PORT-AU-PRINCE, lundi 13 janvier 2025- Dix-neuf suspects accusés dans l’assassinat du président haïtien Jovenel Moïse, survenu en juillet 2021, ont comparu ce lundi devant un tribunal dans l’espoir d’une éventuelle libération. Cependant, le juge en charge de l’affaire a une fois de plus décidé de reporter l’audience à une date ultérieure ce mois-ci, sans fournir de raisons précises.
Ces suspects comprennent 17 Colombiens, tous d’anciens soldats, ainsi que deux Haïtiens. En raison de la montée en flèche de la violence des gangs, la Cour d’appel située au centre-ville de Port-au-Prince a été contrainte de fermer ses portes. Les accusés attendaient ainsi leur audience dans une résidence privée située dans un quartier huppé de la capitale.
Nathalie Delisca, avocate représentant les 17 Colombiens, a exprimé sa déception après cette décision de report : « Nous espérions la libération de nos clients. » Elle n’a cependant pas souhaité préciser le lieu actuel de détention de ses clients. Depuis l’évasion massive survenue dans les deux plus grandes prisons haïtiennes il y a près d’un an, la localisation des détenus liés à cette affaire reste floue. Parmi ces prisons, la Pénitentiaire nationale avait notamment vu des milliers de prisonniers s’échapper.
Malgré cela, Delisca a affirmé que ses clients n’avaient pas tenté de fuir, déclarant : « Ils ne sont pas coupables. Ils n’ont rien à voir avec l’assassinat de Jovenel. »
Parmi les autres suspects présents à l’audience figurait Joseph Félix Badio, ancien cadre du ministère de la Justice et ex-employé de l’Unité de lutte contre la corruption, licencié pour violations éthiques avant l’assassinat. Arrêté en octobre 2023, Badio est considéré comme l’un des principaux suspects dans cette affaire. Il est sorti de l’audience en boitant, soutenu par Macky Kessa, ancien maire de Jacmel, également impliqué dans le dossier. Les détails sur l’état de santé de Badio n’ont pas été communiqués.
Les conditions de détention des suspects avaient été vivement critiquées par les avocats, qui dénonçaient un manque d’eau et de nourriture à la Pénitentiaire nationale. Cependant, les Colombiens présents ce lundi semblaient en bonne santé. Selon un communiqué du consulat colombien à Port-au-Prince en décembre, ils sont désormais détenus dans un lieu non divulgué offrant des « conditions beaucoup plus dignes et favorables ».
Pendant que le dossier stagne en Haïti, les autorités américaines ont, de leur côté, avancé significativement. En décembre 2023, un tribunal de Miami a condamné plusieurs suspects à la réclusion à perpétuité. Parmi eux figurent l’ancien sénateur haïtien John Joël Joseph, l’officier colombien Germán Alejandro Rivera García, le businessman haïtiano-chilien Rodolphe Jaar, et Joseph Vincent, ancien informateur du gouvernement américain. Tous ont été reconnus coupables de complot en vue d’assassiner Moïse à son domicile privé le 7 juillet 2021.
Plus de 40 suspects ont été arrêtés dans le cadre de cette affaire, mais aucun n’a encore été jugé sur le sol haïtien. Ce retard alimente les frustrations dans un pays plongé dans une profonde crise politique depuis cet assassinat, lequel a également exacerbé l’instabilité sécuritaire et institutionnelle en Haïti. Les familles des victimes, ainsi que la communauté internationale, continuent de réclamer justice.
Source: AP