation de la frontière.
Défis économiques malgré la liberté économique apparente
Malgré un niveau élevé de liberté économique, la corruption entrave les activités illicites. Les réformes réglementaires visant à attirer des investissements étrangers sont compromises par des pratiques corrompues et des considérations ethniques en politique.
Engagement de la société civile et défis des médias
La société civile joue un rôle crucial dans la lutte contre le crime organisé malgré des défis financiers et les tentatives du gouvernement pour réduire son influence. Les médias font face à des obstacles, avec une couverture critique entraînant des conséquences coûteuses et des attaques physiques en période électorale.
Le rapport souligne la nécessité d’une action immédiate pour faire face à la corruption endémique et aux crimes financiers. La mise en œuvre effective des lois existantes, une volonté politique renforcée et un engagement continu de la société civile sont impératifs pour assurer la stabilité et la prospérité du Kenya.