PORT-AU-PRINCE, mercredi 22 juin 2022- Selon l’association nationale des magistrats haïtiens (ANAMAH) la prise d’assaut du palais de justice de Port-au-Prince est un acte scandaleux, qui enfonce davantage l’institution judiciaire dans le gouffre mais ne surprend le moindrement du monde l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens.
Dans une correspondance au docteur Ariel Henry, l’ANAMAH rappelle avoir milité activement depuis plusieurs années pour la relocalisation du palais de justice, soulignant que plusieurs ont préféré l’argument qu’il ne fallait pas fuir les zones occupées par les gangs mais plutôt l’inverse.
« Il ne s’agissait pas de fuir, mais de repli intelligent afin de préserver le peu qui restait de la mémoire de cette justice en lambeaux, ce repli aurait mis en échec toute tentation d’utiliser la couverture des gangs au bicentenaire pour faire disparaître à jamais des archives d’importance », écrit l’ANAMAH.
‘‘Dans un autre espace, des bandits auraient toujours pu s’en prendre aux personnels judiciaires mais il leur aurait été moins facile de s’y attarder le temps d’emporter des coffres, d’incendier des documents, de soustraire frauduleusement des véhicules en toute quiétude ; techniquement il aurait été plus facile aux forces de l’ordre de leur couper la retraite’’, souligne l’association.
L’ANAMAH qui s’étonne de la facilité du déroulement chronologique se demande comment l’État n’a-t-il pu se donner les moyens d’anticiper cela ?
‘‘À moins d’en être directement l’instigateur, l’État ne pouvait ne pas prévoir que tout cela allait arriver, c’est un minimum lorsque des millions de gourdes sont prévus dans le budget pour le service d’intelligence’’, soutient l’ANAMAH qui se demande pourquoi les bandits ont toujours des longueurs d’avance sur la Police Nationale d’Haïti tandis qu’ils n’ont jamais agi sans avertir les autorités chargées de faire la gestion de l’État ?’’
L’ANAMAH estime que la responsabilité de l’État est directement engagée, des hommes aux commandes aujourd’hui devront tôt ou tard répondre de leurs obligations.
L’ANAMAH dit observer que « cette mise en scène recèle encore des projets plus sombres et participe d’un vaste complot qui tend à imposer aux citoyens, une architecture judiciaire qui verrait des bourreaux se vêtir en toges aux seules fins d’envoyer hors des liens de toutes poursuites des instigateurs et sicaires des maux dont souffrent ce pays haïtien ».
‘‘Dans cette direction, écrit l’ANAMAH, des bandits au plus haut sommet de l’État tentent désespérément de disposer pour l’avenir, d’une part, le concept « libéré faute de preuves », d’autre part, ils veulent démontrer, à force d’exemples montés de toutes pièces, que le Pouvoir Judiciaire n’existe plus, dès lors s’impose, la nécessite de sa reconstruction qui devra suivre des règles de rupture garantissant sa stabilité, sa longévité mais surtout son efficacité.’’
L’ANAMAH estime qu’il s’agit d’un travail de sape d’images du Pouvoir Judiciaire est orchestré et exécuté à plusieurs niveaux, indiquant que ce qui se déroule au Palais de justice est un leurre, une sorte de bulldozer rasant le village peu de temps après que des mains expertes se soient occupées d’effectuer « le vrai boulot ».
‘‘ Naturellement, dans ce pillage et effaçage de « corpus délicti » (corps du délit), la bande à Izo s’en donne cœur joie, croyant peut-être s’extirper eux aussi, des conséquences judiciaires de leurs propres méfaits’’, ajoute la correspondance.
L’ANAMAH alerte Ariel Henry sur les des rumeurs faisant croire que d’autres institutions : telles la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administrative (CSCCA) et Les prisons civiles de Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets seraient successibles de connaître le sort du Palais de justice de Port au prince, soulignant que ‘‘l’idée est de ternir au maximum l’image du Pouvoir Judiciaire déjà dans un état lamentable, pour solliciter ensuite sa mise sous tutelle sous forme d’assistance internationale.’’