PORT-AU-PRINCE, samedi 29 avril 2024- Le magistrat Jean Wilner Morin fait l’objet de graves menaces de mort et intimidations, a appris RHINEWS.
Les menaces se sont intensifiées ces dernières semaines depuis que le juge a été désigné pour instruire notamment les dossiers relatifs aux scandales de corruption impliquant l’ex-directeur général de l’administration générale des douanes (AGD), Romel Bell et la directrice de la caisse d’assistance sociale (CAS), Edwine Tonton, dans des affaires séparées.
L’arrestation de Edwine Tonton après son audition au cabinet d’instruction le mardi 25 avril dernier et du chef comptable de la CAS, Pierre-Richard Vales, semble avoir jeté la panique dans le camp d’individus influents du pouvoir en place qui estimeraient que l’étau se resserrerait autour d’eux pour des faits de corruption, a confié à RHINEWS, une source ayant requis l’anonymat.
Romel Bell, ex-DG de l’administration générale des douanes, est accusé d’enrichissement illicite au détriment du trésor public, selon un rapport d’enquête de l’ULCC.
La commission d’enquête recommande la mise en mouvement de l’action publique contre M. Romel BELL pour enrichissement illicite, blanchiment du produit du crime et fausse déclaration de patrimoine; contre la dame Anna Dorvil Bell comme co-auteur de blanchiment du produit du crime, et contre le Révérend Père Duckens Agustin pour complicité de blanchiment du produit du crime et entrave au bon fonctionnement de la justice.
Dans ce même rapport accablant dont RHINEWS a obtenu copie, la commission d’enquête de l’ULCC a notamment accusé le comptable en chef de la CAS Pierre Richard Vales et de Mme Tonton de détournement de fonds et d’octroi de subvention de manière frauduleuse.
La commission d’enquête a recommandé un audit sur la gestion de Edwine Tonton, en tant que comptable de deniers publics, par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA), la conduite d’un audit de conformité par l’Inspection Générale des Finances (IGF) relativement à l’octroi des subventions et/ou allocations par la CAS et sur le plan pénal la mise en mouvement de l’action publique contre Pierre Richard Vales, comptable en chef de la CAS, pour détournement de biens publics, prise illégale d’intérêts et complicité de faux et usage de faux conformément.
Selon la source, l’incarcération de Mme Tonton et de Vales aurait exacerbé la colère de ceux qui, au plus haut niveau de l’exécutif, se sentent menacés par l’action du magistrat Morin.
“Ces derniers, affirment la source, s’aviseraient à pousser le juge instructeur à abandonner non seulement le dossier, mais la magistrature. C’est pourquoi des pressions instances sont exercées sur lui, ajoute la source, soulignant que des menaces de mort ont été proférées contre Me Morin.”
La source indique que des pressions sont exercés également sur le doyen intérimaire du tribunal de première instance de Port-au-Prince, le juge Chavannes Etienne.
Il lui est reproché d’avoir distribué des dossiers sensibles relatifs aux scandales de corruption à des juges réputés indépendants dont Jean Wilner Morin, confie la source.
Selon la même source, des éléments sulfureux du pouvoir en place étroitement liés au secteur mafieux, auraient opté pour le renvoi du doyen Chavannes Etienne pour réintégrer celui qu’il a remplacé, Me Bernard Sainvil.
Après une brillante carrière dans le journalisme, Jean Wilner Morin, également avocat en incompatibilité , a intégré la magistrature par voie directe .
Le magistrat a suivi de nombreuses formations tant en Haïti qu’à l’étranger en tant que juge anti-corruption, le mandat de juge d’instruction de Jean Wilner Morin qui avait expiré en 2018, n’a été renouvelé qu’en 2022.
Il est également président de l’association nationale des magistrats haïtiens (ANAMAH).
Morin fait partie des rares juges haïtiens jouissant d’une réputation d’intégrité dont le nom n’a jamais été cité dans des cas de corruption, selon plusieurs organisations de défense des droits humains.