PORT-AU-PRINCE, lundi 22 avril 2024– Le groupe d’experts des Nations-Unies, qui enquête sur la criminalité en Haïti, présentera vendredi 26 avril 2024, son rapport intérimaire, lors d’une séance d’information ouverte du Comité des sanctions contre Haïti conformément a la résolution 2653 du Conseil de Sécurité.
Selon ce rapport soumis le 25 mars dernier au comité des sanctions, la période allant du 13 novembre 2023 au 15 février 2024 a marqué une nouvelle détérioration de la situation en Haïti. Le blocage de la transition politique, l’impact limité et peu visible du régime de sanctions jusqu’à présent, ainsi que le retard dans le déploiement de la Mission de soutien à la sécurité multinational, ont contribué à laisser libre cours aux gangs pour étendre leur territoire, créant ainsi un terrain propice à l’agitation civile.
La violence des gangs a atteint des niveaux sans précédent et s’est propagée géographiquement, avec des leaders de gangs sanctionnés qui persistent dans une violence armée intense malgré leur désignation officielle.
Dans le département de l’Ouest, les affrontements tant à l’intérieur qu’entre les gangs ont non seulement fracturé la coalition G9, mais ont également marqué l’expansion agressive de G-Pèp. Ce dernier a renforcé sa présence dans les principaux points d’entrée de la capitale, en plus de consolider des alliances avec des gangs du département de l’Artibonite.
L’expansion territoriale des gangs continue de paralyser l’économie du pays et d’autres activités, avec un contrôle accru sur les routes principales menant à la capitale, une ligne vitale pour la population et l’une des principales sources de revenus pour les gangs. Par exemple, les récents affrontements et blocages à Mariani ont eu un impact dévastateur sur toute la région sud du pays, coupant les voies d’approvisionnement et limitant davantage la liberté de mouvement.
Les gangs persistent dans leurs violations atroces des droits de l’homme, notamment des attaques indiscriminées contre la population, ainsi que des meurtres, viols, tortures et enlèvements, principalement dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite.
Depuis novembre 2023, la violence des gangs a entraîné le déplacement de 100 000 personnes supplémentaires à l’intérieur du pays, tandis que des dizaines de milliers d’autres ont fui à l’étranger. Les enfants, en particulier, souffrent de la crise à travers le déplacement, la malnutrition, le manque d’accès à l’éducation et la violence des gangs, y compris les violences sexuelles et le recrutement forcé.
‘‘Malgré ses efforts, la Police Nationale Haïtienne a du mal à reprendre et à maintenir le contrôle du territoire et à contenir l’expansion des gangs. Le nombre d’agents de police continue de diminuer, principalement en raison de démissions, mais aussi de suspensions disciplinaires et d’assassinats’’, déclarent les experts de l’ONU.
Les installations de la Police Nationale Haïtienne ont été la cible de gangs à plusieurs reprises dans les semaines précédant ce rapport. Le déploiement urgent de la Mission de soutien à la sécurité multinational est désormais indispensable.
Malgré l’imposition d’un embargo territorial sur les armes en octobre 2023 conformément à la résolution 2699 (2023) du Conseil de sécurité, les gangs et d’autres acteurs non étatiques continuent de se procurer illicitement des armes et des munitions. Le Groupe d’experts examine actuellement plusieurs violations de l’embargo sur les armes impliquant des armes légères et des munitions.
Selon le rapport, la mise en œuvre de l’embargo sur les armes a été encore entravée par un manque de connaissance de ses dispositions parmi les institutions haïtiennes chargées de les appliquer.
Durant la période de rapport, une gamme d’acteurs a été impliquée dans des manifestations et des troubles civils, notamment en exigeant la démission du Premier ministre, tandis que certains ont appelé à une révolution et ont ouvertement affiché leur soutien d’hommes armés, tels que les membres de la Brigade de surveillance des aires protégées.
Ces acteurs ont trouvé un nouvel élan à l’approche du 7 février 2024, date limite fixée par l’Accord du 21 décembre 2022 pour l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement élu. Depuis le début de 2024, de nombreuses manifestations de grande envergure ont éclaté dans différentes parties du pays; cependant, au moment de ce rapport, les niveaux de mobilisation à Port-au-Prince sont restés relativement limités.
En plus des leaders de gangs, le chaos actuel dans le pays est exploité par divers acteurs visant à accroître leur richesse et leur influence, notamment des acteurs du secteur privé, des politiciens et d’anciens fonctionnaires gouvernementaux – aucun de ces rôles n’étant mutuellement exclusifs.
Cependant, le Groupe d’experts, qui continue d’enquêter sur les flux financiers illicites contribuant à l’instabilité d’Haïti, n’a pas ajouté de nouveaux noms sur sa liste de sanctions dans le présent rapport.
La situation en Haïti demeure alarmante, exigeant une action urgente et coordonnée pour endiguer la violence des gangs, restaurer l’ordre et la stabilité, et répondre aux besoins urgents de la population en matière de sécurité et de protection des droits de l’homme.
Selon un rapport du Bureau Intégré des Nations-Unies en Haïti (BINUH), au cours du premier trimestre de l’année 2024, l’organisation a enregistré 2.505 personnes de meurtres et de blessures à la suite de violences liées aux gangs, une augmentation de plus de 53 % par rapport à la période précédente (octobre-décembre 2023), faisant des trois premiers mois de 2024 la période la plus violentedepuis au moins le début de 2022.Parallèlement, au moins 438 personnes ont été enlevées contre rançon, dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite.
Le rapport souligne que le plus grand nombre de victimes de meurtres et de blessures a continué d’être documenté dans la capitale où, dans la continuité des violences documentées à la fin de l’’année 2023, des affrontements extrêmement violents entre gangs se sont multipliés en janvier et février, motivés principalement par l’expansion territoriale.
« Cependant, à partir du 29 février, avec l’intention autoproclamée d’expulser le gouvernement en place, la plupart des gangs ont changé de tactique et coordonné des attaques d’envergure contre des institutions publiques et les infrastructures stratégiques. Plus de 4.600 détenus se sont évadés des deux principales prisons de la capitale, au moins 22 commissariats et sous-commissariats et bâtiments de police ont été saccagés ou incendiés, et 19 officiers de police ont été tués ou blessés », précise le document du BINUH.