L’ascension des gangs en Haïti : Une Meade croissante pour ka sécurité et la stabilité du pays, selon les experts de l’ONU…

Jimmy Cherizier ''Barbecue,'' chef du G-9 an Fanmi e Alye

NEW YORK, vendredi 25 octobre 2024.La dynamique des gangs en Haïti a exacerbé de manière significative les défis en matière de paix, de sécurité et de stabilité. Comme l’indique le rapport du groupe d’experts des Nations Unies, “la montée en puissance des gangs armés, notamment à travers des coalitions rivales comme le G9 et le G-Pèp, a redéfini le paysage politique et social du pays.” L’alliance formée sous le nom de Viv Ansanm, le 29 février 2024, visait à renforcer leur position face au gouvernement en place, intensifiant ainsi la violence à Port-au-Prince et dans les régions environnantes.

Depuis cette alliance, la situation à Port-au-Prince s’est dégradée, avec une intensification des violences sans précédent. Les gangs ont coordonné des attaques visant des bâtiments gouvernementaux et des infrastructures critiques, entraînant une crise sécuritaire qui a paralysé le fonctionnement de l’État. Selon les rapports du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti, “la violence des gangs a gravement affecté divers secteurs, notamment la sécurité, l’éducation, la santé, la culture et les transports.” Les écoles ont été forcées de fermer, affectant des milliers d’enfants, tandis que les systèmes de santé, déjà fragiles, ont été gravement compromis, mettant en danger la vie de nombreux Haïtiens.

Les zones les plus affectées, telles que Cité-Soleil, Delmas, et Tabarre, sont devenues des épicentres de la violence des gangs. Le rapport note que “85 % de la zone métropolitaine de Port-au-Prince est actuellement sous l’influence ou le contrôle de gangs.” Ce contrôle territorial a transformé la vie quotidienne, engendrant un climat de peur et d’instabilité. Les déplacements sont limités et la population vit sous la menace constante des gangs, créant une atmosphère de terreur.

L’ascension des gangs est marquée par une fragmentation interne et une évolution rapide de leur structure organisationnelle. Des groupes comme 5 Segond, dirigé par Johnson André (alias « Izo »), et Grand Ravine, sous la direction de Renel Destina (alias « Ti Lapli »), dominent grâce à leur emprise territoriale, leur puissance de feu, et leurs revenus provenant d’activités criminelles variées, y compris le trafic de drogue et les extorsions. Selon l’ONU, “ce paysage criminel est caractérisé par des alliances fluctuantes et une violence exacerbée.”

Jimmy Chérizier, surnommé « Barbecue », également « Jeanjean », autrefois l’un des chefs de gang les plus influents, a vu son gang, Delmas 6, affaibli par les opérations policières et la perte de revenus. Cette évolution démontre la fragilité des alliances au sein de l’écosystème criminel haïtien. Malgré ces revers, les gangs continuent d’opérer avec une impunité croissante, due à la faiblesse des institutions étatiques et à une corruption systémique omniprésente.

Les conséquences tragiques de cette violence se reflètent dans un impact dévastateur sur la population civile. Des centaines de civils et de membres de gangs ont été tués ou blessés dans des affrontements. Entre avril et juin 2024, “au moins 233 personnes ont été touchées par la violence dans les communes de Carrefour et de Gressier, et 25 civils ont été tués en une seule semaine lors d’incursions de gangs.”

Les dernières données documentées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui remontent au 27 septembre 2024,  indiquent qu’au moins 3 661 personnes ont été tuées depuis janvier de cette année*, maintenant ainsi les niveaux élevés de violence observés en 2023. « Plus aucune vie ne devrait être perdue à cause de cette criminalité insensée », a souligné le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk.

Les conditions de vie des Haïtiens se détériorent rapidement, entraînant une augmentation des déplacements internes. De nombreux habitants fuient les zones dangereuses, cherchant refuge dans des régions perçues comme plus sûres, souvent au péril de leur sécurité et de leurs ressources. Les femmes et les enfants, cibles de violences sexuelles et d’enlèvements, sont particulièrement vulnérables, nourrissant un cycle de terreur apparemment sans fin.

Face à cette crise alarmante, la communauté internationale, via les Nations Unies, a tenté d’intervenir pour stabiliser la situation. Les résolutions 2653 (2022) et 2700 (2023) des Nations Unies mettent en avant la nécessité d’identifier et de sanctionner les individus ou entités impliqués dans des activités menaçant la paix et la sécurité en Haïti. Ces résolutions visent à traiter les causes profondes de la violence, en appelant à des actions concrètes pour démanteler les structures de pouvoir parallèle créées par les gangs.

Cependant, la mise en œuvre de ces résolutions se heurte à la complexité de la situation sur le terrain. Les acteurs internationaux doivent naviguer dans un environnement politique instable et faire face à une méfiance croissante de la population envers les forces de sécurité. La situation est d’autant plus complexe que les solutions doivent être durables et adaptées aux spécificités culturelles et sociales d’Haïti.

Pour restaurer la sécurité et la stabilité, des mesures efficaces sont indispensables pour endiguer cette dynamique. Une approche holistique, intégrant des mesures de sécurité immédiates et des initiatives de développement à long terme, est nécessaire. L’amélioration des conditions socio-économiques, la promotion de la bonne gouvernance et la reconstruction des institutions publiques sont des éléments clés pour réduire l’emprise des gangs sur la société haïtienne.

Le rapport des experts de l’ONU souligne que “la participation de la société civile dans ce processus est cruciale,” les ONG et groupes communautaires ayant un rôle central à jouer dans la promotion de la paix et de la réconciliation, en sensibilisant la population aux dangers des gangs et en mobilisant des ressources pour soutenir les victimes.

Le comité créé par la résolution 2653 (2022) a élargi sa liste de sanctions en désignant quatre nouveaux individus, portant le total à cinq. Parmi eux, Jimmy Chérizier, alias “Barbecue,” reste une figure majeure dans la criminalité à Port-au-Prince. Bien que des sanctions aient été imposées à Chérizier et ses associés, ils poursuivent leurs activités en déjouant les efforts internationaux pour rétablir l’ordre.

Les autres individus cités incluent : Johnson André alias « Izo» chef du gang « 5 Segonn », Renel Destina alias « Ti Lapli » chef du gang de Grande Ravine, Vitel’homme Innocent, chef du gang « Kraze baryè » et Wilson Joseph alias « Lanmò San jou » chef du gang « 400 Mawozo ». Récemment, le comité de sanctions de l’ONU a ajouté les noms de Luckson Elan, chef du gang “Gran Grif,” opérant dans le Département de l’Artibonite et Prophane Victor, ex-député de la 50e législature.

tous impliqués dans le trafic d’armes, en violation de l’embargo imposé à Haïti. Le rapport déplore l’inefficacité de l’application de ces sanctions, notant des violations répétées de l’embargo.

La sécurité s’est dégradée, avec des statistiques alarmantes : plus de 1 500 homicides et 1 000 enlèvements en 2023. Ces violences ont provoqué des déplacements massifs, avec environ 250 000 personnes contraintes de quitter leur domicile. Les violations graves des droits humains, notamment les violences sexuelles, sont jugées inacceptables par les experts.

En octobre 2023, le renouvellement du régime de sanctions a suscité des espoirs parmi la population haïtienne, en quête d’actions concrètes contre les responsables des violences. Cependant, la réalité reste marquée par une insécurité persistante dominée par les gangs.

La politique et la sécurité sont inextricablement liées en Haïti, en particulier après l’annonce en février 2024 par le Premier ministre Ariel Henry de la tenue d’élections d’ici le 31 août 2025. Cette déclaration a déclenché une réaction violente des gangs, en particulier des coalitions G9 et G-Pèp, qui ont menacé de renverser le gouvernement. Ils ont formé l’alliance Viv Ansanm, intensifiant les attaques contre les infrastructures critiques, rendant la situation plus périlleuse.

Les conséquences de cette violence sont catastrophiques, avec un nombre croissant de morts et de déplacés. L’escalade des attaques a forcé le gouvernement à déclarer l’état d’urgence, provoquant même l’annulation de vols internationaux en raison de menaces sur l’aéroport. Cet état d’urgence a empêché le retour d’Ariel Henry après une visite au Kenya, soulignant l’instabilité actuelle.

Face à cette crise, la CARICOM a organisé une réunion d’urgence à Kingston, réunissant les parties prenantes haïtiennes et des partenaires internationaux. Un consensus a été atteint autour d’un dispositif politique transitoire, mettant l’accent sur la collaboration pour restaurer la paix.

L’Accord politique pour une transition pacifique et ordonnée, signé le 3 avril 2024, a posé les bases de la composition et du rôle du Conseil présidentiel de transition. Bien que cet accord ait été salué, la représentation féminine reste préoccupante, avec une seule femme sans droit de vote parmi les membres.

La démission d’Ariel Henry le 24 avril 2024, juste avant l’entrée en fonction du Conseil présidentiel de transition, a marqué un tournant politique. Garry Conille a été nommé Premier ministre par intérim le 30 mai 2024, mais l’instabilité demeure un obstacle majeur pour rétablir la confiance dans les institutions haïtiennes.

Les gangs continuent de défier l’autorité de l’État, attaquant régulièrement la Police nationale d’Haïti, ce qui compromet sérieusement la tenue d’élections libres et démocratiques.

En prévision d’une mission multinationale d’appui à la sécurité, les gangs intensifient leurs recrutements et renforcent leur arsenal, consolidant leur influence. Bien que la résolution 2700 (2023) souligne l’importance des sanctions et appelle à des efforts concertés pour mettre fin aux violations des droits humains, la réalité sur le terrain reste complexe. Les dirigeants des gangs, malgré les sanctions, continuent d’exercer leur influence dans un pays où l’autorité de l’État reste fragile.