“Le Conseil de Sécurité de l’ONU se réunit pour discuter de la crise politique et sécuritaire en Haïti, avec un bilan alarmant de 5 600 morts en 2024 et des défis persistants pour la transition démocratique”…

Salle de reunion du Conseil de Securite de l'ONU...

NEW-YORK, mardi 21 janvier 2025- Le Conseil de Sécurité de l’ONU face à la crise haïtienne : bilan d’une année marquée par 5 600 morts, des tensions politiques et une insécurité paralysante

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies se réunit  ce mercredi à New-York pour examiner la situation en Haïti, un pays plongé dans une crise multidimensionnelle où s’entrelacent instabilité politique, violence endémique et catastrophe humanitaire. Ce briefing, dirigé par María Isabel Salvador, Représentante spéciale et cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), et Ghada Fathi Waly, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), mettra en lumière les défis auxquels le pays est confronté et explorera les solutions possibles.

Le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies, daté du 13 janvier 2025, offre un tableau sombre de la situation actuelle en Haïti. Sur le plan politique, le pays continue de lutter pour mettre en œuvre l’accord de transition du 11 mars 2024, négocié par la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Cet accord visait à instaurer une gouvernance transitoire capable de stabiliser le pays, de rétablir la sécurité et de préparer des élections devant aboutir à l’inauguration d’un nouveau président d’ici février 2026. Cependant, de profondes divisions internes au sein du Conseil présidentiel transitoire (CPT) et les conflits avec l’ancien Premier ministre Garry Conille, nommé en mai 2024 et destitué en novembre, ont paralysé les progrès.

Selon le rapport, cette destitution, suivie de la nomination d’Alix Didier Fils-Aimé, a entraîné une crise au sein du CPT. Quatre membres du conseil ont accusé Leslie Voltaire, président en exercice et représentant du parti Fanmi Lavalas, de décisions unilatérales et partisanes. Ces tensions ont atteint un point critique avec une lettre adressée à la CARICOM le 12 décembre 2024, dans laquelle les signataires demandent une nouvelle consultation pour mettre en place une gouvernance plus inclusive. Ces luttes internes sapent la capacité du CPT à mener les réformes essentielles prévues par l’accord de mars 2024.

Malgré ces conflits, un progrès significatif a été réalisé avec la formation complète du Conseil électoral provisoire (CEP) le 4 décembre 2024, après des mois de blocages liés à des désaccords entre des organisations de la société civile représentant les droits humains et les droits des femmes. Ce développement est essentiel pour organiser les élections générales, mais beaucoup reste à faire, notamment la révision constitutionnelle, qui stagne.

En parallèle des crises politiques, le pays fait face à une insécurité sans précédent. Les gangs, qui contrôlent une grande partie du territoire, poursuivent leurs attaques contre les institutions publiques et les infrastructures vitales. Entre septembre et novembre 2024, 1 881 homicides ont été enregistrés par le BINUH, et sur l’ensemble de l’année, l’ONU estime que plus de 5 600 personnes ont été tuées, soit une augmentation de 1 000 décès par rapport à 2023. Ces chiffres, qui incluent les violences perpétrées lors de massacres tels que celui de Pont-Sondé en octobre (115 morts) et celui de Cité Soleil en décembre (207 morts), illustrent une escalade alarmante.

Le rapport du Secrétaire général met également en évidence d’autres formes de violences : des agressions sexuelles généralisées, le recrutement forcé d’enfants par des gangs, et une hausse des exécutions extrajudiciaires par des groupes d’autodéfense, qui cherchent à répondre à la violence des gangs mais ajoutent au chaos général. L’impact humanitaire est désastreux, avec des milliers de déplacés internes et un accès réduit aux services essentiels, y compris la santé et l’éducation.

Dans ce contexte, la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS), créée par la résolution 2699 en octobre 2023 sous la direction du Kenya, a pour mission d’aider les autorités haïtiennes à rétablir l’ordre. Cependant, cette mission est confrontée à des défis majeurs. À ce jour, seuls 800 agents, principalement issus du Kenya, des Bahamas, du Belize, d’El Salvador, du Guatemala et de la Jamaïque, ont été déployés, bien en deçà des 2 500 agents prévus. Le fonds fiduciaire de l’ONU pour cette mission n’a reçu que 101,1 millions de dollars en promesses, un montant insuffisant pour répondre aux besoins opérationnels.

Les difficultés de la MSS ont poussé certains membres du Conseil à envisager une transformation de la mission en une opération de maintien de la paix de l’ONU. Cette proposition, portée par les États-Unis et l’Équateur, s’est heurtée à l’opposition de la Chine et de la Russie, qui ont rappelé l’échec de précédentes missions en Haïti et jugé que les conditions actuelles ne sont pas propices à une telle opération. En attendant, le Conseil a demandé au Secrétaire général de présenter des recommandations en février 2025 sur les options possibles pour renforcer le soutien de l’ONU à Haïti.

Dans le cadre de la réunion de demain, Ghada Fathi Waly présentera un rapport détaillé de l’ONUDC sur les flux d’armes, de drogue et d’argent illicites, ainsi que sur la corruption en Haïti. Ce rapport souligne le rôle de certains acteurs politiques et économiques locaux dans le maintien des réseaux criminels, tout en explorant les nouvelles dynamiques du trafic de drogue et les activités illicites liées à la contrebande de migrants et au commerce d’anguilles.

Les membres du Conseil devraient réitérer leur appel aux autorités haïtiennes à accélérer la transition politique et à respecter l’échéance de février 2026 pour les élections. Cependant, selon le rapport du Secrétaire général, cet objectif reste « en péril » en raison des divisions internes et du manque de soutien international. Ils insisteront également sur la nécessité pour la communauté internationale d’intensifier son soutien financier et logistique à la MSS, dont le succès est crucial pour rétablir un minimum de stabilité dans le pays.

Alors que le Conseil de Sécurité se penche sur ces questions, l’avenir d’Haïti reste incertain. La complexité de la situation, combinée à l’inaction de certains acteurs internationaux, laisse planer le doute sur la capacité du pays à sortir de cette spirale de crise.