PORT-AU-PRINCE, mercredi 15 mars 2023– Dans sa note en date du 7 mars, le ministère de la justice s’est referee au code pénal haïtien pour inviter les haitiens a exercer leur droit de légitime défense.
Cependant, le conseil de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince note que ‘‘la référence inattendue aux prescriptions du Code Pénal intervient à un moment où les actes d’enlèvement, de viols, d’assassinats, de massacres, d’incendies de quartiers et des déplacements forcés de population ont lieu quotidiennement, sans susciter de réaction des autorités étatiques, pourtant responsables au premier chef de l’ordre public.’’
« Sans la moindre manifestation d’empathie pour la souffrance de la population subissant dans sa chair et dans son esprit, ces autorités ferment les yeux sur la violence des gangs lourdement armés qui tenaillent toute la société », déplore le conseil de l’Ordre.
Selon le conseil de l’Ordre, cette soudaine redécouverte des vertus de la loi ne manquerait-elle de paraître ironique pour un gouvernement qui fonctionne dans l’illégalité permanente, n’était-ce la situation dramatique que nous vivons et qui ne prête pas à rire’’, déclare ironiquement l’Ordre.
Le conseil de l’Ordre souligne que ‘‘a ministre eût, en effet, gagné en élégance à nous épargner ce morceau d’humour noir. Elle eût également fait montre de cohérence en prêchant par l’exemple, lorsqu’on sait qu’au lieu de défendre leur domicile, comme elle nous le professe, plusieurs autorités en charge des questions de sécurité et demeurant dans des zones sensibles ont eu la diligente adresse de chercher refuge dans des résidences plus sûres.’’
Très remonté contre la gestion du pouvoir de l’insécurité, le conseil de l’Ordre estime qu’avec cette note, la ministre de la Justice, solidairement responsable des actes du gouvernement, est montée un degré plus haut dans le mépris vis-à-vis du citoyen, passant de l’indifférence au cynisme.
‘‘En incitant implicitement les citoyens à faire face à des gangs munis d’armes de guerre et donc à se condamner à un suicide sans appel, le gouvernement semble parier sur le caractère funeste de notre sort à tous’’, soutient-il.
De fait, écrit le conseil de l’Ordre dans un communiqué, l’article 273 du Code pénal ici invoqué fait référence à un cas d’urgence où le citoyen coopère provisoirement au maintien de l’ordre.
Cependant, poursuit-il, l’élévation au rang d’instrument de politique pénale de cet article, conçu à l’origine comme une réponse à des situations isolées, conduirait, en la circonstance, à l’extension sans bornes de poches d’affrontements armés au sein de la société, en raison du principe de proportionnalité gouvernant la réaction légitime à l’agression.
Le conseil de l’Ordre souligne que l’article en question n’est donc nullement à entendre comme une réponse programmée par le législateur pour suppléer à l’inaction des autorités publiques, alors même que celles-ci ont explicitement proclamé leur défaillance par l’appel à l’intervention étrangère, tout en continuant paradoxalement à se maintenir comme dépositaires des fonctions de maintien de l’ordre étatique.
‘‘ Encore moins, ne faut-il que l’article soit compris comme une panacée à ce qui s’apparente, de plus en plus, à une forme de terrorisme diffus sous le masque du crime organisé, infraction qu’il appartiendrait à l’État de contrer avec la dernière rigueur, du fait du monopole qu’il détient sur la violence légitime, déclare-t-il.
Il invite la ministre de la Justice, si prompte à se référer au Code pénal quand il s’agit de se dessaisir de ses responsabilités étatiques, à mettre à profit toutes les ressources juridiques qu’offrent notamment l’article 73 dudit Code traitant des bandes armées ainsi que les articles 269 et 269-1 de la Constitution haïtienne confiant la garantie de l’ordre public et la protection des vies et des biens à la police, dont le fonctionnement relève du ministère de la Justice.
Le Conseil estime que l’instrumentalisation de la loi à des fins d’opportunité politique est contraire aux principes de généralité et d’égalité qui lui confèrent sa force.
‘‘ Pour que la dignité de la norme juridique soit préservée, l’invocation de la loi ne doit pas être sujette au caprice des autorités étatiques elles-mêmes, soumises à ses contraintes et son application doit être intégrale’’, renchérit le conseil de l’Ordre.