Le Conseil de sécurité exhorte à un soutien accru à Haïti face à une crise multidimensionnelle…

Les membres du Conseil de Securite de l'ONU en reunion...

NEW-YORK, mercredi 22 janvier 2025Lors d’une session spéciale du Conseil de sécurité de l’ONU, María Isabel Salvador, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a livré un exposé détaillé sur la situation dans le pays, insistant sur l’urgence d’un soutien international renforcé. Dans un contexte où les avancées politiques peinent à compenser les défis sécuritaires et humanitaires, elle a mis en lumière les complexités de la transition en cours et la gravité des obstacles auxquels Haïti est confrontée.

Mme Salvador a ouvert son discours en évoquant les progrès politiques récents, bien que fragiles. Elle a rappelé que la nomination d’Alix Didier Fils-Aimé au poste de Premier ministre, le 11 novembre dernier, a permis de relancer certains aspects de la gouvernance et d’améliorer la collaboration entre le gouvernement et le Conseil présidentiel de transition. Ce dernier, chargé de superviser la transition vers un régime démocratique, reste toutefois confronté à une fragmentation interne croissante et à des critiques persistantes. Des allégations graves de corruption visant trois de ses membres ont intensifié les tensions, nuisant à la confiance de la population et des partenaires internationaux dans le processus.

photo: ONU: Maria Isabel Salvador, Cheffe du BINUH…

La Représentante spéciale a également salué la nomination des derniers membres du Conseil électoral provisoire, portant à quatre le nombre de femmes parmi les neuf membres. Elle a qualifié cet accomplissement de « pas significatif vers une inclusion accrue des femmes dans le processus électoral », tout en soulignant l’importance de renforcer la représentativité et la transparence dans les prochaines étapes du processus démocratique. La Conférence nationale sur la réforme constitutionnelle a également poursuivi ses travaux, intégrant des consultations avec divers secteurs de la société haïtienne. Ces efforts, selon Mme Salvador, visent à garantir une réforme inclusive et participative, malgré les défis logistiques et politiques qui en limitent la portée.

Dans son exposé, Mme Salvador a particulièrement insisté sur l’impact dévastateur de l’insécurité généralisée dans le pays. Elle a décrit avec précision la montée en puissance des gangs armés, qui contrôlent désormais environ 85 % de la capitale Port-au-Prince. Ces groupes, soutenus par des réseaux complexes impliquant le trafic d’armes, le narcotrafic et le blanchiment d’argent, opèrent souvent en collaboration avec certaines élites politiques et économiques. Les attaques coordonnées des gangs en novembre dernier, notamment contre l’aéroport international de Port-au-Prince, ont entraîné la fermeture de cette infrastructure stratégique, privant la capitale de liens vitaux avec le reste du pays et du monde. « La fermeture de l’aéroport a non seulement isolé Port-au-Prince, mais a également aggravé la crise humanitaire », a-t-elle déclaré. Elle a ajouté que ces actes de violence délibérés visent à affaiblir les institutions étatiques et à étendre l’emprise des gangs sur le pays.

Mme Salvador a cité des exemples spécifiques pour illustrer l’ampleur de la violence. En décembre, 207 personnes ont été massacrées à Wharf Jérémie, un quartier de Port-au-Prince, principalement parmi les personnes âgées. Ce massacre s’ajoute aux 114 morts survenus en octobre dans le département de l’Artibonite lors de représailles entre gangs et groupes d’autodéfense. « Ces attaques brutales ne se limitent pas aux civils, elles ciblent également des institutions clés, comme l’Hôpital de l’Université d’État, attaqué le 24 décembre à la veille de sa réouverture », a-t-elle précisé. Ces violences ont déplacé plus de 41 000 personnes en seulement quelques mois, exacerbant une crise humanitaire déjà alarmante.

Dans ce contexte, la Représentante spéciale a salué le déploiement, le 18 janvier dernier, de 217 policiers kényans en soutien aux forces locales et internationales déjà présentes. Ce renfort, qui s’ajoute aux contingents du Guatemala, d’El Salvador, de la Jamaïque et des Bahamas, porte à 781 le nombre total de membres de la Mission de soutien à la sécurité multinationale (MSS) en Haïti. Mme Salvador a également mis en avant la récente graduation de 739 recrues de la Police nationale haïtienne (PNH), dont 213 femmes, comme un signe d’espoir et de résilience dans un contexte extrêmement difficile. Cependant, elle a averti que les défis pour la PNH restent immenses, citant le manque de ressources, les taux d’attrition élevés et une formation inadéquate.

Elle a également souligné les efforts croissants de coordination entre la PNH, les Forces armées d’Haïti et la MSS, qui ont permis une meilleure planification des opérations anti-gangs. Elle a qualifié la nomination récente d’un Secrétaire d’État à la sécurité publique de « signal positif », témoignant d’une volonté renouvelée de s’attaquer aux problèmes structurels du secteur de la sécurité. « Bien que ces mesures soient encourageantes, elles nécessitent un soutien international accru pour garantir leur succès à long terme », a-t-elle déclaré, appelant les États membres à intensifier leur aide.

Sur le front humanitaire, Mme Salvador a exprimé sa profonde préoccupation face à une crise qui atteint des niveaux sans précédent. Elle a révélé que plus de six millions de personnes, soit près de la moitié de la population haïtienne, ont besoin d’une assistance humanitaire. Parmi elles, un million de personnes sont déplacées internes, dont plus de la moitié sont des enfants. L’insécurité alimentaire touche 48 % de la population, avec près de deux millions de personnes en conditions d’urgence et 6 000 en situation catastrophique. « Ces chiffres montrent une crise humanitaire qui dépasse les capacités locales et exige une réponse internationale coordonnée et substantielle », a-t-elle insisté.

Le Plan de réponse humanitaire 2025 pour Haïti, qui nécessite 908 millions de dollars, est crucial pour répondre aux besoins urgents et soutenir les efforts de reconstruction. Mme Salvador a exhorté les donateurs à contribuer généreusement, tout en réaffirmant l’engagement du BINUH à poursuivre son soutien stratégique pour aider Haïti à relever ces défis complexes.

Elle a rappelé que la stabilisation d’Haïti nécessite des progrès simultanés sur les fronts politique, sécuritaire et humanitaire. « Une solution durable en Haïti ne peut être atteinte sans une solidarité internationale constante et un soutien accru des Nations Unies et de ses partenaires », a-t-elle déclaré. Malgré les immenses défis, elle a exprimé sa foi dans la résilience du peuple haïtien et dans la possibilité de bâtir un avenir plus stable et prospère pour le pays.