NEW-YORK, lundi 21 octobre 2024– Ce mardi 22 octobre 2024, le Conseil de sécurité des Nations Unies tiendra une séance de “briefing” ouverte suivie de consultations à huis clos sur la situation en Haïti. María Isabel Salvador, représentante spéciale et chef du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), ainsi que Ghada Fathi Waly, directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Catherine Russell, directrice exécutive de l’UNICEF, et un représentant de la société civile, sont attendus pour exposer les derniers développements dans le pays.
María Isabel Salvador devrait faire le point sur la situation politique en Haïti, en se basant notamment sur le rapport du Secrétaire général de l’ONU, diffusé le 15 octobre aux membres du Conseil. Ce rapport met en lumière les efforts des autorités haïtiennes pour mettre en œuvre un gouvernement de transition afin d’organiser des élections présidentielles et d’installer un nouveau chef d’État d’ici février 2026, conformément à l’accord politique du 11 mars facilité par la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Le 18 septembre, le Conseil présidentiel de transition (CPT) a annoncé la nomination de sept des neuf membres du conseil électoral provisoire (CEP), les deux sièges restants étant destinés aux groupes de défense des droits de l’homme et des femmes, qui n’ont pas encore désigné leurs candidats.
Cependant, le CPT est entaché par des allégations de corruption visant trois de ses membres. Ces derniers auraient tenté de solliciter des pots-de-vin auprès du président de la Banque Nationale de Crédit d’Haïti en échange de son maintien en fonction. Le 2 octobre, l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) a demandé à la justice haïtienne de lancer des poursuites pénales contre les trois membres, dont l’un devait bientôt assumer la présidence tournante du CPT. Malgré cette demande, une résolution signée par huit des neuf membres du conseil, bien que les excluant de la présidence, les a autorisés à rester au sein du CPT, ce qui a suscité une controverse. Edgard Leblanc Fils, alors président, a refusé de signer la résolution, affirmant que leur maintien pourrait miner la légitimité du conseil et prolonger la période de transition.
Sur le plan sécuritaire, le rapport du Secrétaire général révèle une recrudescence de la violence des gangs à Port-au-Prince, où des quartiers stratégiques sont devenus des cibles privilégiées pour renforcer leur contrôle sur la ville. Le gang “Gran Grif”, responsable d’une attaque meurtrière le 3 octobre à Pont-Sondé dans le département de l’Artibonite, a tué au moins 100 civils. De juin à août, BINUH a enregistré 1 441 meurtres, en augmentation par rapport aux 1 033 durant la même période l’an passé.
Les forces de l’ordre, appuyées par la Mission de soutien à la sécurité (MSS) dirigée par le Kenya, ont entrepris des opérations de grande envergure dans plusieurs quartiers de la capitale. Bien que ces opérations aient libéré certaines zones des gangs, les forces de sécurité peinent à maintenir un contrôle durable en raison de ressources humaines et financières insuffisantes. Le rapport appelle la communauté internationale à renforcer son soutien financier pour permettre à la MSS d’atteindre sa pleine capacité opérationnelle, alors qu’actuellement seuls 400 policiers sur les 2 500 prévus sont déployés.
Ghada Fathi Waly devrait informer le Conseil sur les récentes évolutions du trafic d’armes et des flux financiers illicites en Haïti. Le dernier rapport de l’ONUDC, diffusé le 16 octobre, met en évidence une augmentation des saisies d’armes et de drogues, conséquence probable de l’intensification des opérations policières. Ce rapport souligne également l’impact régional des réseaux criminels haïtiens sur le trafic de migrants et de drogues.
Catherine Russell, qui s’exprimera au nom de l’UNICEF, abordera la situation humanitaire préoccupante en Haïti. Selon des estimations, 48 % de la population haïtienne fait face à une insécurité alimentaire aiguë. Le nombre de personnes déplacées internes a augmenté de 22 % entre juin et septembre 2024, passant de 578 000 à plus de 700 000, dont la moitié sont des enfants.
Le représentant de la société civile mettra en lumière la situation des droits humains en Haïti. Les abus, incluant des mutilations, viols, et exécutions publiques, demeurent répandus, notamment dans les communes de Ganthier et Gressier. Le rapport du Secrétaire général qualifie la situation des enfants de “particulièrement préoccupante”, citant des cas de violences sexuelles, de recrutement forcé par des gangs, et d’attaques contre des écoles.
Lors de cette séance, les membres du Conseil de sécurité devraient renouveler leur appel aux autorités haïtiennes pour accélérer la transition politique et organiser des élections. Ils devraient également exprimer leur inquiétude face à la dégradation continue de la sécurité et insister sur la nécessité de renforcer la transparence et l’intégrité au sein du CPT.