Le calvaire des travailleurs migrants haitiens continue en République Dominicaine. Déportés massivement, ils sont victimes de racket…

Des haitiens et dominicains d'origine haitienne arretes en Republique Dominicaine...

BELLADERE, dimanche 23 octobre 2022– Alors qu’Haïti s’enlise dans la crise, les déportés de la République Dominicaine continuent d’arriver massivement dans un pays qu’ils ont fui pour échapper à la misère et l’insécurité.

Ces dernières semaines, les dominicains ont expulsé en moyenne entre 400 et 500 migrants haitiens en situation irrégulière, confient certains d’entre eux à RHINEWS.

Ils affirment qu’au moins dix (10) autobus transportant chacun cinquante passagers, arrivent à la frontière haitiano-dominicaine de Belladère /Elias Pina, dans le plateau central pour déposer les migrants haitiens déportés par la direction de la migration dominicaine.

Généralement arrêtés sur leurs lieux de travail ou dans la rue, ces travailleurs migrants haitiens qui font prospérer l’économie dominicaine, sont gardés à vu pendant quelques jours avant d’être déportés en Haïti sans rien emporter.

Une fois sur le territoire haïtien, leur seul reflexe, c’est de retourner le plus rapidement possible en République Dominicaine où, malgré les ennuis, ils jugent les conditions de vie meilleures comparées à celles d’Haïti, expliquent-ils.

Cependant, le chemin du retour est parfois semé d’embuches. Parfois, ils doivent se cacher dans la brousse pour échapper au contrôle routier ou parcourir plusieurs kilomètres à moto, un service mis a leur disposition par des passeurs.

Pour retourner en territoire voisin après avoir été déporté en Haïti, il faut débourser en moyenne 15 à 20 mille pesos soit 375 us dollars. Cette somme est partagée entre chauffeurs d’autobus assurant le trajet, passeurs et policiers corrompus dominicains impliqués dans une sorte de réseau de ‘‘racketeurs’’ opérant à la frontière entre les deux pays, soulignent ces migrants déportés.

Eralus Sainclair, 32 ans, a bouclé ses études classiques en Haïti. Il vit en République Dominicaine depuis plusieurs années et travaille comme contremaitre sur un chantier de construction.

La semaine dernière, il a été arrêté près de chez lui, placé en garde a vu, puis déporté en Haïti. En moins d’une semaine, il est revenu en République dominicaine. Il a dû payer 14 mille pesos pour retourner dans l’autre partie de l’Ile.

« J’ai été écœuré de voir des policiers dominicains en uniforme en train de négocier avec des passeurs et des chauffeurs de bus l’argent extorqué. J’ai dû verser cette somme pour retourner parce que je n’ai pas le choix. Il n’y a pas d’avenir pour nous en Haïti. Si je reste en Haïti, ça risque de finir mal pour moi. Je ne travaille pas, je risque de me faire kidnapper, voire me faire assassiner. C’est pourquoi j’ai quitté le pays », déclare-t-il en pleurant.

Selon Sainclair, la déportation des migrants haitiens de la République Dominicaine représentent un juteux business pour tous ceux qui sont impliqués dans ce réseau. C’est du pain béni pour ces dominicains dont des policiers sans scrupule chargés de faire appliquer la loi qui vivent de ce système de racket installé à la frontière.

Il dit connaitre des gens qui ont été déportés au moins quatre fois et qui sont retournés immédiatement des lors qu’ils ont les moyens de payer la ‘‘rançon’’ demandée.

‘‘Ce qui est bizarre, c’est que même si tu es illégal comme [ils] disent, si vous de l’argent, c’est comme si vous étiez légal immédiatement, on vous laisse passer sans vous poser de question. Mais il faut s’attendre à verser de l’argent quasiment à chaque poste de contrôle. C’est un vrai racket, déplore Sainclair.

Il souligne que des enfants et des dominicains d’origine haïtienne ne sont pas épargnés.

Sainclair fait remarquer que ces pratiques ‘‘malhonnêtes’’ ont toujours existé à la frontière, mais se sont intensifiées depuis l’arrivée de Luis Abinader au pouvoir qui, dit-il, se soumettant au caprice des ultra-nationalistes dominicains, mène une politique raciste et haitianophobe.

Il dit souhaiter que des mesures soient prises pour stopper ce réseau de racketeurs qui opèrent à la frontière et ruinent de ‘‘pauvres migrants sans défense et sans secours.’’

La Direction générale des migrations a rapporté le 5 octobre dernier qu’elle expulse quotidiennement entre 300 à 700 Haïtiens qui se trouvent illégalement en République Dominicaine.

La direction de la Migration a déclaré que les Haïtiens, une fois déportés, sont remis aux points frontaliers aux autorités haïtiennes.

Apparemment, les autorités haïtiennes n’ont pas été informées des récentes déportations puisque de nombreues personnes expulsées affirment n’avoir été accueilli par aucune instance gouvernementale haïtienne.

Selon les données statistiques, environ 90% des travailleurs du secteur de la construction en République dominicaine sont des Haïtiens qui travaillent dans des conditions extrêmement pénibles sans aucun avantage social.