L’accord de Montana toujours attaché à la mise en place d’un gouvernement provisoire bicéphale’’…

Magalie Comeau Denis, Membre du BSA...

KINGSTON, lundi 12 juin 2023– S’exprimant au dialogue inter-haïtien qui se tient à la Jamaïque jusqu’au mardi 13 juin, Magali Comeau Denis, membre du bureau de suivi de l’accord de Montana (BSA), a décrit une situation de chaos généralisé en Haïti où presque rien ne fonctionne et que ce sont les gangs armés qui règnent en maitres.

Selon Mme Denis, le contrôle de la majeure partie du territoire par les groupes criminels, l’amplification de la violence contre les femmes et les filles, l’émigration tous azimuts des Haïtiens vers la République Dominicaine, les pays de la Caraïbe, de l’Amérique latine, et les États-Unis, la Turquie, et la quasi-impossibilité de la circulation des biens et des personnes sur le territoire, traduisent la déliquescence institutionnelle devenue une constante dans cet État caractérisé par un haut degré de corruption et des pertes importantes dans les institutions de collecte de revenus de l’État.

Elle a affirmé également que cette situation est à la base du ‘‘crime organisé transnational, dans une coalition entre les secteurs mafieux de l’élite économique et politique nationale et des secteurs mafieux internationaux, qui a ouvert la voie à la libre circulation de trafic illicite d’armes, de munitions, de personnes humaines, de drogue et à la contrebande.’’

Magali Denis a fait remarquer que quatre (4) ans suivis de croissance économique négative résultant de la mauvaise gouvernance et les troubles politiques y associés. Plusieurs pans de l’économie ont subi des pertes énormes, tant dans la sous-traitance que dans le secteur agricole, avec des difficultés d’approvisionnement, et des pertes de récolte pour les quelques productions réussies.

Cependant, a-t-elle insisté, ‘‘le chaos n’est pas moindre à la tête de l’État. Un gouvernement de facto, se perpétuant au pouvoir sans provision légale ou constitutionnelle et surtout sans un consensus réel avec la société. Ce fameux article 149 évoqué pour justifier le mandant du premier ministre -qui n’a pas été ratifié par un parlement- lui ordonne d’organiser des élections entre 90 et 120 jours.’’

‘‘‘Cela fera bientôt deux (2) ans qu’il est en fonction… Après 2 accords non respectés par ceux-là même qui les ont conçus, celui du 11 septembre et celui du 21 décembre, qui n’a fait que renforcer le pouvoir personnel de M. Henry avec un HCT fait de conseillers, ce pouvoir invoque à sa faveur « la théorie des formalités impossibles », a-t-elle déclaré.

Selon elle, ‘‘la mise d’Haïti sous tutelle a créé un État monstrueux caractérisé essentiellement par sa soumission à l’international et son acharnement contre la société. Le conflit est entre l’État et la nation. Et cette situation exige que soient à exclure les solutions cosmétiques, empressées, ignorantes de sa complexité et rendant la crise récurrente’’, a précisé Mme Denis.

Pour elle, ‘‘Ce n’est pas par manque de consensus que les villes croulent sous les déchets, ce n’est pas par manque de consensus que les canaux ne sont pas curés et que la moindre pluie provoque des inondations et des pertes de vie, que les écoles ne fonctionnent pas, que les hôpitaux, les rares qui sont ouverts, n’en portent que le nom, que le carburant quand il est disponible n’est pas distribué, que les tribunaux fonctionnent entre un et trois mois, que la faim gagne, que la mort est partout, que les gangs étendent leurs territoires, qu’autant de femmes et de fillettes soient violées.’’

Elle a affirmé que ‘‘seul un consensus entre les forces vives, sociales du pays, dans le dépassement des intérêts de groupe ou de classe, permettra à la nation de reconquérir sa souveraineté, et rompre avec ce règne abject, plaidant pour la mise en œuvre d’un nouveau pacte de coopération internationale.

Elle a plaidé pour le rétablissement, sur une base consensuelle, transitionnelle et dans l’esprit de la Constitution de 1987, les 3 pouvoirs de l’État avec un Exécutif bicéphale ; les contours exacts de cet exécutif bicéphale feront aussi l’objet d’une recherche de consensus.

Mme Denis a estimé nécessaire de s’assurer que l’autorité gouvernementale et l’organe de contrôle du gouvernement de transition disposent d’une légitimité sociale, de rétablir le système judiciaires dans la plénitude de son indépendance et autonomie sur base d’une entente politique et rouvrir les tribunaux qui ne fonctionnent et réaliser la Conférence nationale souveraine, y compris les questions en lien avec la Constitution et les partis politiques dans son cadre de référence.

En plus de la tenue des élections, Magali Denis a également plaidé en faveur du rejet de la violence comme moyen d’expression politique et le recours au dialogue et à la concertation pour le règlement des différends; du respect de la souveraineté de l’État ainsi que de sa forme républicaine et son caractère démocratique et laïque; des principes d’égalité, de liberté, de dignité de la personne humaine et le caractère inaliénable des libertés et des droits fondamentaux et de la lutte contre la corruption, l’impunité, de la transparence et la reddition de compte.