PORTAUPRINCE, mardi 10 septembre 2024– Dans une correspondance adressée au directeur général de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), Hans Jacques Ludwig Joseph, le cabinet d’avocats Le Prétoire, représentant Raoul Pierre-Louis, ancien président de la Banque Nationale de Crédit (BNC), exprime l’impossibilité pour leur client de répondre favorablement à une convocation de l’ULCC. Cette convocation visait une confrontation avec trois conseillers présidentiels, Gerald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, accusés d’implication dans un scandale de corruption lié à la BNC. L’avocat de Raoul Pierre-Louis, Le Sonet Saint-Louis, demande expressément que ces trois conseillers soient démis de leurs fonctions avant toute confrontation, afin de garantir l’intégrité de l’enquête.
L’avocat précise que M. Pierre-Louis a bien pris note de la demande de l’ULCC, mais ne peut pas répondre à l’invitation en raison de son statut particulier dans cette affaire. Contrairement à une erreur apparente dans la correspondance de l’ULCC, M. Pierre-Louis n’est pas impliqué en tant qu’accusé dans cette affaire de corruption. Il est, au contraire, le dénonciateur de ces faits de corruption, qu’il avait signalés à son supérieur hiérarchique, le Premier ministre Garry Conille, lorsqu’il était encore président de la BNC. Cette dénonciation s’inscrivait dans le cadre de ses fonctions de haut fonctionnaire de l’État.
En tant que dénonciateur, M. Pierre-Louis devrait bénéficier d’une protection légale, comme le prévoient les lois nationales et les engagements internationaux d’Haïti en matière de lutte contre la corruption. Toutefois, après avoir révélé les faits, M. Pierre-Louis a été arbitrairement révoqué de son poste, le laissant, ainsi que sa famille, exposés à de graves dangers, notamment des menaces émanant de groupes criminels bénéficiant d’une impunité totale. Selon ses avocats, la persistance de ces menaces, exacerbée par le maintien en fonction des trois conseillers incriminés, rend toute confrontation prématurée dangereuse et inéquitable.
L’essentiel de la demande des avocats de Raoul Pierre-Louis réside dans la démission immédiate des trois conseillers présidentiels avant toute confrontation. Ils insistent sur le fait qu’il serait injuste d’exiger de M. Pierre-Louis qu’il confronte des individus encore en fonction, surtout dans un contexte où ces derniers détiennent toujours une autorité au sein de l’État. La poursuite de l’enquête, selon les avocats, ne peut se faire de manière impartiale tant que les trois conseillers occupent toujours leurs postes, ce qui risque de compromettre la crédibilité du processus judiciaire.
Raoul Pierre-Louis est prêt à participer à cette confrontation, qui constitue un moment clé pour la justice. Cependant, ses avocats réitèrent que cela ne pourra avoir lieu que lorsque les trois conseillers auront été démis de leurs fonctions afin de garantir une enquête juste et équitable. Sans cette mise à pied, l’intégrité de l’enquête serait compromise, et les risques pour leur client, déjà exposé aux forces criminelles, seraient encore plus grands.
Cette correspondance met également en lumière la responsabilité de l’État haïtien dans la protection des dénonciateurs, tels que Raoul Pierre-Louis, et son engagement à lutter contre la corruption. Les avocats rappellent que l’État, par ses textes légaux et ses engagements internationaux, s’est engagé à offrir une protection maximale aux fonctionnaires dénonciateurs de pratiques corruptives. En ce sens, l’exclusion de Raoul Pierre-Louis des mesures de protection, qui a abouti à sa révocation, représente un manquement grave de la part des autorités.
L’État est tenu de protéger ses hauts fonctionnaires qui agissent avec intégrité et compétence dans l’intérêt public. Dans ce cas précis, la négligence de la sécurité de M. Pierre-Louis, dénonciateur de faits graves de corruption, constitue une irresponsabilité manifeste qui engage l’État au plus haut niveau. Le laisser à la merci des forces criminelles, tout en conservant les conseillers présidentiels dans leurs fonctions, est une violation de ses droits en tant que citoyen et dénonciateur.
Les avocats dénoncent également le fait que les trois conseillers présidentiels se soient rendus à l’ULCC sans y avoir été convoqués officiellement. Cette démarche, selon eux, vise à contourner le processus judiciaire et compromet l’équité de l’enquête. Ils insistent sur le fait que ces conseillers ne peuvent invoquer la présomption d’innocence pour éviter de démissionner de leurs postes. Au contraire, ils doivent prouver leur innocence dans le cadre d’une procédure judiciaire transparente et équitable, qui respectera également les droits de Raoul Pierre-Louis.
Les avocats concluent en appelant à une justice impartiale et à l’égalité devant la loi. Pour eux, la mise à pied des trois conseillers est une condition indispensable pour assurer l’intégrité de l’enquête. Une confrontation dans les conditions actuelles, où les conseillers sont encore en poste, mettrait en péril la crédibilité du processus judiciaire et pourrait avoir des conséquences dramatiques pour M. Pierre-Louis.