PORT-AU-PRINCE, vendredi 6 septembre 2024– Selon Guichard Doré, président de la Fondation Nationale pour la Démocratie et les Études Stratégiques (FONADES), la visite du Secrétaire d’État américain Anthony Blinken en Haïti représentait une occasion stratégique que le gouvernement de Garry Conille n’a pas su exploiter. Blinken, en déplacement pour quelques heures dans le pays, a rencontré le Premier ministre Conille, le Conseil présidentiel de transition ainsi que des dirigeants politiques et sécuritaires. L’objectif affiché de cette rencontre était de « faire avancer l’engagement commun pour une Haïti sécurisée et démocratique ». Cependant, Doré souligne que derrière ces mots se cachait une opportunité cruciale pour Haïti de consolider sa sécurité et de se repositionner sur la voie de la démocratie, deux facteurs essentiels pour le futur du pays.
Pour Guichard Doré, le cœur de cette visite devait être le renforcement de la coopération sécuritaire entre Haïti et les États-Unis, mais il reste sceptique quant à la capacité du pays à rétablir une véritable sécurité en l’absence de services de sécurité pleinement opérationnels et bien organisés. « Peut-on vraiment rétablir la sécurité en Haïti avec grand S si tous les services de sécurité ne sont pas opérationnels et mis en place ? » se demande Doré, mettant en lumière les lacunes actuelles dans les infrastructures sécuritaires haïtiennes.
La rencontre avec Anthony Blinken était, selon Doré, l’occasion rêvée pour le gouvernement haïtien de soumettre un dossier complet sur les véritables besoins en matière de sécurité. Le département d’État américain, lorsqu’il décide de s’engager, a prouvé à maintes reprises qu’il peut avoir une influence considérable sur la scène internationale. « Quand le département d’État veut, il peut, et oui il peut », déclare Guichard Doré, faisant allusion à la capacité des États-Unis à agir efficacement lorsqu’ils en ont la volonté. Il souligne également que le meilleur allié pour défendre la cause d’Haïti aux États-Unis reste le département d’État, mais si ce dernier ne s’engage pas, « tout se paralyse ».
L’échec, selon Doré, réside dans le fait que le Premier ministre Conille n’a pas su capitaliser sur cette opportunité diplomatique pour présenter des demandes concrètes, notamment la levée des restrictions sur la vente de matériels militaires à Haïti, qui reste un besoin essentiel pour la réhabilitation des forces de sécurité. « Le gouvernement haïtien a manqué de demander formellement la levée des restrictions sur la vente de matériels militaires à Haïti », affirme Doré. De plus, l’activation de l’accord de coopération militaire de 1961, qui aurait permis une assistance accrue des États-Unis dans le domaine de la sécurité, aurait dû figurer au centre des discussions. Doré critique également l’absence de démarches pour obtenir l’envoi de coopérants américains spécialisés dans la mise en place d’un service central de renseignement, une infrastructure qui fait cruellement défaut à Haïti en cette période de crise.
Doré déplore la passivité diplomatique du gouvernement Conille, qui n’a pas su défendre les véritables enjeux stratégiques du pays lors de cette visite. « La diplomatie haïtienne a raté un temps précieux pour défendre le vrai enjeu stratégique du pays », explique-t-il, soulignant que les lieux communs rapportés dans les médias témoignent de l’incapacité du gouvernement à donner une dimension stratégique à cette rencontre. En ne profitant pas de la présence d’Anthony Blinken pour formuler des demandes claires, Haïti a perdu une opportunité cruciale de faire avancer ses intérêts en matière de sécurité et de coopération.
Pour Guichard Doré, cette rencontre aurait dû être l’occasion pour Haïti de poser des questions de fond et de mettre en avant ses priorités stratégiques. « Le gouvernement a raté une occasion importante pour poser les questions de fond au bénéfice du pays », affirme-t-il, ajoutant que le Premier ministre Conille aurait dû faire preuve de plus de clairvoyance et d’initiative en vue de renforcer la sécurité nationale. En négligeant d’aborder des sujets aussi cruciaux que la coopération militaire ou la mise en place d’un service de renseignement efficace, le gouvernement haïtien a montré une absence de vision stratégique à un moment critique.
Ainsi, selon Guichard Doré, la visite d’Anthony Blinken en Haïti, loin de marquer un tournant décisif pour la sécurité du pays, se solde par une occasion manquée. Alors que les États-Unis auraient pu jouer un rôle déterminant dans la réhabilitation des forces de sécurité haïtiennes et la mise en place d’une coopération militaire renforcée, le gouvernement haïtien n’a pas su tirer parti de cette opportunité. Haïti, plongé dans une crise sécuritaire sans précédent, doit désormais faire face à ses défis sans les outils nécessaires pour les surmonter.