« Le discours de M. Edgard Leblanc, un moment raté », selon Sonet Saint-Louis…

Edgard Leblanc Fils, president du Conseil Presidentiel de Transition (CPT) a l'ONU....

PORT-AU-PRINCE, samedi 28 septembre 2024- Dans une analyse critique du discours d’Edgard Leblanc à l’ONU, Me Sonet Saint-Louis, membre du RDNP, estime que : « Le discours de M. Edgard Leblanc, un moment raté. » Selon lui, la prise de parole de Leblanc manquait non seulement de profondeur sur les questions fondamentales auxquelles Haïti est confrontée, mais aussi d’une reconnaissance de la légitimité historique de Jean-Bertrand Aristide, dont la demande de restitution à la France reste un point pivot dans la lutte pour la justice historique.

Me Saint-Louis déclare : « En ne mentionnant pas Aristide et sa demande de restitution, Edgard Leblanc a commis une fraude académique très grave. Pas d’excuse ! S’ériger en fraudeur académique pour s’accaparer de la gloire de l’autre, c’est une maladresse, un manque d’estime de soi. La parole, le discours de quelqu’un en méthodologie de la recherche, c’est lui-même, son identité. On ne doit pas se confondre à l’autre. » Selon lui, Edgard Leblanc aurait dû dire clairement : « Je réitère la demande de Jean-Bertrand Aristide produite en 2004… », ce qui aurait été un geste d’honnêteté intellectuelle.

Revenant sur les décennies de conflits internes en Haïti, Sonet Saint-Louis critique sévèrement les élites haïtiennes, les accusant de précipiter le pays dans une instabilité politique sans fin. « En 30 ans seulement, notre pays a connu trois interventions militaires étrangères à cause des conflits au sein des élites. Nous sommes trop pressés ! Par notre appétit pour le pouvoir transitionnel, nous renversons tous les gouvernements élus pour les remplacer par des pouvoirs hors norme. » Il mentionne le cas de Jovenel Moïse, un président élu, dont la légitimité a été constamment contestée, et souligne que cette dynamique a empêché tout développement politique stable.

Il évoque aussi François Duvalier, qui, selon lui, est souvent mal jugé dans les récits historiques. « François Duvalier était arrivé au pouvoir par la voie des urnes. Il croyait dans la démocratie libérale. Les communistes qui voulaient imposer par les armes le régime du prolétariat, c’est eux qui se sont proclamés démocrates. Une drôle manière de voir les choses ici. »

Pour Me Sonet Saint-Louis, les discours comme celui d’Edgard Leblanc sont symptomatiques d’un manque de pragmatisme face aux réalités internationales. Il critique Leblanc pour avoir échoué à comprendre les relations internationales dans le contexte géopolitique actuel : « Nous sommes dans le lit des impérialistes, et on croit pouvoir les dénoncer avec une telle facilité. En relations internationales, il faut être intelligent, surtout lorsqu’on est en face des puissances impériales et impérialistes, pour ne pas être toujours et nécessairement la victime. »

L’avocat regrette également l’état de dépendance d’Haïti face à la communauté internationale, tant en matière de sécurité que pour la tenue d’élections. « Pour rétablir la sécurité publique, on fait appel aux armées internationales, alors que la nôtre, on l’avait abolie par erreur. Mais l’armée d’Haïti elle-même avait travaillé à sa perte. Elle n’était pas pour sanctionner les gouvernements démocratiquement élus. »

Me Sonet Saint-Louis met aussi en avant le paradoxe de la fierté affichée par certains dirigeants haïtiens, qu’il qualifie de « fierté dans l’indignité », soulignant que cette fierté doit être constante en paroles et en actes. Pour lui, toute bataille idéologique est vaine dans le contexte actuel. « Haïti n’a pas les reins solides pour caresser de telles utopies. Le monde est cruel, méchant et impitoyable. Ce n’est pas le sujet le plus juste qui triomphe sur la scène internationale, mais celui imposé par le plus fort, le plus puissant. »

En se concentrant sur la demande de restitution d’Aristide, Me Saint-Louis fait un rappel historique en expliquant que cette requête a été l’une des causes du renversement inconstitutionnel d’Aristide en 2004. Il souligne que cette demande, bien qu’elle ait provoqué la colère des puissances impérialistes, reste une dette légitime qui engage la responsabilité de la France. « La demande de restitution produite par le Président Jean-Bertrand Aristide est toujours actuelle. Ce n’est pas une dette morale. C’est une dette financière qui engage la responsabilité de la France. Cette question trouvera une réponse tôt ou tard. Elle a été posée par Jean-Bertrand, pourquoi c’est maintenant qu’elle trouve une résonance dans les secteurs anciennement opposés à Aristide ? Soyons honnêtes ! »

Critiquant encore Leblanc pour avoir ignoré cet aspect central de l’histoire récente d’Haïti, Sonet Saint-Louis déclare : « Edgard Leblanc aurait dû rappeler les difficultés actuelles qui sont les conséquences de la mauvaise gouvernance du pays par ses élites dirigeantes et des choix politiques et économiques imposés par la communauté internationale. » Selon lui, l’allocution de Leblanc aurait pu marquer un tournant, mais au lieu de cela, elle s’est limitée à un discours bien rédigé mais mal orienté, qui n’a pas su aborder les véritables enjeux du pays.

Pour Sonet Saint-Louis, Haïti se trouve à un point critique, où seule une approche réaliste et pragmatique, tant sur le plan interne qu’international, peut éviter la perte définitive du pays. « L’heure est à la réflexion froide et mûrie pour sortir Haïti de cette catastrophe », affirme-t-il, tout en insistant sur le fait que le futur de la nation doit s’appuyer sur des principes d’intégrité, de compétence et de patriotisme.

En conclusion, Sonet Saint-Louis souligne que le discours d’Edgard Leblanc, bien qu’il ait été bien récité, manque de profondeur et de vision. « Aristide a gagné en légitimité. Le temps lui a donné raison pour avoir mis son destin dans la balance de l’histoire. Ce sont des épaulettes qu’il a gagnées sur le terrain des impérialismes. » Edgard Leblanc, conclut-il, a manqué une opportunité cruciale de faire avancer l’agenda national avec plus de clarté et de responsabilité.