“L’appareil judiciaire haïtien dépourvu de tous moyens pour un fonctionnement efficace”, selon l’ANAMAH…

Jean Wilner Morin, juge instructeur, president de l'ANAMAH...

PORT-AU-PRINCE, lundi 2 octobre 2023- L’association nationale des magistrats haïtien (ANAMAH), dresse un tableau particulièrement sombre de la réalité du fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien à l’occasion de l rentrée judiciaire, ce premier lundi d’octobre.

.L’Association Nationale des Magistrats Haïtiens cette année

L’ANAMAH dit se démarquer de “tout discours bilan qui viendrait masquer le dysfonctionnement évident de l’appareil sanctionnateur saccadé par de graves crises.”

Elle estime qu’il s’agirait d’une indécence de tenir des discours gonflés de chiffres en tentation d’obstruction des réalités.”

« Ces réalités, selon l’ANAMAH, consistent en l’absence de cadres physiques idoines au déroulement des procès: une situation dénoncée par l’ANAMAH depuis vingt ans au moins, loin de s’améliorer, ces cinq dernières années, l’état des bâtiments logeant les services publics de justice n’a jamais été aussi lamentable, on en vient même aujourd’hui à devoir déserter des hauts lieux symboliques de distribution de justice sous les menaces tangibles de gangs lourdement armés. »

L’association évoque également “la réalité liée à l’absence de moyens (sûreté personnelle et arsenal législatif): chacun sait que l’outillage adéquat caractérise le professionnel, les défis de répression de la criminalité se sont accrus en changeant à chaque fois de forme et de profondeur mais les outils dont disposent le magistrat pour y faire face demeurent quasiment identiques d’il y’a vingt ans.”

L’ANAMAH se plaint également de la ratification des compétences dans la magistrature haïtienne.

Elle fait référence à “la réalité du savoir faire professionnel :  être magistrat ce n’est pas seulement un titre obtenu des suites d’un parcours académique satisfaisant aux critères légaux, c’est aussi et surtout, un savoir faire accumulé sur une période plus ou moins longue de traitements pratiques d’un certain nombre de dossiers tout en étant intègre, fidèle à sa conscience, à la loi et aux règles d’éthiques professionnelles.”

Elle s’alarme de “l’absence de transmission concrète de connaissance expérimentale entre anciens et nouveaux, une situation qui s’amplifie d’avec le départ volontaire, vers  d’horizons plus prometteurs de magistrats ayant acquis un savoir-faire certain dans la compréhension de la doctrine juridique et du système judiciaire.”

Elle dit redouter “un appauvrissement de la jurisprudence haïtienne les 25 années futures si rien n’est tenté pour arrêter l’hémorragie.”

L’association souligne que “la fonction de magistrat perd de plus en plus d’attractions, le traitement minable que celui-ci obtient de la caisse publique en est l’une des causes: pas d’assurance digne de ce nom, pas de véhicule de fonction, aucune politique d’accompagnement au relogement en cas de transfert vers d’autres juridictions le cas échéant, aucune politique claire de promotion et d’avancement dans la carrière, le magistrat haïtien nage dans l’insécurité permanente.”

Elle invite les membres du Pouvoir Judiciaire ainsi que les représentants de la quatrième judicature à l’élévation de compréhension des problèmes réels de fonctionnement de la justice haïtienne.