PARIS, mercredi 27 septembre 2023– A propos du différend opposant la République d’Haïti et la République Dominicaine sur les travaux de raccordement d’un canal d’irrigation sur la « rivière Massacre », l’ambassade d’Haïti en France rappelle qu’il s’agit d’un cours d’eau doté d’un statut international, que partagent les deux Etats.
En quête de soutien européen, l’Ambassade d’Haïti s’adresse au Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères-Direction des Amériques et des Caraïbes-ainsi qu’aux Missions diplomatiques accréditées en France et Organisations Internationales ayant leur siège ou bureau en France, pour les informer de la crise haitiano-dominicaine.
Dans cette correspondance, l’Ambassade d’Haïti en France souligne à l’attention de ses interlocuteurs que ‘‘la position haïtienne sur la question de la « rivière Massacre » est adossée aux principes fondamentaux du droit international en matière de souveraineté des Etats, ainsi qu’au Traité de Paix, d’Amitié Perpétuelle et d’Arbitrage signé le 20 février 1929 entre la République d’Haïti et la République Dominicaine.’’
L’Ambassade souligne que le 2 avril 2021, le Gouvernement haïtien, se fondant sur le Traité de Paix, d’Amitié Perpétuelle et d’Arbitrage signé le 20 février 1929 entre la République d’Haïti et la République Dominicaine, a décidé d’entreprendre, dans la zone frontalière de Ouanaminthe, des travaux de construction d’un canal d’irrigation sur la rivière Massacre.
Selon la correspondance, ‘‘ce canal vise à irriguer 3 000 hectares de terres en Haïti et à ainsi permettre aux agriculteurs de la région, qui sont les principaux bénéficiaires du projet, d’augmenter leur production agricole et de faire face aux conséquences dévastatrices de périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes dans cette zone frontalière.’’
Elle précise que ces travaux constituent le tout premier ouvrage érigé par Haïti sur cette ressource en eau partagée alors que la République Dominicaine en a déjà construit douze (12), dont huit (8) prises de berge et quatre (4) mini-barrages.
‘‘En l’état actuel, la République dominicaine bénéficie exclusivement des bienfaits de l’exploitation de la rivière Massacre qu’elle utilise abondamment pour sa production agricole, Haïti étant son deuxième marché d’exportation’’, fait remarquer l’Ambassade.
Elle rappelle également que le 27 mai 2021, en réponse aux protestations élevées par le Gouvernement dominicain contre le projet haïtien arguant qu’il causerait une déviation du cours de la rivière, le Gouvernement haïtien a présenté, de manière détaillée, le plan de la construction du canal au Gouvernement dominicain, lors d’une réunion de travail qui s’est tenue à Santo Domingo.
‘‘La réunion, poursuit l’Ambassade d’Haïti en France, a débouché fort heureusement sur une Déclaration conjointe paraphée par les deux parties, haïtienne et dominicaine, dans laquelle le Gouvernement dominicain a reconnu, en vertu de l’article 10 du Traité de Paix, Perpétuelle et d’Arbitrage du 20 février 1929, les droits légitimes de la République d’Haïti d’exploiter une partie des eaux de la rivière Massacre de manière juste et équitable.’’
Elle souligne que la République dominicaine a également reconnu, dans le deuxième considérant du préambule de cette déclaration conjointe, que le projet en question ne consiste pas en une déviation du cours d’eau : « Reconnaissant, sur la base des informations fournies aujourd’hui par les représentants de la République d’Haïti et dans l’esprit de compréhension et d’échange d’informations conformément à ce qui est stipule’ dans le Traité de 1929, que l’ouvrage en cours d’exécution sur la Rivière Massacre ou Dajabon pour le captage de l’eau ne consiste pas en une déviation du cours d’eau ».
L’Ambassade indique que suite à la reprise le 31 août 2023 des travaux qui ont été interrompus en juillet 2021 après l’assassinat du Président de la République d’Haïti, les autorités dominicaines, rejetant la Déclaration conjointe du 27 mai 2021 ont protesté contre la poursuite des travaux de construction du canal d’irrigation et, en représailles, ont décidé le 8 septembre 2023 de la fermeture du poste frontalier officiel de Dajabon-Ouanaminthe. Elles ont aussi mobilisé leurs forces armées qui se sont livrées à une démonstration de leurs matériels militaires, écrit l’Ambassade.
« Attaché pour sa part aux modes de règlement pacifique des différends établis par l’article 3 du Traité de 1929, le Gouvernement haïtien a opté pour le dialogue et a décidé de l’envoi le 13 septembre 2023 d’une délégation à Santo Domingo pour discuter avec la partie dominicaine sur le différend opposant les deux Etats à propos de l’utilisation des eaux de la rivière Massacre qui traverse leurs territoires », déclare-t-elle.
Elle précise qu’alors que les échanges bilatéraux étaient en cours, le Président dominicain a procédé le 14 septembre 2023, à la fermeture des frontières terrestre, maritime et aérienne avec Haïti. Le chef de l’État dominicain a également ordonné le déploiement des forces armées dominicaines sur la frontière, souligne l’Ambassade.
En prenant acte de ces contre-mesures disproportionnées et de nature à remettre en la gestion apaisée de cette crise, le Gouvernement haïtien estime qu’elles vont à l’encontre du Traité de Paix, d’Amitié Perpétuelle et d’Arbitrage de 1929, qui indique en son article 3 que ‘‘les litiges entre les deux Etats doivent être résolus avant tout par la voie diplomatique et que si ce mode de règlement n’était pas possible, les deux parties pourraient, avant de soumettre le différend à l’arbitrage, recourir à des procédures d’investigation et de conciliation.’’
Elle souligne que les deux parties ont convenu dans la déclaration conjointe du 27 mai 2021 de recourir si nécessaire à une assistance technique internationale en matière de l’exploitation des ressources hydriques transfrontalières.
L’Ambassade d’Haïti en France rappelle également a ses interlocuteurs les positions exprimées par Ariel Henry a la tribune des Nations-Unies, le haut-commissaire des droits de l’homme, l’expert de l’ONU pour les droits humains et les autres partenaires d’Haïti sur cette crise.
Selon elle, Haïti affirme que les travaux de construction du canal d’irrigation sur la rivière Massacre ne violent nullement le traité de 1929 et rappelle que cet instrument juridique bilatéral octroie aux deux pays le droit d’utiliser les eaux des rivières qui se trouvent dans la zone frontalière de manière juste et équitable. Ces travaux ne violent pas non plus le droit international qui est fondé avant tout sur la souveraineté, non pas d’une catégorie d’Etats, mais de tous les Etats.
« Dès lors, déclare l’Ambassade, le Gouvernement haïtien, tout en rappelant son droit souverain d’exploiter, au même titre que la République dominicaine, les ressources hydriques partagées de la rivière Massacre, dénonce les contre-mesures adoptées par la République dominicaine à son encontre et considère que ces mesures de représailles sont injustifiées. »