PORT-AU-PRINCE, samedi 12 novembre 2022– Eclaboussé par des scandales, l’appareil judiciaire haïtien a été mis à mal au cours de l’année judiciaire 2021/2022, selon un rapport du RNDDH sur le fonctionnement du système judiciaire et carcéral.
Le RNDDH relève que des irrégularités ont été enregistrées dans le processus visant à rendre fonctionnels la Cour de cassation et le CSPJ. ‘‘Et, malgré les recommandations de nomination et de renouvellement de mandats en faveur de 85 juges, les autorités exécutives ont choisi de ne donner suite que pour 54 d’entre eux’’, souligne l’organisation.
Le rapport précise ‘‘qu’au moins 4 arrêts de travail ont été enregistrés. De plus, les impacts de l’insécurité sur le déroulement de l’année judiciaire analysée, ont été énormes. Au moins 10 avocats et 2 magistrats ont été enlevés et séquestrés contre rançon, blessés par balles ou assassinés.’’
Au cours de l’année judiciaire écoulée, plusieurs magistrats ont été indexés en raison de leur implication présumée dans des cas de violation des droits humains ou en raison de leur comportement dans le traitement des dossiers dont ils avaient la charge au cours de l’année judiciaire en question.
L’organisation cite plusieurs exemples dont le cas du juge de paix d’Ennery Nophat Destin qui a été décrié pour avoir libéré contre pots-de-vin, 2 individus après les avoir arrêtés pour détention illégale d’arme à feu et tentative d’assassinat.
Dans un conflit terrien, le juge de paix de Fort-Liberté François Colas a ordonné à l’une des parties en litige de mettre le feu, en sa présence, aux biens de l’autre partie , selon le RNDDH, soulignant que le magistrat Jean Ernest Muscadin a exécuté au moins 2 individus, dont l’un à l’ouverture de l’année judiciaire 2022-2023.’’ Il les a présentés comme étant des bandits armés.’’
Le RNDDH fait état du cas du magistrat Norestil Normil qui a ordonné à 2 reprises la libération d’Isaac Junior SALVANT, arrêté pour blanchiment d’argent et faux et usage de faux en écriture publique.
Il y a aussi le cas du magistrat Michelet Virgile qui a été arrêté après avoir ordonné la libération de 2 individus impliqués dans le trafic illicite d’armes à feu et de munitions à Port-de-Paix.
Selon l’organisation, de nombreux dossiers qui avaient défrayé la chronique ont aussi été monitorés par le RNDDH au cours de l’année judiciaire 2021-2022.
Le RNDDH ajoute que certains d’entre eux, comme celui relatif à l’assassinat de Diego Charles et d’Antoinette Duclair, restent bloqués au Parquet de Port au Prince, d’autres comme ceux relatifs au massacre de La Saline et à l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse pataugent au cabinet d’instruction alors que certaines affaires comme celles relatives à l’assassinat de Maître Monferrier Dorval ou à l’attaque armée suivie du vol du véhicule du journaliste Widlore Merencourt, ne sont pas en cours d’instruction.
L’organisation des droits humains affirme que 9 des 18 juridictions de première instance du pays ont réalisé des audiences criminelles sans assistance de jury au cours desquelles 328 personnes ont été jugées. 67 d’entre elles ont été libérées et 194 ont été condamnées. Pour 67 autres, les verdicts ne sont pas encore prononcés, précise le RNDDH.
‘‘Contrairement aux sempiternelles promesses faites par les autorités judiciaires de s’attaquer à la détention préventive illégale et arbitraire, le bilan des réalisations de l’année judiciaire 2021/2022 est très maigre, selon le RNDDH, soulignant qu’à l’ouverture de l’année judiciaire en question, 82 % de la population carcérale étaient en attente de jugement. A sa fermeture en septembre 2022, 84 % de cette population, attendent d’être fixés sur leur sort, soit une augmentation de 2 %’’, soutient-il.
‘‘A côté de ce maigre bilan de l’appareil judiciaire, le RNDDH dit noter que les détenus continuent de vivre dans des conditions infrahumaines qui les exposent aux maladies contagieuses et mettent en péril leur vie et leur santé.
‘‘Cent-soixante-douze (172) détenus sont décédés de janvier à octobre 2022, parmi eux, 24, du Choléra. De plus, les détenus-es sont malnutris, n’ont pas droit à la récréation et ne disposent pas de médicaments, les infirmeries des prisons étant vides’’, selon le RNDDH.
Le RNDDH recommande aux autorités judiciaires et pénitentiaires d’enquêter sur le comportement des acteurs judiciaires indexés dans la perpétration d’actes de violations des droits humains ; d’organiser rapidement des audiences criminelles avec et sans assistance de jury afin de réduire le nombre de personne en attente de jugement ; d’améliorer les conditions de détention en fournissant aux détenus-es une alimentation saine, les médicaments dont ils ont besoin ainsi qu’en leur accordant des heures en plein air.
Il recommande de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de sécuriser les espaces logeant les cours et tribunaux ; Satisfaire les revendications des acteurs judiciaires en améliorant leurs conditions de travail, en vue de réduire le nombre d’arrêts de travail.