NEW-YORK, lundi 11 novembre 2024– Le Conseil de sécurité de l’ONU doit examiner à nouveau cette semaine une résolution proposée par l’Équateur et les États-Unis, visant à transformer la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) en Haïti en une mission de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU. Cette initiative, impulsée par les États-Unis, permettrait à l’ONU de gérer le financement et les équipements nécessaires pour sécuriser Haïti, en allégerant la charge des États-Unis. Cependant, ce projet se heurte à une vive opposition, notamment de la part de la Russie, de la Chine, du Secrétaire général Antonio Guterres et de la population haïtienne, qui demeure méfiante envers une telle opération.
Dans une lettre adressée à António Guterres, Leslie Voltaire, président par intérim du Conseil de Transition haïtien, a sollicité formellement la transformation de la MMSS en une mission de maintien de la paix sous l’autorité des Casques bleus. Cette lettre, rédigée en termes de gratitude et d’urgence, met en lumière les attentes d’Haïti envers la communauté internationale. Voltaire a remercié Guterres pour son soutien constant à travers le rapport de situation et pour son intervention lors de la réunion du Conseil de sécurité le 30 septembre 2024, qui a prolongé le mandat de la MMSS. Il salue également le rôle du président kényan, William Ruto, et des États contributeurs, dont les contingents soutiennent depuis juin la Police nationale haïtienne dans sa lutte contre la violence des gangs.
Cependant, Leslie Voltaire a souligné dans sa lettre que malgré les efforts conjoints, des défis colossaux subsistent, empêchant la population haïtienne de reprendre une vie normale. Voltaire a mentionné également l’intervention de son collègue Edgard Leblanc Fils, conseiller présidentiel, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies le 26 septembre, qui avait déjà insisté sur la nécessité d’une mission de maintien de la paix de l’ONU. Voltaire a insisté sur l’urgence d’une telle transformation pour apporter des ressources et un mandat plus adapté à la situation alarmante en Haïti.
Edgard Leblanc Fils avait déjà soutenu publiquement cette demande lors de son discours à l’Assemblée générale, indiquant que seul un statut de mission de maintien de la paix permettrait de mobiliser suffisamment de ressources pour affronter la violence des gangs. Cette déclaration, faite en septembre, constituait la première position officielle d’un dirigeant haïtien en faveur d’une mission de maintien de la paix. Leblanc Fils a exprimé son optimisme quant au potentiel d’une telle transformation, tout en appelant à ne pas répéter les erreurs passées.
En effet, les précédentes interventions de l’ONU en Haïti, notamment celles sous la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), ont laissé un héritage douloureux. La MINUSTAH, présente de 2004 à 2017, est tristement associée à l’introduction du choléra, qui a causé la mort de milliers d’Haïtiens, ainsi qu’à de nombreux cas d’abus sexuels commis par les forces de maintien de la paix. Ces événements ont suscité une profonde méfiance dans la population, rendant complexe l’acceptation d’une nouvelle mission onusienne sur le territoire.
L’actuelle mission, dirigée par le Kenya, inclut près de 400 policiers kenyans ainsi qu’une vingtaine de policiers et soldats de la Jamaïque. Cependant, ce nombre reste très inférieur aux 2 500 agents de sécurité initialement promis par d’autres pays tels que le Tchad, le Bénin, le Bangladesh et la Barbade. La mission actuelle, dont le mandat doit expirer prochainement, est jugée insuffisante pour contrôler efficacement la situation sécuritaire. Face à cette réalité, Leblanc a plaidé pour l’évolution de la mission kenyane vers une mission onusienne de maintien de la paix, pour garantir un soutien international plus conséquent.
Toutefois, certains membres influents du Conseil de sécurité, comme la Russie et la Chine, qui avaient soutenu la MMSS à sa création, émettent désormais des réserves quant à son évolution en mission de paix. Selon les experts, il semble peu probable que le Conseil approuve cette demande, en raison des controverses qui entachent le bilan des interventions précédentes.
La situation en Haïti demeure critique, exacerbée par la violence des gangs qui contrôlent environ 80 % de Port-au-Prince et paralysent la vie quotidienne. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, les gangs ont renforcé leur emprise, plongeant le pays dans un climat de terreur. Plus de 3 600 personnes ont été tuées au cours du premier semestre 2024, marquant une augmentation de 70 % par rapport à la même période en 2023, tandis que près de 700 000 Haïtiens ont été déplacés de force de leurs foyers. Ce contexte de violence épuise les institutions haïtiennes et asphyxie l’économie, minant ainsi les espoirs d’un avenir stable pour le pays.
Le débat au sein du Conseil de sécurité sur l’avenir de la mission en Haïti sera crucial pour définir l’orientation future de l’engagement international en Haïti. Toutefois, malgré les demandes pressantes d’Haïti et de ses représentants, la réticence de certains membres du Conseil et le traumatisme laissé par les précédentes missions pourraient représenter des obstacles majeurs pour la mise en place d’une nouvelle mission de maintien de la paix.