L’arrêt 168-13, l’expression maximale du racisme d’État en République dominicaine, selon des dominicains d’origine haïtienne…

(Deux Dominicains d'origine Haïtienne portant un cercueil durant une manifestation en République Dominicaine contre l’arrêt 168-13)-sur le cercueil on peut lire : « Nos han matado civilmente: Ils nous ont tués civilement »…

SAINT-DOMINGUE, mardi 21 mars 2023– A l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, des dominicains-haitiens dénoncent la politique discriminatoire menée par le gouvernement dominicain contre la communauté immigrée.

« En République dominicaine, malgré le fait que l’État se définit dans la Constitution comme un État social-démocrate et de droit, et que l’article 39 de la même Constitution consacre le droit à l’égalité, ces déclarations solennelles se heurtent à la dure réalité de la discrimination raciale élevée à la politique de l’État par les gouvernements successifs », dénoncent ces dominicains d’origine haïtienne.

‘‘Cette année marque le dixième anniversaire de l’arrêt 168-13, instrument de ségrégation et d’aggravation de la discrimination raciale dans le pays, dénationalisant plus de deux cent mille Dominicains d’origine haïtienne et affectant l’accès à des droits tels que la santé, l’éducation, la liberté de mouvement et la liberté de réunion’’, rappellent-ils.

Une décennie après cette condamnation inconstitutionnelle, écrivent-ils dans un communiqué, ‘‘nous nous retrouvons devant un panorama de plus en plus critique à l’égard du droit à la non-discrimination et à l’égalité. Cela a aujourd’hui de profonds effets anti-démocratiques dont l’impact va bien au-delà de la communauté dominicaine d’origine haïtienne qui porte le poids de la dénationalisation.’’

‘‘Toute la société est empoisonnée par les préjugés et le déni de diversité. Cela donne à son tour une plus grande force aux secteurs qui revendiquent ouvertement la dictature de Trujillo et la dictature de Balaguer, encouragés par l’impunité à harceler la communauté immigrée et la communauté dominicaine d’origine haïtienne’’, soutiennent-ils.

Dans ce communiqué, ils mettent l’accent sur le traitement inhumain et la persécution contre la population migrante haïtienne en République dominicaine, y compris les expulsions massives d’immigrants, la séparation des familles, la détention de femmes enceintes, la détention arbitraire dans des centres surpeuplés inaptes à héberger des personnes, le vol et l’extorsion généralisée, dont sont victimes le migrants noirs.

Ils affirment que de nombreuses personnes limitent leurs déplacements dans les espaces publics par crainte des descentes de police et des agents de l’immigration. ‘‘Ces abus s’étendent aux Dominicains d’origine haïtienne et même aux Dominicains noirs qui ne sont pas d’origine haïtienne’’, précisent-ils.

Ils soulignent que les femmes noires, surtout si elles sont migrantes ou dominicaines d’origine haïtienne, sont exposées aux discours de haine du gouvernement et de l’extrême droite.

« C’est un discours profondément déshumanisant, qui le présente comme un fardeau excessif pour le système de santé publique, comme une menace pour la souveraineté ou comme un agent d’une supposée « invasion des entrailles », déclarent-ils.

 Ils ajoutent que ‘‘la discrimination à l’égard des Noirs, des Haïtiens et des Dominicains d’origine haïtienne en République dominicaine comprend souvent des relations de travail précaires, des bas salaires, l’absence de droit à la syndicalisation ou à la sécurité sociale, et s’exprime même par le travail forcé et la surexploitation, par exemple, dans le l’industrie sucrière et dans la construction.’’

 Selon eux, ‘‘cela augmente également la vulnérabilité aux crimes tels que la traite des êtres humains. Malheureusement, le gouvernement a retiré un projet de loi qui réglerait ce problème, cédant aux revendications des secteurs d’extrême droite’’, soutiennent-ils.

“Tout ce panorama peut et doit changer. Tout comme l’apartheid sud-africain est tombé, en République dominicaine, la discrimination raciale, la dénationalisation et la surexploitation peuvent et doivent cesser si toutes les organisations engagées à renverser ces politiques antidémocratiques et racistes unissent leurs forces”, font-ils savoir.

Le 21 mars commémore le massacre de Sharpeville, commis par le régime d’apartheid sud-africain en 1960, lorsque des dizaines de personnes ont été tuées par des tirs aveugles de la police lors d’une manifestation pacifique.

 La date a eu un tel impact que quelques années plus tard, elle a été consacrée internationalement comme la Journée pour l’élimination de la discrimination raciale. Après de longues luttes, le peuple sud-africain a réussi à démanteler le régime d’apartheid.