Le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince menacé de révocation : pressions politiques autour de Constantin Bourguoin…

Les Conseillers-presidents: Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin et Louis Gerald Gilles...

PORT-AU-PRINCE, mercredi 8 janvier 2025 – Selon une source gouvernementale, des membres influents du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), inculpés dans l’affaire des 100 millions de gourdes de la Banque Nationale de Crédit (BNC), auraient exercé des pressions sur le chef du gouvernement, Alix Didier Fils-Aimé, en vue de révoquer le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Constantin Bourguoin.

« Il lui est reproché d’avoir transmis le dossier au cabinet d’instruction, malgré la volonté de Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire de le classer sans suite afin de se soustraire aux poursuites judiciaires », a révélé une source au Réseau Haïtien de l’Information (RHINEWS).

D’après le réquisitoire émis par le commissaire Bourguoin, la gravité des accusations nécessitait une enquête judiciaire approfondie. Les principaux mis en cause sont Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire, tous trois membres du CPT, ainsi que l’ancien président du conseil d’administration de la BNC, Raoul Pascal Pierre-Louis, et le consul Lonick Léandre. Les charges incluent des accusations de corruption, de sollicitation de pots-de-vin et d’abus de fonction.

Le dossier repose sur un rapport de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) relatant des faits survenus en mai 2024, dans la chambre 408 de l’hôtel Royal Oasis à Pétion-Ville. Ce document révèle que les conseillers auraient exigé un pot-de-vin de 100 millions de gourdes et une carte de crédit de 20 000 dollars américains pour garantir la reconduction de Raoul Pascal Pierre-Louis à la présidence du conseil d’administration de la BNC.

Le commissaire Bourguoin a qualifié ces actes de corruption passive et d’abus de fonction, affirmant que les conseillers, en tant qu’agents publics, avaient exploité leur influence en violation flagrante de la loi du 12 mars 2014 sur la prévention et la répression de la corruption. Quant à Raoul Pascal Pierre-Louis, il est accusé de corruption active pour avoir offert des avantages financiers en vue de sa réélection, en contravention avec les articles 5.5 et 14 de la loi précitée. Lonick Léandre, désigné comme complice, aurait orchestré les négociations ayant conduit à ces infractions, violant l’article 5.6 de la même loi.

Le réquisitoire demande la nomination d’un juge d’instruction pour enquêter sur ces accusations et émettre les mandats nécessaires afin de garantir une instruction équitable et impartiale. Cependant, cette démarche judiciaire semble avoir provoqué l’ire des inculpés, qui useraient de leur pouvoir pour obtenir la révocation de Bourguoin, qualifié d’« insolent », selon la source.

Parallèlement, des manœuvres similaires auraient été entreprises par Smith Augustin pour obtenir la destitution de Bourguoin dans une autre affaire. Il s’agit du dossier de l’ancien ministre de la Planification et de la Coopération Externe, Aviol Fleurant. Après une enquête de l’ULCC, le Parquet de Port-au-Prince avait requis l’ouverture d’une information judiciaire sur des présomptions de fausse déclaration de patrimoine et d’enrichissement illicite impliquant M. Fleurant.

Un rapport de l’ULCC daté du 3 septembre 2024 met en lumière des anomalies dans les déclarations de patrimoine du ministre entre 2016 et 2018, dont seize comptes bancaires non déclarés, deux véhicules à son nom, et des revenus de sa conjointe non justifiés. Le document note également une augmentation inexpliquée de 253,26 % de son patrimoine, atteignant 75 207 339,29 gourdes, ainsi que l’acquisition de deux propriétés d’une valeur totale de 75 000 dollars américains.

Ces éléments constituent une violation de l’article 17 de la loi du 12 février 2008 sur la déclaration de patrimoine et de l’article 5.2 de la loi du 12 mars 2014 sur la corruption. L’ULCC, sous la direction de Hans Jacques Ludwig Joseph, a sollicité des poursuites contre Aviol Fleurant, soulignant l’absence de garanties politiques qui pourraient entraver l’action publique.

Le réquisitoire du commissaire Bourguoin, signé le 27 novembre 2024, demandait la désignation d’un juge d’instruction pour mener les investigations nécessaires. Il visait à garantir que les preuves recueillies soient examinées conformément à la loi, sans interférence politique.

Selon la source, les inculpés ne souhaiteraient pas que ce soit Bourguoin qui ait à signer le réquisitoire définitif dans le cadre de l’enquête judiciaire toujours en cours. À l’issue de l’enquête, avant de rendre son ordonnance, le magistrat instructeur devra transmettre le dossier au commissaire du gouvernement pour son réquisitoire définitif. Le chef du gouvernement pourrait alors demander un non-lieu ou des poursuites judiciaires contre les inculpés, selon la loi.

C’est ce qui expliquerait que les conseillers-présidents auraient réclamé la tête de Bourguoin, dont le comportement serait jugé agressif.

Accusés d’implication dans le scandale des 100 millions de gourdes de la BNC, Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin ont toujours clamé leur innocence, soulignant qu’ils étaient victimes d’une machination politique.