PORT-AU-PRINCE, samedi 8 février 2025 –Le gouvernement haïtien a annoncé une série de mesures pour reprendre le contrôle de la situation sécuritaire après le massacre de Kenscoff, survenu dans la nuit du 26 au 27 janvier 2025. Face à une violence grandissante exercée par des groupes terroristes dont Viv Ansanm, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a affirmé sa détermination à mobiliser l’ensemble des ressources disponibles afin de lutter contre l’insécurité « sans condition et sans compromis ».
Le massacre de Kenscoff, perpétré par l’organisation criminelle Viv Ansanm, a fait l’objet de rapports détaillés émanant de la Fondasyon Je Klere (FJKL) et du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). D’après ces investigations, l’attaque, dirigée par Frantzy Valmé, alias Didi – un évadé de prison –, a été planifiée sur plusieurs semaines, avec des messages annonçant une offensive imminente sur les réseaux sociaux et une présence accrue d’hommes armés relevée par les habitants. Malgré l’instauration d’un couvre-feu par la mairie de Kenscoff dès le 25 janvier et l’envoi d’un message officiel le 23 janvier pour demander une intervention préventive, le commissaire Charles Jean Robert aurait minimisé la menace, affirmant que « Kenscoff est sous contrôle. Il est safe », laissant ainsi la voie libre aux assaillants.
Les criminels, arrivant de plusieurs directions – certains traversant la montagne de Carrefour depuis Berly, d’autres empruntant des routes secondaires depuis Clémenceau et Belot –, ont utilisé des drones pour repérer les points stratégiques et infiltré la commune plusieurs jours à l’avance. Aux alentours de trois heures du matin, ils ont pénétré de force dans des habitations, contraignant les occupants à sortir avant de les exécuter ou de les brûler vifs. Des témoignages décrivent une violence extrême : « Ils ont tiré sur tout ce qui bougeait. Les cris des enfants et des femmes n’ont rien changé. Ils brûlaient les maisons sans même vérifier s’il y avait encore des gens à l’intérieur. » Parmi les victimes, le bilan varie selon les sources, certaines évoquant une quarantaine de morts tandis que d’autres recensent plus de 150 victimes. Des familles entières ont été décimées, comme à Kafou Bèt, où Cerilis Paul et ses six enfants ont péri, et à Kikwa, où plusieurs personnes, dont Mme Jeannot Innocent et le pasteur Philius Leris, ont été tuées.
Les dégâts matériels sont considérables, avec plus d’une centaine de maisons incendiées et des infrastructures essentielles réduites en ruines, laissant des centaines de personnes sans abri. La violence s’est étendue à plusieurs localités, notamment Kafou Bèt, Kikwa, Gode, Belot, Bongard, Lahate Bongard, Ti Plas, Previtè, Nan Pitimi, Sous Rozo, Bwa Majò et Grande Source. Le RNDDH précise que, dans certains quartiers, des échanges de tirs ont permis d’abattre une vingtaine de bandits, bien que la présence des criminels reste dominante dans plusieurs zones où ils ont bloqué l’accès en détruisant routes et infrastructures naturelles.
L’intervention des forces de l’ordre n’a débuté qu’en matinée du 27 janvier, lorsque des unités spécialisées de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et des membres de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS), dirigées par le Directeur Général Rameau Normil, sont arrivées à Kenscoff à bord de chars blindés. Toutefois, cette riposte, bien que parvenant à repousser partiellement les assaillants, n’a permis aucune arrestation significative et n’a pas suffi à restaurer l’ordre dans les secteurs les plus touchés.
Dans le cadre des efforts visant à renforcer la capacité des forces nationales, de nouveaux policiers étrangers ont été déployés en Haïti dans le cadre de la mission approuvée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Kenya, par exemple, a envoyé 144 policiers supplémentaires pour soutenir la PNH. Néanmoins, l’efficacité de cette force multinationale demeure incertaine, tandis que les critiques se multiplient face à l’inaction persistante des autorités, notamment du Conseil Présidentiel de Transition, accusé par la FJKL de cynisme et de négligence.
Les rapports indiquent également que l’attaque de Kenscoff s’inscrit dans une stratégie plus large des gangs, qui, après leur échec à Pétion-Ville le 2 décembre 2024, cherchent désormais à encercler la capitale en s’emparant des hauteurs de Kenscoff, Thomassin et Laboule. Cette logique de contrôle territorial, facilitée par des infrastructures délibérément obstruées par les criminels, représente une menace directe pour la sécurité des populations rurales et urbaines.