PORT-AU-PRINCE, jeudi 13 octobre 2022– Dans un document ‘‘aide-mémoire’’ remis mercredi aux émissaires américains lors d’une rencontre sur la crise, les délégués de l’accord de Montana ont réitéré leur opposition a l’envoi de troupes étrangères demandée par le pouvoir en place.
Le document souligne qu’en moins d’un centenaire le pays a vécu plusieurs interventions américaines et onusiennes qui ont laissé des séquelles profondes tant au niveau de l’État que de la société haïtienne, ajoutant que ‘‘beaucoup d’argent ont été dépensé pour ces interventions et le maintien de ces forces militaires étrangères en Haïti mais les résultats sont insignifiants et les effets sont contre productifs.’’
La délégation de l’accord de Montana a déclaré : « La situation chaotique actuelle du pays caractérisé par l’effondrement de l’État, la désarticulation de la société et la multiplication des gangs armés à travers le territoire est en grande partie liée à la mise sous ‘’tutelle internationale°‘’ de l’État et la mise en place d’un système économique basé sur la rente, la corruption et la violence criminelle de la corruption ».
Cependant, il a admis ‘‘qu’une partie des élites politiques et économiques face à l’échec de leur gestion des affaires du pays a tendance de toujours faire appel à l’intervention étrangère pour les aider à maintenir le statu quo mais pour l’ensemble du peuple Haïtien dans sa dignité de communauté humaine, malgré sa misère et sa souffrance, toute intervention militaire et ou policière est vécue comme le pire des cauchemars.’’
En guise de proposition, le BSA a déclaré ‘‘qu’en plus du renforcement des institutions sécuritaires nationales, il est impératif de penser à une solution politique qui vise la rupture radicale des liens entre les pouvoirs politiques, le secteur économique mafieux et les gangs. Par-là, on arrivera à dépolitiser l’institution policière et à redonner confiance à ses membres.’’
Selon le BSA, « cette assistance technique pourrait se matérialiser dans les domaines de la formation, de la logistique incluant l’accès aux instruments technologiques modernes, de l’accompagnement de l’Inspection Générale (IGPHN) dans le travail de vérification des services du policier (vetting), dans les services de renseignement, dans l’équipement en armes et munitions, par l’adoption de mesures légales sur les écoutes téléphoniques, par la formation d’une unité spéciale contre les gangs au sein de la police ».
La délégation de l’accord de Montana croit qu’il faut fournir une assistance technique et un encadrement aux unités spécialisées de la police nationale afin qu’elles soient à même de faire face à la réalité sur le terrain.
Selon elle, ‘‘parallèlement à cette assistance technique sur le terrain, nous préconisons des mesures de contrôle, déjà à l’embarquement, en particulier en Floride d’où proviennent une majorité écrasante des armes et munitions ; des sanctions contre les trafiquants illégaux d’armes, de munitions et de personnes (incluant le kidnapping qui alimente aussi un trafic transfrontalier des personnes). Ceci est possible en suivant la route de l’argent généré par ces crimes. « Follow the money ! », comme disent eux-mêmes les Américains.’’
Dans ce même document, les délégués de Montana ont souligné nécessité et l’urgence d’un changement de gouvernance politique en Haïti.
En clair, ils ont plaidé en faveur de la démission du premier ministre Ariel Henry qui, selon eux, depuis son installation à nos jours, n’a jamais eu l’assentiment de la majorité des forces politiques ni sociales, a largement contribué à l’aggravation de la crise politique et sécuritaire du pays, dénonçant du même coup ‘‘l’entêtement de la communauté internationale, particulièrement des États-Unis d’Amérique, à vouloir imposer à Haïti un exécutif monocéphale qui ne correspond nullement à la constitution et aux lois de la République.’’
Selon la délégation, le gouvernement intérimaire n’a pas de sa mission en termes de sécurité (malgré les nombreuses annonces), d’apaisement social, de lutte contre la corruption et d’organisation des élections après 15 mois d’exercice du pouvoir, soulignant son incapacité avérée du gouvernement en place de freiner la crise de gouvernabilité et de gouvernance du pays.
Elle a mis l’accent sur l’exacerbation de la crise multidimensionnelle après 15 mois à la tête de l’État ; manifestations permanentes de la population dans tous les départements du pays depuis le mois d’août 2022 contre l’insécurité, la cherté de la vie, l’augmentation drastique du prix de l’essence et en définitive pour la démission du Chef de gouvernement et de l’équipe gouvernementale.
La délégation a déclaré : « Acculés par les revendications de la population qui réclame leur démission, désavoués par leur bilan d’échec, menacés par la justice en ce qui concerne certains, le Premier ministre en place et son équipe gouvernementale ont refusé systématiquement le consensus proposé par la société civile et les partis politiques. Au lieu de cela, pour se maintenir au pouvoir coûte que coûte, ils ont préféré se précipiter dans le déshonneur et l’indignité en appelant à l’occupation du territoire nationale par des forces armées étrangères ».
Selon la délégation, ‘‘ceci est un fait gravissime et inadmissible au regard des prescrits de la Constitution haïtienne et des principes d’auto-détermination des peuples et d’inviolabilité du territoire national.’’
Elle a affirmé avoir rappelé ‘‘le caractère impérieux du rétablissement sur une base consensuelle, transitionnelle et dans l’esprit de la Constitution de 1987 des 3 pouvoirs de l’État avec un Exécutif bicéphale.’’
La délégation a informé avoir fait une présentation succincte des grandes orientations et des éléments fondamentaux de l’Accord du 30 août 2021 pour la transition consensuelle.
Elle en a également fait état de sa ‘‘démarche d’ouverture, de souplesse de l’Accord de Montana pour l’établissement d’un pouvoir de transition inclusif et sa détermination de travailler avec les autres secteurs politiques et sociaux en vue de l’atteinte d’un consensus politique national suffisant.’’