PORT-AU-PRINCE, lundi 20 janvier 2025–Le Conseil de sécurité des Nations Unies se réunira le 23 janvier 2025 pour sa session trimestrielle sur la situation en Haïti. María Isabel Salvador, Représentante spéciale et chef du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), présentera un bilan des développements récents en matière politique, sécuritaire et humanitaire, accompagné du dernier rapport du Secrétaire général sur le BINUH.
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti s’enfonce dans une crise complexe marquée par une impasse politique, une violence extrême et des conditions humanitaires alarmantes. À Port-au-Prince, les gangs contrôlent environ 85 % du territoire, utilisant des tactiques brutales telles que les enlèvements, les violences sexuelles et les meurtres pour asservir la population. En 2024, cette instabilité a culminé avec des massacres et des attaques qui ont tué 5 600 personnes, selon le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk. Parmi les événements les plus meurtriers figurent l’attaque de Pont-Sondé en octobre, qui a fait 115 morts, et le massacre de Cité Soleil en décembre, où au moins 180 personnes ont été tuées.
En plus des décès, l’année 2024 a été marquée par une montée des enlèvements, des viols systématiques et des déplacements massifs. À la fin de l’année, plus d’un million d’Haïtiens étaient déplacés à l’intérieur du pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Entre novembre et décembre, 40 000 personnes supplémentaires ont été déplacées en raison de nouvelles vagues de violence. Par ailleurs, près de 4,9 millions de personnes, soit près de la moitié de la population haïtienne, sont en insécurité alimentaire aiguë, classant Haïti parmi les “points chauds de famine” selon les Nations Unies.
Face à cette situation désastreuse, la communauté internationale tente de stabiliser le pays. En février 2024, la CARICOM a orchestré un accord politique visant à établir une transition pour rétablir la sécurité et la gouvernance démocratique. Un Conseil présidentiel de transition (CPT) a été formé en avril 2024, avec pour mission de nommer un Premier ministre intérimaire, de constituer un conseil électoral provisoire, et de collaborer avec la mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) autorisée par la résolution 2699 du Conseil de sécurité. Cependant, des désaccords internes et des scandales de corruption ont entravé les progrès du CPT, ralentissant notamment la mise en place d’un conseil électoral, essentiel pour organiser les élections prévues d’ici février 2026.
Sur le terrain, la mission MSS, dirigée par le Kenya, reste confrontée à des défis majeurs. À ce jour, seuls 400 agents de sécurité sur les 2 500 prévus ont été déployés, limitant son efficacité face aux gangs armés. Malgré le renouvellement de son mandat par la résolution 2751 adoptée en septembre 2024, des ressources financières et humaines insuffisantes freinent sa capacité à sécuriser le pays. Une résolution supplémentaire introduite par l’Équateur et les États-Unis propose de transformer la MSS en une opération de maintien de la paix des Nations Unies pour garantir un financement plus prévisible.
Le Conseil de sécurité reste préoccupé par la lenteur des progrès sur la feuille de route politique d’Haïti. Dans une déclaration du 23 décembre 2024, ses membres ont condamné fermement la violence persistante et exhorté les autorités haïtiennes à accélérer la transition. Ils ont également demandé au Secrétaire général de formuler des recommandations stratégiques sur les options d’appui des Nations Unies à Haïti, en intégrant les leçons des missions précédentes.
La crise humanitaire se double d’une crise des droits humains. Un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies en septembre 2024 documente des violences s’étendant bien au-delà de la capitale, avec des violations généralisées telles que des meurtres, des actes de torture et l’exploitation des enfants. Le Haut-Commissaire Türk a appelé à des mesures concrètes pour renforcer la Police nationale haïtienne et soutenir la mission MSS afin de protéger la population et rétablir l’État de droit.
Alors que le Conseil de sécurité se prépare à délibérer sur l’avenir du soutien des Nations Unies à Haïti, les attentes sont élevées pour des actions décisives. L’objectif reste de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections libres et transparentes, tout en adressant les causes profondes de l’instabilité qui ravage le pays depuis des années.